Troisième volet de nos balades au pays des méfaits des rôles relationnels dans la recherche d’emploi. Aujourd’hui: le comportement Sauveur. Immensément valorisé, autant dans sa version infirmière que Chevalier blanc, le rôle de Sauveur reste, comme les deux autres, un mauvais rôle, dont les expressions comportementales peuvent porter préjudice à la recherche d’emploi. |
Le rôle de sauveur
Nous sommes nombreux à nous aimer davantage en Sauveur car nous voyons dans ce rôle un fond de gentillesse et d’empathie. C’est normal: le Sauveur trouve dans ce rôle une façon de se valoriser, d’avoir le sentiment d’être quelqu’un de bien. C’est la raison pour laquelle nous nous reconnaissons facilement dans ce rôle, mais peinons plus à en sortir.
Pourtant, que ce soit suite à une perte d’emploi, pour une transition ou après une reconversion le comportement Sauveur va entraver la recherche d’emploi, aussi mieux vaut l’identifier chez soi-même pour pouvoir construire une posture plus avantageuse. Un court rappel sur les caractéristiques du sauveur:
– La tendance à négliger ses besoins au profit de ceux des autres.
– Le besoin excessif d’aider son prochain, même quand rien ne lui a été demandé.
– Le positionnement en conseiller, en expert, en celui qui sait, y compris à tort.
– L’altruisme et la générosité jusqu’à l’excès et l’intrusion.
– L’infantilisation et le refus d’autonomie de ses interlocuteurs.
– La propension à jouer très vite les victimes ou les persécuteurs quand sa proie – se rebiffe.
Les conséquences négatives de ce comportement sur la recherche d’emploi sont moins évidents que ceux du comportement potentiellement agaçant de la Victime ou désagréable du Persécuteur. Pourtant, ils sont aussi présents, car si le rôle de Sauveur est fortement valorisé par la société, il est tout aussi néfaste que les autres comportements du Triangle de Karpman.
Sauveur et perte d’emploi
Le Sauveur se construit une image acceptable de lui-même au travers de ce qu’il perçoit comme sa générosité et son altruisme. La perte de son emploi va alors l’amener à nourrir un profond sentiment d’ingratitude de la part de l’entreprise qui l’a licencié refusant par là de reconnaître l’étendue de sa contribution à l’entreprise, lui, si impliqué, loyal et dévoué…
On n’est pas très loin du comportement Victime, dans lequel un Sauveur déçu peut d’ailleurs facilement plonger. Tout comme elle, notre Sauveur risque de ressasser et ruminer. Cependant, lui s’attardera sur ce qu’il perçoit comme un déni de reconnaissance. A l’inverse de la Victime qui va chercher de vilains coupables, le Sauveur risque une forte remise en question de sa valeur, potentiellement très déstabilisante, cependant peu productive tant qu’il reste enfermé dans son comportement.
Sauveur et recherche d’emploi
Une période de chômage correspond souvent à une petite mort sociale et professionnelle. Elle propulse le Sauveur dans un statut en décalage complet avec son penchant naturel: celui qui habituellement sait pour tout le monde n’arrive pas à se débrouiller tout seul. Il peut prendre cet état de fait pour la preuve qu’il n’est pas à la hauteur de ce qu’il croit être. Cette remise en question peut être extrêmement bousculante et plonger le Sauveur dans un désarroi profond. La dévalorisation se planque au coin de la rue et le sauveur peut même finir déprimé. Les quatre dimensions développées ci-dessous peuvent paraître répétitives car elles s’alimentent les unes les autres.
Inutilité et découragement
Le Sauveur se définit par le rôle qu’il joue auprès de ses contemporains et par extension auprès de son entreprise. Lorsqu’il se retrouve au chômage, il peut se retrouver confronté à un sentiment d’inutilité très difficile à vivre pour lui. D’autre part, ce qui lui arrive n’a pas de sens pour lui, puisqu’il a le sentiment que sa contribution et son engagement sont sans limites. Tout cela peut être fortement décourageant et mener à une certaine passivité.
Frustration et aigreur
Cette période d’inactivité qu’il conçoit comme une période d’inutilité conjuguée à d’éventuelles candidatures qui n’aboutissent pas et sont considérées comme autant de refus de son aide, qu’il considère comme immensément précieuse, peut lui conférer un sentiment de frustration intense. Cette frustration peut se traduire pas une certaine colère rentrée qui le laissera aigri et l’inscrira dans un cercle vicieux, car plus son aigreur s’exprimera, moins il donnera envie de l’embaucher. D’autre part, cette frustration peut le pousser à passer à des comportements Victimes ou Persécuteurs pas plus efficaces.
Difficulté à rebondir
Le Sauveur ayant une forte propension à faire passer les besoins de ses contemporains avant les siens, il a une idée extrêmement vague de ses besoins et une incapacité chronique à les écouter et à y répondre. Il a érigé le déni de soi en art de vivre, ce n’est pas parce qu’il est chômage que tout d’un coup il va se préoccuper davantage de ce qui se passe en lui. Les effets pervers de son fonctionnement sont la négligence de son bien-être psychologique, l’absence de remise en question des stratégies qui ne fonctionnent pas et l’enfermement dans le sentiment d’ingratitude. Il aura d’autant plus de difficultés à rebondir face à cet aléa pas tout à fait anodin de la vie.
Renforcement des convictions
Lorsque ses proies refusent une aide non sollicitée, ou pire ne renvoient pas l’ascenseur plein de reconnaissance que le Sauveur attend sans le dire, il forge et renforce sa conviction de l’ingratitude du monde, au sens large, tant qu’à faire. Il est d’ailleurs possible qu’il reçoive moins de propositions d’aide que la Victime ou le Persécuteur car son entourage est habitué à ce qu’il soit là pour les autres sans sembler avoir besoin de quoi que ce soit pour lui-même.
Si ses propres convictions limitantes sont différentes des deux autres rôles, elles vont avoir exactement le même effet: directement ralentir et entraver sa recherche d’emploi, en diminuant sa faculté à voir les opportunités. Le Sauveur va finir par développer sentiment d’ingratitude pessimste qui n’at rien de réaliste et va se révéler coûteux en énergie.
Le renforcement des convictions est un processus simple: le cerveau cherche des preuves de ce qu’il est déjà enclin à croire. Ainsi le sauveur va inlassablement chercher des exemples démontrant que le monde/les gens/les recruteurs sont parfaitement oublieux de ses merveilleuses qualités, à coup de stratégies d’échec dans des candidatures ou des postures inadaptées.
Sauveur, CV et entretiens d’embauche
Outre l’état d’esprit peu enthousiasmant développé et qui va transparaître dans les entretiens d’embauche, le comportement Sauveur a aussi un impact sur la manière de mener sa recherche d’emploi. Puisque notre Zorro du boulot s’est spécialisé dans le sauvetage tous azimuts, s’il n’est pas trop dans la dévalorisation, il peut avoir une image excessivement avantageuse de ses accomplissements et candidater au dessus de ses compétences.
La mise en valeur de ses compétences et de ses accomplissements professionnels peut être un brin excessive et s’il insiste un peu trop sur ce qu’il présente comme son esprit d’équipe et sa merveilleuse tendance à voler au secours de ses collègues/collaborateurs en détresse, les recruteurs risquent de rapidement déceler sa tendance réelle, qui consiste à laisser peu d’autonomie à l’autre, à avoir du mal à déléguer, à passer en mode Persécuteur dès que lesdits collaborateurs tentent d’échapper à sa main-mise et à quémander la reconnaissance au travers de ses actions.
Mini coaching: évaluer son comportement Sauveur dans la recherche d’emploi
Bien entendu, le portrait que nous venons de dresser de notre chercheurd’emploi-Sauveur est un tantinet schématique, car il s’agit d’en dessiner les contours, et la part de votre comportement sauveur sera probablement plus nuancée. Encore une fois, identifier les modes d’expression de votre part de sauveur vous permettra de commencer à sortir de ce rôle néfaste et se débarrasser des stratégies d’échec qu’il génère. Comme pour tous les rôles relationnels, il est utile de renforcer l’estime de soi et la confiance en soi pour parvenir à en sortir.
Pour identifier si vous avez un comportement Sauveur, c’est par là:
Dans quelle mesure le comportement sauveur teinte-t-il votre recherche d’emploi?
Dans quelle mesure renforce-t-il des convictions limitantes?
Dans quelle mesure vous pousse-t-il à vous sentir frustré, inutile?
Dans quelle mesure vous pousse-t-il à l’inaction, au découragement?
Comment se traduit-il dans vos discours? Dans CV?
Comment se traduit-il dans votre façon de vous exprimer et vos attitudes lors des entretiens?
Au regard de vos réponses: sur une échelle de 1 à 10, où situez-vous l’ampleur du rôle de sauveur chez vous?
Au delà de 5, réfléchissez à la possibilité de vous faire aider pour sortir de votre rôle: il se peut qu’il soit en grande partie responsable de vos difficultés à retrouver un emploi.
En deça de 5:
De quoi avez-vous besoin pour gagner en confiance?
Quelles mesures pouvez-vous prendre pour modifier ces comportements?
Quand allez-vous les mettre en oeuvre?
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Wahoo !
Merci pour votre article.
D’abord, je dois vous dire que j’adore votre site et je “bois comme du petit lait” tous vos écrits. Bref, je suis FAN car j’adhère à toutes vos valeurs.
Mais ce dernier article lu en période de doute actuelle pour moi donne l’occasion d’une mise au point salutaire. Donc merci encore.
Merci pour ce retour qui me touche énormément:))