Où je vous propose des lucioles qui travaillent en mode impressionniste pour faire émerger des itinéraires de reconversion et éviter le sentiment décourageant de tourner en rond, peut-être même d’être bloqué et dans l’obscurité, particulièrement pour les multipotentiels qui ont mille idées à la fois sans vraiment en avoir:)
Quand la réflexion donne le sentiment de ne pas avancer
Florent a 30 ans, il est ingénieur, intelligent, bourré de qualités, de curiosité, de culture, un multipotentiel comme on les aime et il ne sait pas ce qu’il veut faire « plus tard, quand je serai grand » sourit-il, entendant par là quand il aura définitivement rompu avec l’image familiale de la réussite qui n’inclue pas les remises en question majeures et les bifurcations farfelues. Son père est chirurgien, sa mère est prof d’université, sa sœur est avocat d’affaires, ses amis sont ingénieurs. Autour de lui, tout le monde vit dans l’aisance et sans grande peur du lendemain. Les uns rêvent de promotions, de gros dossiers, les autres de fonder une famille, d’acheter une maison. Au milieu, Florent se sent le dernier des derniers avec sa seule envie : laisser tomber son poste de chef de projet dans l’industrie et faire quelque chose qui lui plaît.
Et c’est d’autant plus compliqué que la question qui vient tout de suite après c’est oui, c’est bien joli, mais faire quoi, exactement ?
L’accompagnement que je lui propose passe du coup par une phase de réconciliation à lui-même, de libération des injonctions et héritages familiaux, par l’appropriation de sa propre définition de la réussite et il en est content. Seulement voilà, il ne voit pas l’ombre d’un projet pointer le bout de son nez, illumination soudaine et tant espérée au dessus d’un horizon brouillardeux. Et voilà qu’il m’explique que ça ne va pas du tout, qu’il n’avance pas d’un iota. Ce qui évidemment est intéressant, de la part de quelqu’un qui a, en quelques séances, largement ramolli son auto-dévalorisation, commencé à reconnaître ses qualités, à se réapproprier son droit à faire autre chose et à admettre que choisir un métier qui lui plaît n’est pas mépriser la réussite version familiale, mais plutôt honorer sa propre définition de la réussite.
Bref, il a suffi qu’il se débloque pour qu’il se re-bloque;)
Préférer les lucioles au déclic!
Ouaiiiiiis, bien sûr, me dit-il, mais je n’ai pas avancé « sur mon projet ». Il finit par m’expliquer qu’il s’imaginait qu’au détour d’un entretien, d’une question pertinente ou d’un exercice miraculeux, un métier sortirait du chapeau, colombe annonciatrice de la paix professionnelle retrouvée : j’ai un projet, je sais où je vais. Un « moment euréka » comme on dit outre-Atlantique, une ampoule qui s’allume comme dans les BD, un déclic. Et hop ! Toute sa vie serait changée !
Seulement voilà ce n’est pas souvent comme ça que ça se passe. A attendre le déclic, Florent a oublié de regarder autour de lui et de voir les petits cailloux qu’il a déjà posés sur le chemin, les minuscules indices, et à défaut de méga spots des feux de la rampe allumés d’un seul coup d’un seul sur « sa voie », les petites lucioles, micro LED qui éclairent de micro espaces, ténus points de repères indicateurs d’itinéraire.
Et ces lucioles, on les reconnaît avant tout au sentiment qu’elles procurent. Elles ne nous mettent pas la comprenette cul par-dessus tête, elles ne nous plongent pas dans l’extase épiphanique, l’enthousiasme débordant et contagieux de la grande révélation. Elles donnent un sentiment léger, diffus de chaleur agréable, de plaisir tendre, de joie douce. Elles sont ce qui rend la réflexion sur la reconversion jolie comme les perce-neiges annonciateurs de fin de l’hiver, jolie comme une escapade à Giverny, entre les nymphéas ici et là.
Les lucioles impressionnistes de la reconversion
Elles s’expriment sous forme de substantifs, de verbes, d’adjectifs, d’expressions qu’on pose là et qu’on oublie parfois presque aussitôt, sans avoir conscience de leur importance, simplement parce qu’ils ne sont pas un nom de métier. Pourtant, elles dessinent déjà les contours d’un continent sans nom, un continent inconnu sans doute, mais un continent professionnel dont certaines rives émergent à travers elles et que l’impatience pousserait à ignorer, alors qu’il pourrait receler des voies professionnelles précieuses.
Car pas besoin de « que la lumière soit » pour commencer à éclairer le chemin, il suffit de quelques mots pour mettre le premier pied devant l’autre et sortir de l’obscurité. Nous avons donc remonté le fil de nos entretiens et fait ressortir l’essentiel. Trois mots sont apparus :
- Contact
- Innovation technologique
- Travailler avec ses mains
Aucun de ces trois mots ne suffit à lui seul pour définir un projet, mais ensemble ils ont donné à Florent les contours d’un territoire certes vaste, mais d’un territoire à explorer concrètement, ce qui lui donnera d’une part des pistes à creuser et d’autre part le sentiment d’avancer sur son projet. Il regarde actuellement du côté de l’ESS, des fab lab, et comment mettre des innovations technologiques au service de l’artisanat.
Se reconvertira-t-il à la croisée de ces domaines-là? Je n’en sais rien, il est trop tôt pour le dire. En attendant, il avance par petites touches, chaque fois qu’une luciole met en lumière un substantif (plutôt révélateur de valeurs) ou qu’un verbe (plutôt révélateur de penchants, de désirs, de façons d’agir) émerge au détour d’un entretien ou de ses propres réflexions. Ses lucioles sont des impressionnistes qui éclairent peu à peu des micro espaces donnant naissance à un projet aux traits visibles, moins conceptuel, moins léché et inversement plus sensible et en mouvement, aux tonalités très personnelles. Bref, une oeuvre concrète et vivante, qui vibre avec celui qui la réalise.
4 pistes pour une reconversion impressionniste
Il y a quatre enseignements importants à tirer de l’expérience de Florent et qui font partie intégrante d’un itinéraire qui s’appuie sur les lucioles impressionnistes et qui sont particulièrement utiles aux multipotentiels, aux cerveaux hyperactifs qui, parce qu’ils ont des sources multiples de plaisir et d’intérêt, ont le sentiment de ne pas avoir de passion
1- Cesser de focaliser sur l’objectif “trouver un projet”
En coaching, on fixe des objectifs et ça fonctionne très bien. Dans le cadre d’un projet ambitieux et complexe, le regard trop rivé au sommet devient un risque, celui de ne pas regarder où on pose ses pieds. Et de ne pas voir les cairns qui indiquent le chemin (donc de rater un aiguillage) ou le trou dans lequel on se fera une entorse. Et ce sommet qui nous échappe, qui a parfois l’air proche mais reste encore inaccessible est facteur de pression et d’inquiétude, qui seront amplifiées au fur et à mesure que l’objectif deviendra de plus en plus insaisissable.
L’itinéraire, même plein de méandres inattendus, de détours surprenants, recèle de pépites qui donneront sa tonalité, sa saveur à son aboutissement. Comme dans bien des choses, trop focaliser sur l’objectif détourne l’attention de nos lucioles, ces détails parfois infimes mais souvent précieux qui se trouvent autour de nous. La réflexion en amont va aider, pièce par pièce, touche après touche à élaborer le plan, à dessiner le projet. Aussi cessons de ne scruter que le point culminant de la montagne et regardons où nous mettons les pieds.
2- Avoir conscience du chemin parcouru
Le sentiment de ne pas avancer naît souvent d’un mélange d’exigence vis-à-vis de soi-même et de manque de valorisation, dans lequel seul les bonds de 7 lieues ont grâce à nos yeux. C’est faux et ça entretient la mésestime de soi. Chaque pas est un accomplissement en soi et mérite d’être vu, reconnu, pris en compte. Reconnaître les étapes franchies, les informations obtenues, les enseignements tirés, les désirs identifiés, les démarches menées vous permettra de garder en tête qu’avancer ne signifie pas trouver le projet là-maintenant-tout-de-suite, n’en déplaise à une impatience compréhensible. Avancer signifie poser les jalons et que chaque action menée apporte des petites touches qui participent de son élaboration.
3- Opter pour la présence à soi-même
Préférer l’éveil, la présence à l’attente de déclic qui vous plonge dans une agitation cérébrale angoissée qui tourne en rond comme au manège à ressasser toujours les mêmes questions, de préférence vagues et sans réponse. Ce qui revient à une forme d’absence à soi-même menant tout droit à l’immobilisme mental de la rumination : moins j’avance plus j’angoisse, plus j’angoisse moins j’avance. C’est en étant présent à vous-mêmes, à l’affût de tout ce qui pourrait surgir de vos pensées et de vos expériences que vous serez en mesure de saisir les lucioles micro points de repères dans la définition de votre projet.
4- Prendre du plaisir à collecter
Florent s’amuse à repérer ses lucioles, qu’il appelle ses fanaux, parce que ça lui évoque la voile qu’il adore. Et plus il y prend du plaisir, plus il en repère (tout simplement parce qu’il a ouvert son esprit à leur existence) et plus il lui semble que son projet, pourtant encore inabouti, prend tournure et se clarifie. , c’est plus fun, plus valorisant et plus intéressant d’être le Pissarro ou le Turner de sa reconversion que d’espérer qu’une oeuvre d’art vous soit pondue par une révélation divine. On ne chope pas les lucioles avec des algorithmes!
Devenez ainsi des collectionneurs de lucioles indicatrices de vos désirs, de vos appétences et dessinatrices de territoires uniques à explorer, qui dévoileront leurs méandres petit à petit. A vos pinceaux, artistes-peintres de votre changement de vie et nous verrons prochainement comment explorer ces territoires en mode décontracté:)
Crédit photo: Quit007 – Travail personnel, CC BY-SA 3.0,
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Aller plus loin
Vous voulez explorer votre désir de reconversion et construire un avenir professionnel en harmonie avec vos désirs, vos appétences, vos propres sources de plaisir au travail? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual.
Cet article tombe à pic dans mon avancement de vie.
Merci beaucoup pour les conseils qui vont m’apporter énormément !
Tant mieux, je suis ravie qu’il te soit utile!:)
Merci pour cet article 🙂 Je comprends tout à fait Florent et suis ravie de voir que je ne suis pas seule dans ce cas !
Merci pour le retour et je vous souhaite un itinéraire plein de lucioles fructueuses et porteuses d’enseignements:)
Merci pour cet article !! Je me retrouve tout à fait dans l’état d’esprit de Florent avant qu’il ne découvre l’existence des “lucioles” : beaucoup de remue-méninges, d’angoisse et de déception et au fil du temps on se sent encore plus perdu voire complètement paumé…bien plus qu’avant d’avoir entamé la réflexion sur notre reconversion !!
A mon tour donc de chercher les lucioles…
Merci pour le partage Dorothée, et bonne chasse aux lucioles:))
Bonjour,
en lisant l’article et les mots “innovation technologique”, “contact” et “travailler de ses mains”, j’ai pensé à cet article que j’ai lu récemment : https://mrmondialisation.org/cet-ingenieur-francais-a-vecu-4-mois-sur-un-radeau-en-bambou/?utm_source=actus_lilo
a toutes fins utiles, et bonnes lucioles à tous!
Excellent! Merci Florianne! (et ravie de vous croiser ici;)
J’ai bu toutes vos paroles avec ivresse tant les mots / maux étaient justes ! Mon chemin s’est éclairé.
J’en suis ravie! Bonne route à vous:))