Sylvaine Pascual – Publié dans Talents et ressources
Premier volet d’une série de 4 sur ces jugements que nous passons en permanence sur les autres, leurs convictions, leurs comportements, mais aussi sur toutes sortes de choses, et qui sont le reflet d’une évaluation subjective qui cherche à nous protéger. Si certains sont à notre service, d’autres ont un coût très élevé et méritent d’être remis en question pour favoriser un état d’esprit plus positif. |
Juger moins, juger mieux
A ma droite, les champions de la conclusion hâtive, qui soulèvent un sourcil sûr de lui pour vous expliquer qu’on ne peut pas ne pas juger.
A ma gauche, les adeptes de philosophies orientales qui prônent le non-jugement pour des relations harmonieuses.
Ils ont en commun d’avoir tous raison, ce qui est déjà un jugement en soi!
Entre eux, un moyen terme sans doute, qui consisterait à juger moins tout en jugeant mieux, c’est à dire en distinguant les jugements nécessaires, ceux dont les bénéfices sont au service de notre bien-être et de nos relations, de ceux qui n’ont d’autre profit que de nourrir des égos fragiles, au détriment de l’estime de soi et des mêmes relations.
Je vous propose de partir en exploration dans les contrées sauvages du jugement, en quatre étapes:
Bénéfices du jugement
Système de protection
C’est fou le temps que nous passons à juger, jauger, évaluer nos camarades bipèdes en fonction de filtres érigés en vérités universelles par des égos fragiles qui, à la moindre possibilité d’une remise en question se mettent en mode défensif.
Et comme la meilleure défense, c’est l’attaque, elle s’exprime en flèches acérées trempées dans du venin. Un comportement qui nous déplaît, une parole qui heurte nos valeurs, et hop! Nous voilà dégainant mentalement des collections de noms d’oiseaux que nous ressortirons plus tard, en terrain familier, c’est à dire entourés de vautours aux plumes plus compatibles. Médisance, remarques perfides, étiquetage, comparaison, nos jugements prennent diverses formes qui ont deux points communs: nous les imaginons pertinents (le plus souvent à tort) et ils sont le reflet de nos propres systèmes de protection face à ce que l’objet de nos observations nous renvoie.
Entretenir une image acceptable
C’est l’éternelle histoire de la paille dans l’œil du voisin. Pendant que notre attention est tout entière focalisée sur le manquement de l’autre, elle n’est pas en train de s’auto-flageller sur les siens propres (que lui renvoie l’objet du jugement)). Nous passons des jugements définitifs tous azimuts pour nous protéger d’éventuelles remises en question et nous rassurer en entretenant une image acceptable de nous-mêmes, souvent à coup de principes vertueux portés en bandoulière.
Comprendre le monde
D’autre part, les jugements permettent de cartographier le monde et ses habitants, de le rendre plus lisible et compréhensible. Les gens, mais aussi les idées, les opinions, les concepts, les cultures etc. sont ainsi catégorisés dans des ensembles et sous-ensembles qui les rendent à la fois identifiables et prévisibles,plus simples à gérer. De même, ils permettent de faire nôtres certaines valeurs qui vont favoriser la vie en communauté et les relations sociales.
Nourrir le sentiment d’appartenance
Les jugements participent aussi du sentiment de reconnaissance et d’appartenance : nous nous reconnaissons mutuellement lorsque nous partageons le mépris – voire la haine – de telle ou telle personne ou caractéristique. Cependant, ici le bénéfice est fortement coûteux s’ils s’agit de jugements négatifs : il est plus économique moralement de se reconnaître mutuellement dans l’appréciation d’une caractéristique.
Favoriser la prise de décision
Mais les jugements ont aussi une fonction beaucoup plus primitive et primordiale à la fois : en nous aidant à déterminer ce qui est « bon » et ce qui ne l’est pas, ce sont eux qui nous permettent de prendre des décisions, de faire des choix entre plusieurs options, bref, d’augmenter l’adaptabilité qui, selon Darwin, est le propre de la survie. Par extension, les jugements sont aussi à l’origine de toutes les formes de progrès, scientifique, technologique etc.
Mini coaching: évaluer sa propre façon de juger (1)
Evidemment, tout l’art de l’observation de soi réside dans le fait de porter un regard neutre et bienveilant sur ses propres comportements, pour ne pas tomber dans la complaisance ou la dévalorisation. Et tout seul, ça n’est pas simple, on arrive vite aux limites de l’auto-coaching. L’objectif ici est donc davantage de vous permettre de réfléchir sur vous-même que d”espérer une auto-objectivation fluide et limpide…
- Dans quelle mesure reconnaissez-vous vos jugements dans chacun des bénéfices enoncés?
- Vos jugements, en quoi sont-ils utiles?
- Que vous apportent-ils?
- Quels sentiments génèrent-ils en vous?
- Qu’est-ce que ça vous dit sur leur nature? Sur leur rôle?
Voir aussi
Les relations difficiles: le triangle de Karpman
Les ratés de la communication: généralisations abusives
Les ratés de la communications: les interprétations abusives
Quand les attitudes négatives sont des compliments déguisés
Comportements au travail: Interview de Sylvaine Pascual sur journaldunet.com
Aller plus loin
Vous voulez développer une vie professionnelle plus sereine et réjouissante à la fois? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual au 01 39 54 77 32 |
Bravo Sylvaine pour ce premier billet.
Il s’agit là d’une appréciation très positive de ma part, et donc… d’un jugement positif 🙂 mais un jusgement quand même.
Je ne sais pas si tu reviendras sur cette notion par la suite, mais il me semble que le jugement et/ou l’appréciation ne revêtent pas forcément la seule connotation “négative” ou laissant à penser que l’on se positionne en “supériorité” lorsque l’on porte un jugement.
Ce que tu décris là me parle évidemment, mais de la même manière qu’il y a une nuance entre “certitude” et “conviction”, il y a pas mal de nuances dans les appréciations (qui en soit, peuvent être des évaluations non définitives)
Du coup, me vient la question… avant de juger moins ou de juger mieux… comment mieux apprécier pour éviter… des erreurs de jugement ?
Bonjour Fred,
Je te laisse seul juge: peut-être la réponse se trouve-t-elle dans le fait de développer le discernement?
Je veux bien qu’à ta gauche se trouvent des adeptes de philosophie orientale, mais s’abstenir de tout jugement revient aux sceptiques dont le fondateur est Pyrrhon d’Élis qui sévit à Athènes vers 320 av. J.C. Doctrine philosophique en réaction aux doctrines qui se voulaient tout expliquer, alors que la vérité est toute relative – Disons qu’elle dépend du système conceptuel, des croyances sur lesquelles nous fondons nos convictions.
Merci pour cette précision, qui montre que les adeptes contemporains de philosophie dite orientale devraient sans doute réviser leurs classiques!
Comme quoi, les jugements de ceux à ma gauche n’engagent qu’eux! Les dits adeptes de philosophie orientale, c’est surtout un vilain sarcasme de ma part, qui s’adresse à ceux qui ont l’art de t’expliquer que la vérité est ailleurs, et qu’eux ils ont trouvé où;))