Nous avons vu dans une première partie que les cadres ont des atouts non négligeables pour réussir une reconversion dans l’artisanat. Mais ce n’est pas tout. Les métiers autant que le secteur sont une mine d’opportunités parfois insoupçonnées, à explorer en détails pour prendre conscience du large champ des possibles dans ce domaine, autant en termes de perspectives de carrières que de plaisir au travail.
Une reconversion dans l’artisanat? Des avantages qui méritent exploration
Lors du dixième anniversaire du partenariat entre la Société des meilleurs ouvriers de France et la Société Générale, j’ai eu l’occasion de rencontrer trois Meilleurs ouvriers de France qui ont des conseils éclairés à donner aux cadres qui s’interrogent sur un changement de métier possible vers l’artisanat:
- Catherine Roland, Trésorière générale de la Société nationale des MOF, Présidente déléguée du Groupement de Paris de MOF et ancienne directrice de centre de formation.
- Gérard Rapp, Président de la Société nationale des Meilleurs Ouvriers de France
- Jean-François Girardin, vice-président de la Société nationale des MOF et Chef de cuisine au Ritz jusqu’en 2012
Ils nous ont montré combien les cadres ont des atouts pour réussir dans l’artisanat, voyons à présent les avantages que les cadres en question à faire ce choix, pour peu que l’envie les travaillent. Afin qu’ils s’autorisent une exploration minutieuse et approfondie, loin des idées reçues, avant de rejeter une piste au potentiel très vaste. Voici donc 5 bénéfices majeurs des métiers d’artisans pour les cadres en désir de changer de métier:
1- L’artisanat, un large champ de possibilités
Avec 3 millions d’actifs, 100 000 embauches par an et 300 000 départs en retraite à combler dans les 10 ans, l’artisanat est un secteur dynamique, malgré même si certaines branches, comme le bâtiment sont en perte de vitesse depuis 2012.
D’autre part, L’artisanat est un ensemble de secteurs d’activités et de métiers dont on peine à imaginer l’étendue. Catherine Roland explique que nous avons souvent une connaissance très superficielle des métiers d’artisan. Ainsi le domaine de l’esthétique offre des possibles bien plus vastes que le cliché de l’institut Vénus beauté au coin de la rue. Voilà un métier qui peut s’exercer dans les hôtels, les maisons de retraite, les hôpitaux, les prisons par exemple. Pour les candidats à une reconversion, il est donc essentiel de donner de la profondeur de champ à sa réflexion en allant examiner de près toutes les possibilités d’exercice d’un métier donné.
Car l’artisanat, c’est plus de 500 métiers « des plus traditionnels (maçonnerie, menuiserie, boucherie…) aux plus modernes (micro-électronique, son et image, génie climatique…) y compris les services (mécanique, coiffure, confection…) et la création artistique (céramique, bijouterie, arts graphiques, décoration). » précise le portail de l’artisanat. De toiletteur canin à maître de chai, de berger à photographe, de taxidermiste à prothésiste, les métiers de l’artisanat offrent un très large panel de possibilités regroupées en 4 secteurs d’activité :
2- Des potentiels d’évolution de carrière très vastes
“Un artisan sur deux se met à son compte dans les 10 ans de sa formation”, précise Gérard Rapp, mais si l’entrepreneuriat peut être une suite logique et naturelle pour beaucoup de cardes en reconversion, il n’est pas la seule possibilité. Pour ceux qui n’auraient pas la fibre entrepreneuriale, l’artisanat est un secteur générateur d’emploi et l’employabilité des artisans est assez largement supérieure à celle d’autres métiers.
- Création d’entreprise : l’entrepreneuriat artisanal connaît dans l’ensemble moins d’échec que l’installation à son compte dans beaucoup d’autres métiers, avec un taux de pérennité à 3 ans des entreprises accompagnées par les CMA de 76%.
- Reprise d’entreprise : 300 000 départs en retraite d’artisans dans les dix ans offrent autant d’opportunités de reprise d’entreprise. D’autant que ceux-ci peinent à trouver une relève: seules 5000 des 40 000 entreprises viables trouvent un repreneur chaque année.
- Salariat : à l’entrepreneuriat, nul n’est contraint et pour ceux qui préfèrent le salariat, là aussi, les possibilités sont vastes et ne condamnent pas à un smic et une vie discrète au fond d’un atelier ou d’une boutique. Sortir du lot, démontrer un savoir-faire et une créativité débordante peuvent se faire sans être son propre patron, à l’instar de chefs ouvrant dans les restaurants prestigieux de grands hôtels.
- Enseignement : Parmi les Meilleurs ouvriers de France en activité, 60% sont artisans, 30% sont salariés, 10% sont enseignants
Comme en témoignent les chiffres de la Chambre des métiers de l’artisanat (CMA), l’artisanat est un secteur porteur avec plus de 1 000 000 d’entreprises pour un chiffre d’affaires de 300 milliards d’euros, qui pourtant peine à recruter. Il offre des places à prendre autant dans le salariat que l’entrepreneuriat.
3- Des quotidiens professionnels potentiels à adapter
Les différentes possibilités d’exercer les métiers de l’artisanat ont un autre avantage majeur pour une reconversion : ils permettent de choisir et de construire précisément le quotidien professionnel désiré.
Ma petite entreprise…
Le pâtissier qui aime travailler seul dans son coin a la possibilité de vivre son métier en mode Ma petite entreprise sans pour autant se contenter d’un revenu équivalent au SMIC. Il peut choisir de s’installer à peu près où il veut et de mener une vie active localement et de s’en contenter parfaitement. C’est d’ailleurs le choix d’une majorité d’artisans. A l’obligation de devenir Gaston Lenôtre ou Christophe Michalak ou rien, nul n’est tenu !
… deviendra grande
Il peut aussi nourrir d’autres ambitions et d’autres aspirations : former des jeunes (ou des moins jeunes en reconversion) pour transmettre son savoir ou alors faire valoir son talent en participant à des concours (Meilleur ouvrier de France, Olympiades des métiers), œuvrer dans des restaurants prestigieux, développer sa marque, la franchiser, s’exporter etc.
Collaboration et partenariats
Et ne plus travailler seul : « la mutualisation des compétences est le seul moyen de se développer et de conquérir d’autres marchés, y compris à l’international » explique Gérard Rapp « il peut s’agir aussi bien de travailler avec des commerciaux ou des spécialistes en marketing que de fédérer des compétences pour offrir des prestations différentes, comme par exemple un plombier, un carreleur, un électricien, un peintre qui s’associent pour proposer une prise en charge globale d’un projet d’aménagement ». *
En d’autres termes, l’artisan a la possibilité d’adapter son métier à ses besoins et aspirations professionnels, de le vivre intégralement selon ses choix. Il pourra choisir parmi un vaste panel de possibilités celles qui correspondent à l’idée qu’il se fait du plaisir au travail, de l’épanouissement, d’une vie professionnelle réussie.
4- L’artisanat fait rimer tradition avec innovation
Les métiers de l’artisanat sont intimement liés, dans l’imaginaire collectif, à des métiers du passé. On se représente beaucoup trop l’artisan figé dans un savoir-faire immuable qui s’exerce dans des ateliers sombres et poussiéreux. L’image d’Epinal de l’artisan est parfois loin de la réalité et ces métiers peinent à montrer leurs ancrages dans la modernité, en particulier avec l’arrivée des nouvelles technologies. Pourtant, les meilleurs ouvriers de France présents n’ont qu’un mot à la bouche : innovation.
Gérard Rapp insiste « à l’avenir, de plus en plus, les artisans qui réussiront seront ceux qui oseront innover et sortir du lot. Ceux qui se contentent de participer au bruit de fond, au banal, à l’ordinaire seront voués à disparaître. » On a parfois un peu tendance à imaginer l’artisanat comme des pratiques transmises de génération en génération, des gestes d’antan, la naphtaline du quotidien professionnel. Et en même temps, nous avons parfaitement conscience qu’on ne devient pas Jean-François Girardin en se contentant de reproduire le pot au feu de Mémé Huguette.
Ce n’est pas pour rien que le motto des MOF est « Etre à la recherche constante du progrès et de la perfection » : réflexion, créativité et innovation font partie du quotidien de l’artisan. Entre nouvelles technologies et progrès techniques, les métiers de l’artisanat ont tout autant un pied dans la tradition que dans l’innovation. Ils ne sont ni des métiers d’antan, ni des métiers d’avenir, mais des métiers en constante mutation.
5- D’un métier intellectuel à un métier manuel ? En finir avec le cliché
Beaucoup de cadres ou professions dites « intellectuelles » ou « supérieures » en réflexion sur un changement de métier en ont ras-la-cafetière d’avoir la turbine à penser qui fait des heures sup et ils espèrent un quotidien professionnel futur dans lequel ils pourront se mettre le cerveau aux abonnés absents. Ce n’est souvent qu’une réaction émotionnelle face à un ras-le-bol qui cherche à s’éviter le mal-être et dès qu’ils sont sortis de ces situations délétères, ils se rendent compte qu’en réalité, ils aiment bien faire fonctionner leur comprenette.
Or le cliché voudrait qu’une reconversion dans l’artisanat soit essentiellement le passage d’un métier intellectuel à un métier manuel. C’est une vision bien étriquée qui remise un peu trop vite le côté cérébral de métiers qui nécessitent aussi des aptitudes à réfléchir, observer, analyser, concevoir etc.
Les métiers de l’artisanat peuvent donc être particulièrement délectables pour un cadre en reconversion, justement parce que ce sont des métiers en mouvement dont les savoir-faire évoluent sans cesse et qui laissent une place de choix à la réflexion, autant créative, en termes de conception et réalisation de produits, qu’opérationnelle, en termes par exemple de positionnement marketing, de pilotage et de développement d’entreprise. Ils ne sont donc pas purement des métiers manuels, mais génèrent des passerelles entre dimensions manuelles et intellectuelles qui peuvent être très enrichissantes.
Devenir artisan: une piste à explorer
A l’écoute des différents Meilleurs ouvriers de France présents, ce qui frappe, c’est le fossé incroyable entre les discours maussades, convenus et immobilistes sur le fait « qu’on ne peut pas entreprendre en France » et l’enthousiasme entrepreneurial de ces artisans, qui ont une véritable fierté de leur métier, une conscience réjouissante de leur savoir-faire et un désir profond de le transmettre.
Alors si vous avez un désir de reconversion et vous questionnez sur l’artisanat? Rappelez-vous que la réflexion n’est pas une prise de risque et sortez l’idée de son tiroir. Observez-la, étudiez-là sous toutes les coutures, allez explorer le secteur en menant une enquête métier, en rencontrant des artisans entrepreneurs, des directeurs de centre de formation, explorez tous les prolongements possibles, toutes les potentialités professionnelles de ces métiers avec en bonus trois bénéfices supplémentaires des reconversion dans l’artisanat :
- Des métiers qui ont du sens: L’artisan vit un métier passion, est directement au service de l’autre et a des relations de proximité forte avec ses clients, facteurs d’intégration au tissu social et à la vie locale, de reconnaissance et d’appartenances multiples. Tout cela est fortement générateur de sens.
- Des entreprises à taille humaine : les entreprises artisanales sont majoritairement des TPE et des petites PME où l’atmosphère et l’organisation n’ont rien à voir avec les grandes entreprises.
- Des reconversions très encadrées: contrairement à beaucoup d’autres secteurs, entre centre de formation, maîtres d’apprentissage et chambres des métiers, le candidat à la reconversion dans un métier d’artisan est particulièrement encadré et rarement isolé.
Passion transformée en métier, rêve de gosse ou découverte tardive, la reconversion dans les métiers de l’artisanat offre donc un ensemble de bénéfices qui est sans doute la raison pour laquelle les cadres reconvertis se régalent et ne feraient marche arrière pour rien au monde, comme le montre, témoignages à l’appui, ce dossier de la CMA de tours: Reconvertis dans l’artisanat, les cadres s’éclatent!
*L’exemple que donne Gérard Rapp m’a fait sourire: c’est exactement la raison pour laquelle j’ai fait appel à la décoratrice Carole Ferreira-Cerca (que vous commencez à connaître) pour le réaménagement de mon intérieur: une prise en charge totale du projet et une gestion des corps de métiers qui me permettaient… de ne pas avoir à m’en occuper;)
Voir aussi
Ithaque, 1er influenceur de France en matière de reconversion professionnelle
La reconversion professionnelle dans l’artisanat, ITW dans le Monde des artisans
La reconversion des cadres dans l’artisanat
Reconversion professionnelle: l’être humain derrière le projet
Un nouveau regard sur la reconversion professionnelle?
Reconversion professionnelle: milieu de carrière et questionnements
Réussir une reconversion professionnelle dans l’artisanat (1): 4 points à traiter
Aller plus loin
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Bonjour,
Je m’appelle Jérôme, j’ai 51 ans, je suis ancien cadre de la distribution et j’envisage de me reconvertir dans l’enseignement en BTS en passant le concours externe l’année prochaine.
Je souhaiterais pouvoir échanger avec des personnes, en reconversion également ayant préparé le concours cette année. Connaissez-vpus des personnes dans cette situation et si oui, pouvez-vous me mettre en relation avec elles ?
Merci d’avance
Jérôme
Bonjour Jérôme,
Vous pourrez certainement échanger avec des personnes dans des situations similaires sur le forum concours de Cap Public:
https://forum-concours.cap-public.fr/
Je vous souhaite une belle reconversion!