Dans un itinéraire de reconversion, se retrouver dans le brouillard complet du « vers quoi/où vais-je donc aller » est d’un inconfort majeur. Perplexité, doutes, confusion peuvent générer de l’angoisse, de la frustration, du découragement. Voici trois conseils pour sortir des doutes et de la confusion en passant en mode révisions et corrections. Explications!
Doutes et corrections
Felicia Ricci, entrepreneure, auteure, interprète, prof de chant en ligne et youtubeuse (460 000 abonnés) a commencé sa carrière comme auteure, puis comme comédienne, avant de bifurquer à nouveau vers l’écriture et le chant, puis l’enseignement du chant via des cours en ligne, le vloging et plus récemment l’improvisation musicale. Elle est un exemple type de ces personnes – en particulier les multipotentiels – qui fourmillent d’envies et d’idées et finissent par hybrider leur métier de mille et une manières, jusqu’à en inventer des déclinaisons si nécessaire, parce qu’elles pourraient se retrouver vite étriquées dans une vie professionnelle aux contours trop délimités. Et donc pour s’assurer que la vie professionnelle reste source de vitamines mentales, de stimulation, de plaisir au travail.
Son parcours est une série de bifurcations professionnelles d’ampleur variables, depuis le changement de métier jusqu’à un changement de direction plus léger dans le prolongement des compétences avérées, auxquelles d’autres sont venues s’ajouter. Dans cette conférence TED donnée à Yale il y a deux ans, elle explique comment elle a mené ses évolutions et transitions de carrière: en pratiquant la correction.
La carrière: une copie à revoir de temps à autres
A tout moment de notre carrière, nous pouvons nous sentir perdus, angoissés par l’idée de ne pas savoir vers quoi nous diriger. Elle compare ce sentiment à celui que nous avons tous éprouvé lorsque, pendant nos études, nous recevions un devoir corrigé. Ce travail qui nous revenait imparfait et annoté: « inexact », « approfondissez » etc.
Dans nos questionnements sur nos insatisfactions professionnelles, dans la réflexion sur une possible voie de reconversion, nos doutes ressemblent à l’encre rouge des corrections de nos profs et nous renvoient le sentiment désagréable que nous n’en avons jamais fini avec le projet, qu’il y a toujours une quelque chose d’inexact, quelque chose à approfondir. Mais peut-être que c’est justement là que se loge le secret d’une vie professionnelle dont la souplesse va garantir l’intérêt: on ne finalise jamais le brouillon et elle reste une copie à revoir, à réviser, à corriger de temps à autres.
La reconversion en mode correction
Un processus de reconversion ou une intention de job crafting, c’est un peu comme revoir une copie dont nous sommes à la fois le rédacteur et le correcteur. Evaluer pour amender, ajuster, modifier, un peu ou beaucoup, parfois, régulièrement ou souvent, c’est donner une plasticité à sa vie professionnelle qui va permettre de corriger le tir lorsqu’elle s’égare dans des directions qui ne sont pas ou plus les nôtres. Felicia Ricci raconte ainsi sa décision de mettre un terme à sa carrière dans la comédie musicale, alors qu’elle avait cru que c’était le rêve de sa vie. justement parce qu’en jouant à Broadway elle s’est rendue compte qu’elle n’avait pas envie de faire ça toute sa vie. Savoir réviser la copie de sa carrière, c’est nous permettre de l’adapter à nous-mêmes, à nos besoins et nos aspirations au fur et à mesure que ceux-là évoluent. Ces corrections peuvent être
– Prévues, mûries, réfléchies, comme la décision de changer de métier
– Elaborées au fur et à mesure que la vie nous envoie ce qu’elle nous envoie, en réponse à de nouvelles circonstances, envies, contraintes etc. Il s’agit alors plutôt de légère ré-orientation, de job crafting et d’hybridation.
Trois conseils pour revoir la copie de sa carrière
Felicia Ricci propose trois conseils pour réviser le mémoire de sa vie professionnelle et vous allez voir, lecteurs fidèles, qu’ils m’ont forcément plu :
1- Ignorer les statistiques et le « réalisme »
“Si vous faites quoi que ce soit d’un peu innovant ou audacieux, dit Felicia Ricci, les statistiques ne seront jamais en votre faveur”. Ce qui revient à dire de ne pas se préoccuper de « réalisme » qui est dans les publications francophones, le terme habituel. Dans son propre cas, vivre de l’écriture, les chances de réussite étaient très minces.
Ca m’évoque d’autres cas, comme celui de Michel et Augustin, que je cite jusqu’à plus soif : s’ils s’étaient préoccupés du « réalisme » de leur projet, ils seraient allés prendre une franchise de restauration rapide. Ou encore mon propre cas : seuls 2% des coachs vivent du coaching !
Il est donc essentiel de fermer les écoutilles aux conseils frileux de ceux-qui-vous-veulent-du-bien et qui ont toujours des avis tranchés sur l’affaire. Et rassurez-vous, ignorer le pseudo « réalisme » ne signifie pas faire n’importe quoi, à moins d’omettre les deux conseils qui suivent 😉
Felicia Ricci estime cette question du réalisme et des statistiques est futile puisque de toute façon, dès lors que vous considérez une bifurcation professionnelle, vous vous inscrivez déjà dans un parcours non conformiste et donc moins « réaliste » par nature. Et puis il y a une différence majeure entre réaliste et réalisable;)
- Changer de métier: les reconversions trop raisonnées-raisonnables, sources d’échec
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2- Accepter qu’on va stresser !
Apporter des modifications à sa vie professionnelle c’est stressant et il y a de fortes chances pour qu’à un moment ou à un autre, la trouille vous attrape par la gorge. C’est une évidence : le changement peut inquiéter et non, nul besoin d’avoir des nerfs d’acier pour mener une reconversion. Tout le monde peut avoir des périodes d’anxiété lors des transitions professionnelles et il se trouve qu’on parle de celles qui freinent l’exploration du désir de reconversion et relativement peu de celles qui s’invitent pendant le parcours.
Felicia Ricci met à disposition des ressources qui l’ont aidée à traverser ces moments de stress, d’inquiétude, d’angoisse, il suffit de lui envoyer un email à felicia@feliciaricci.com. Je vous propose quant à moi quelques unes des miennes:
- Projets professionnels: obstacles et dérobades
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Il y a aussi, à mes yeux, un autre élément important dans l’acceptation des périodes ou des sujets d’inquiétude liés à la reconversion que Felicia Ricci ne mentionne pas : ils attirent notre attention sur les points qui ont besoin d’être traités pour s’éviter en toute tranquillité le n’importe quoi mentionné plus haut. La peur, l’inquiétude sont des émotions d’anticipation qui s’expriment d’autant plus fort qu’il leur manque des informations indispensables à notre propre évaluation de la faisabilité d’un projet ou du sentiment d’avancer vers son identification.
3- Décisions et expérimentations
Voilà un point désagréable pour tous ceux qui aiment peaufiner, ciseler la réflexion avant la décision, pour ceux qui sont hantés par l’angoisse de « la bonne décision » et qui aimeraient pouvoir tout analyser en amont : chaque conséquence possible, chaque détail. Au final, nous ne pouvons jamais vraiment savoir comme les choses vont se passer tant que nous ne passons pas à l’action. L’exemple est sans doute un peu convenu, mais Felicia raconte son désir de s’assurer qu’elle allait être une bonne écrivaine avant d’écrire un livre. Elle a donc lu des livres… sur l’écriture, mais ce n’est que par l’expérimentation qu’elle a pu réaliser ses capacités réelles. C’est aussi en expérimentant l’écriture de roman pour les jeunes adultes qu’elle s’est aperçue qu’elle détestait ça ! L’expérimentation est donc le moyen de valider ou d’invalider des pistes.
Ca m’a rappelé le cas de ma cliente Nour, 31 ans, qui après un début de carrière dans le commercial réfléchissait à la possibilité de bifurquer dans la rédaction web et qui, malgré un joli brin de plume qu’elle avait un tout petit peu explorer sur un début de blog, tergiversait sans cesse : allait-elle y prendre du plaisir, allait-elle avoir suffisamment de talent, pouvait-elle en vivre etc. Toutes ces questions classiques qui, parce qu’elles sont formulées en question fermées, ont peu de chances de trouver une réponse (autre que « heu, probablement pas »). En formulant ces interrogations en questions ouvertes
– Comment savoir si je peux y prendre du plaisir?
– Comment savoir si j’ai du talent?
– Comment savoir si je pourrais en vivre?
La réponse s’est imposée : en expérimentant. En écrivant, en publiant sur son blog, en valorisant ses écrits sur les réseaux sociaux.
Ca m’a aussi rappelé l’exemple de ma client Sylvie, cavalière de compétition depuis longtemps, qui s’est rendue compte lors d’une immersion dans un centre équestre que le quotidien d’un moniteur n’était pas pour elle et qu’elle avait idéalisé ce métier exigent et multifacettes. Ce qui signifie que le renoncement fait partie intégrante des corrections possibles qu’on peut apporter à une copie professionnelle.
Il est indispensable de se pencher soigneusement sur la part d’introspection nécessaire pour mesurer les ajustements à implémenter et pratiquer un job crafting suffisant pour trouver un plaisir durable dans son métier. Il est tout aussi indispensable d’expérimenter ce qui peut l’être, parce que seule l’expérience concrète apporte les réponses dont nous avons besoin. Voir:
Boucler des boucles, dénouer les noeuds
Un dernier point: de correction en correction, Felicia Ricci est peut-être revenue à une déclinaison de ce qu’elle croyait être le rêve de sa vie pour y renoncer ensuite: elle se produit deux jours par mois à Philadelphie où elle fait de l’improvisation de comédie musicale. Ce qui me donne envie de vous dire que c’est aussi en expérimentant que, de renoncement en innovation, qu’on boucle les boucles qu’on a besoin de boucler et qu’on dénoue les nœuds de celles qui ont besoin d’être dénouées. Alors revoyez vos copies professionnelles autant de fois que vous en aurez besoin ou envie;)
Bonne route!
Aller plus loin
Vous voulez explorer un désir de reconversion et élaborer un projet professionnel pertinent, réalisable et en harmonie avec vos aspirations, vos désirs, vos appétences? Ithaque vous accompagne. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual.