Le slashing – ou pluriactivité en français dans le texte – est en augmentation et suscite de plus en plus d’intérêt, d’autant plus qu’il est présenté comme la dernière tendance. Comme toutes les options professionnelles, la multiactivité a un certain nombre de caractéristiques qui peuvent être autant bénéfices que limites et qui demandent à être évalués en fonction de soi-même avant de se lancer pour ajuster son projet de reconversion.
La pluriactivité: une option de reconversion à évaluer
Nous avons déjà évoqué les petits arrangements avec le slashing qu’on trouve à droite à gauche, histoire d’en faire une tendance, que dis-je, LA tendance des jeunes qui ont tout compris à la vie. Parce qu’elle augmente et qu’elle est de plus en plus présentée comme une solution glamour d’une part et l’avenir d’autre part, elle est plus susceptible de pousser à prendre des vessies professionnelles pour les lanternes qui éclaireront généreusement votre itinéraire de reconversion.
En réalité, indépendamment de l’âge (une bonne part des pluriactifs sont en seconde partie de carrière) la pluriactivité n’est pas nécessairement synonyme d’extase professionnelle, de garantie d’avenir ou inversement d’erreur monumentale. Elle est simplement un choix possible parmi les multiples possibilités de vivre sa vie professionnelle, dont les caractéristiques spécifiques sont à évaluer par ceux qui sont tentés, en fonction d’eux-mêmes, de leurs désirs et aspirations, de leurs aptitudes à faire vivre un tel projet, comme n’importe quelle autre option.
Voici donc en vrac quelques-unes de ces caractéristiques présentées en mode binaire avantages/inconvénients, sachant que les uns et les autres peuvent en être ou pas, selon la perception qu’on en a. Chacun des bénéfices peut devenir ou contenir une limite et inversement, certains points négatifs pourront être à la base d’un choix. Il s’agit donc surtout de penser à toutes ces dimensions et d’évaluer comment elles nécessitent d’être prises en compte dans votre projet, comment elles l’impactent et quels ajustements vous allez faire pour éviter les effets qui pourraient être négatifs pour vous.
Un rappel: distinguons deux formes de pluriactivité:
– Le slashing portfolio : le cumul de plusieurs activités professionnelles différentes et distinctes – (coiffeur/photographe/comptable). Dans cette catégorie, distinguons aussi la double carrière, soit le cumul de deux activités qui se développe, du slashing multiactivité, qui reste très anecdotique.
– L’hybridation : la déclinaison d’une thématique en plusieurs compétences/activités (enseignant/chercheur/auteur/conférencier) ou la mise au service de plusieurs activités/compétences au service d’une même thématique (ingénieur marketing ou chef de produit web). En plein boom, et fortement génératrice de nouveaux métiers, l’hybridation est potentiellement très rémunératrice et clairement l’avenir de nombreux métiers.
- Chronique d’une reconversion annoncée : l’hybridation des métiers
- Reconversion: slashing vs hybridation
Les bénéfices de la pluriactivité
Le slashing est largement facilité par les nouvelles technologies qui permettent autant d’hybrider des métiers que de se former, dans une certaine mesure, en autodidacte. Elles facilitent aussi le travail à distance (télétravail, coworking, tiers-lieux de toutes sortes), ainsi . Il est aussi rendu plus accessible par le statut d’auto-entrepreneur ou le portage salarial qui permettent d’exercer simultanément une activité salariée et une autre à son compte. Les bénéfices sont multiples, en particulier dans le cas de la double carrière.
La sécurité
Parmi les avantages d’un slashing de type portfolio, est fréquemment nommé celui de la sécurité, puisque si l’on perd l’une de ses activités, on peut toujours retomber sur ses pattes professionnelles en s’appuyant sur les autres. C’est certainement vrai dans une moindre mesure chez nous qu’aux Etats-Unis, à condition toutefois – et une fois encore – d’avoir développé des compétences suffisantes pour générer une véritable employabilité (ou achetabilité, si vous êtes à votre compte). L’argument peine à convaincre, aussi l’affaire reste à mesurer au cas pas cas et en fonction des attentes de chacun.
La variété
Dans tous les cas, portfolio, double carrière ou hybridation, le principal bénéfice est la variété qui s’invite dans le quotidien professionnel et qui nourrira largement tous ceux qui ont un seuil de tolérance à l’ennui assez bas (toutes générations confondues!). C’est la possibilité d’exprimer des besoins, désirs et appétences divers et/ou en apparence antinomiques et éloignés et donc de construire un sentiment d’épanouissement sans avoir à passer par un renoncement difficile à des sources d’intérêt.
Expérimenter des possibilités et hybrider
Parce qu’elle permet de ne pas mettre tous ses œufs professionnels dans le même panier, la multiactivité peut aussi être un moyen d’expérimenter plusieurs voies professionnelles voire une façon de décider laquelle conviendra le mieux – à condition certainement que chacune ne nécessite pas des formations longues. C’est aussi certainement une façon de tester des possibilité d’hybrider un métier en conjuguant des compétences diverses, en pollinisant une activité avec d’autres éléments. Et le confluent des appétences permet parfois des hybridations étonnantes et passionnantes, j’aurai prochainement l”occasion d’y revenir;)
La réinvention de soi
A travailleur pluriel, multi-identité, ce qui permet aussi de se réinventer en permanence. Autant la réinvention de soi constante dans des activités très différentes et simplement effleurées ne conviendra pas à certains qui s’épanouiront davantage en construisant lentement, en profondeur et dans la durée, autant d’autres seront heureux de pouvoir bousculer régulièrement leur(s) identité(s) professionnelle(s). Notons aussi que l’hybridation qui nécessite l’approfondissement permet aussi une ou plusieurs réinventions de soi, à mesure qu’on est amené à varier les supports ou les modes d’expression de son métier ou de le conjuguer avec des compétences nouvelles.
La réinvention des métiers
Parce que ceux qui s’affranchissent des codes habituels de la vie professionnelle auront moins de mal à se débarrasser des carcans des habitudes, trop souvent confondues avec des “impératifs”, ils seront plus à même de réinventer leur(s) métier(s) au gré de leurs désirs et de leurs aspirations.
Inversement, hybridation et slashing permettent de réenchanter sa vie professionnelle en imaginant de nouveaux formats, de nouvelles façons d’exprimer des compétences/appétences et d’adapter sa vie professionnelle à soi-même plutôt que l’inverse, justement parce que c’est par nature une vie professionnelle plus complexe à articuler. C’est donc une opportunité de se mettre au job crafting et de s’affranchir des habitudes transformées en impératifs
Le nomadisme
le slashing version portfolio peut aussi être un moyen de favoriser le nomadisme en multipliant les lieux de travail, y compris le télétravail et le co-working, ce que l’hybridation permet dans une moindre mesure (certains métiers hybrides comme le mien permettent une grande variété de tiers-lieux, d’autres non). Ce nomadisme peut être une grande source de satisfaction mais là aussi, c’est une vie à construire car le plus souvent, ça signifie bosser sur la table de la cuisine.
D’autre part, quant il devient multiplication des temps de transport pour passer d’un lieu de travail à l’autre, le nomadisme peut rapidement devenir insupportable, tout comme il peut donner un grand sentiment de liberté.
La conjugaison des appétences
le slashing protfolio peut aussi être un moyen de vivre simultanément de plusieurs passions ou centres d’intérêts qui peineraient à être suffisamment rémunérateurs à eux seuls. Slashing portfolio et hybridation peuvent être un moyen de conjuguer des appétences a priori très éloignées. Le grand intérêt du slashing peut être la double carrière, dans laquelle on articule un métier moins motivant peut-être mais rémunérateur avec un métier qui parle davantage aux tripes mais peine à générer un revenu suffisant. On trouve ainsi de plus en plus de personnes qui cumulent un métier “classique” avec une activité artistique.
L’épanouissement pour des multipotentiels
Souvent présenté comme LA solution pour les multipotentiels, le slashing dans sa version portfolio peut être une option très nourrissante autant qu’il peut se révéler insuffisamment stimulant intellectuellement, par manque d’approfondissement. Attention donc, la superficialité peut se transformer en hyperactivité dilettante bien peu nourrissante.
Ceci dit, l’association d’activités manuelles et intellectuelles peut être un moyen formidable pour certains multipotentiels d’alterner cerveau en ébullition et cerveau en toile de fond.
Inversement, l’hybridation d’une thématique peut être très satisfaisante pour les multipotentiels qui voient dans une thématique donnée une complexité qui va à la fois alimenter leur besoin d’approfondissement et de stimulation intellectuelle et leur donner la possibilité de conjuguer des appétences et compétences peut-être éloignées ou différentes.
Vivre de sa passion
Certaines passions peuvent devenir des métiers à part entière, alors que d’autres vont s’avérer plus difficiles à monétiser. La multiactivité est à l’évidence un moyen de transformer une passion en un petit bout de métier, lorsqu’il est difficile d’en vivre pleinement ou pour éviter qu’elle se dilue dans la professionnalisation à plein temps. La pluriactivité devient alors utile pour s’éviter désillusions et plantages, et conserver tout le bénéfice d’énergie de la passion.
Les risques à mesurer de la multiactivité
En vertu du principe que le job idéal de l’un est le scénario cauchemardesqe de l’autre, ne vous laissez pas influencer par les sirènes du slashing protfolio à professions multiples sous prétexte que ça a une dénomination sexy et en vogue et que c’est présenté comme le summum du bonheur, la perle des carrières. Prenez le temps d’explorer dans quelle mesure c’est réellement une réponse adéquate à vos besoins/désirs/appétences professionnels.
Le risque principal est le classique syndrome de la chambre d’hôte qui consiste à idéaliser, à ne voir que les aspects positifs et dans le cas d’une carrière portfolio, on frise l’absurde lorsqu’il y a une mise en abîme du syndrome en question: on idéalise et les métiers et on idéalise leur exercice en mode multiactivité. Idéalisation au carré = plantage assuré!
Le second, lui aussi commun à tous les itinéraires de reconversion, consiste à croire qu’un métier qu’on aime va nous rendre heureux automatiquement et donc à oublier de mettre une bonne dose de job crafting dedans. Rien de tel pour s’assurer le grand ratage de sa reconversion.
Parmi les dimensions spécifiques de la bifurcation professionnelle vers le slashing sous toutes ses formes, voici celles qu’il est indispensable d’étudier et de mesurer:
L’éparpillement, le surinvestissement et l’épuisement
La carrière portfolio demande beaucoup de flexibilité, d’adaptabilité et de capacité à passer d’une tâche à une autre facilement, donc concrètement à savoir laisser en veille un dossier ouvert pendant qu’on en traite un autre. C’est potentiellement très consommateur d’énergie, aussi une phase d’expérimentation rigoureuse pour déterminer dans quelle mesure c’est plus dynamisant qu’énergivore.
Lorsque le slashing implique plusieurs activités exercées en indépendant, chacune devient financièrement vitale: si une seule manque, c’est tout l’équilibre financier qui est menacé, aussi il est nécessaire de les alimenter constamment et donc de multiplier les actions de commercialisation, ce qui peut être aussi épuisant que peu engageant pour ceux qui manquent de compétences et d’appétences pour ce domaine. D’autre part, lorsque l’activité multicasquette inclue aussi un administratif important, mieux vaut s’assurer qu’on va être en mesure de le mener de front avec le reste ou de le déléguer.
Emmanuelle Duez, qu’on donne constamment en exemple, ne semble pas tant être être “représentative des millenials” que représentative d’elle-même et d’une frange minoritaire des multipotentiels, cele des ultra actifs brillants et infatigables. Elle dit travailler de 8h à 21h et “même les temps de transports sont optimisés”. Ce qui lui convient n’est peut-être pas du goût de tout le monde et en particulier de ceux, y compris les multipotentiels, qui cherchent dans une reconversion un moyen de mieux articuler les temps de vie. Il est essentiel de mesurer ce qui est bon pour vous, ce que vous voulez vraiment, plutôt que de vouloir imiter des icônes.
Enfin, beaucoup de multiactifs s’estiment hyperactifs ce qui peut cacher une peur du vide et de l’inactivité très dans l’air du temps, mais potentiellement une quête épuisante.
La difficulté à se vendre
Malheureusement, entreprises et recruteurs restent très frileux vis-à-vis de candidats/professionnels qui ont plusieurs casquettes professionnelles, tout comme particuliers et entreprises préfèrent acheter des produits et des prestations de spécialistes. Ce qui ne signifie pas que se lancer dans une carrière portfolio soit une mauvaise idée : ce sont les avant-gardes qui font bouger les lignes !
Cela signifie en revanche de construire une estime de soi et une posture relationnelle particulièrement solides pour être convaincant, renforcer son employabilité/achetabilité et pouvoir rebondir (remettre en question ses stratégies plutôt que soi-même) lorsqu’on rencontre des difficultés.
Cela implique aussi de penser en amont aux façons de commercialiser les différents produits que vous allez proposer et de vous assurer de votre capacité à rebondir et à expérimenter diverses façons de faire pour éviter les déceptions amères.
L’organisation et le stress
une carrière multifonctions peut être très exigeante en termes d’organisation et de gestion du temps. Le risque est de se retrouver à travailler nuit et jour pour de maigres résultats, la fatigue nuisant considérablement à l’efficacité. Il est donc important d’avoir une solide connaissance de soi, de ses propres leviers d’efficacité et d’inspiration pour élaborer une organisation qui va préserver le plaisir et le bien-être, qui s’appuie sur un agencement et une alternance judicieuse des tâches, en fonction de vos propres mécanismes.
Cet article donne l’exemple de Myriam, Doctorante en histoire de l’art / Conseillère en stratégie numérique / Entrepreneuse / Enseignante en stratégie culturelle: “Au début j’ai commis une erreur de débutant, j’ai travaillé 24h/24 et 7j/7. C’était de la gloutonnerie. Il est prouvé que travailler au-delà de 40 heures par semaine est contre-productif. L’important est de bien se connaître. Je me chronomètre parfois. Je suis sans cesse en train de réviser mes priorités, de penser au temps que j’alloue à chaque tâche.” Voir:
Travailler plus et gagner moins
Certains slashers portfolio cumulent plusieurs activités peu rémunératrices par nature ou en raison du temps limité qui leur est consacré, finissant ainsi par travailler beaucoup et gagner très peu. C’est évidemment un choix personnel qui dépend de la définition qu’il/elle met sur la réussite et qu’il n’y a pas à juger. En revanche, en fonction des métiers que le would-be slasher choisirait, c’est une réalité à prendre en compte pour évaluer si l’équation temps de travail/revenus est acceptable. D’autant plus que pour de nombreux candidats à la reconversion, changer de métier correspond aussi à un désir de travailler moins pour vivre mieux, à savoir accorder une vraie place à la vie après le ou en dehors du travail. Or, les métiers moins rémunérateurs demandent souvent plus d’investissement pour générer le même revenu.
L’identité professionnelle
Au lieu d’être multiple, l’identité professionnelle peut tendre à se fractionner, au profit de casquettes qui ne couvrent jamais vraiment le chef et nécessitent des explications qui ressemblent davantage à une liste de courses qu’à un elevator pitch. A ce titre, les carrières hybrides correspondent davantage à un enrichissement de l’identité et les carrières multiples représentent plus un risque de dilution de l’identité au profit d’un profil aux contours vagues. Certains seront très à l’aise et joueront avec délices de ce portrait fragmenté, d’autres ne s’y reconnaîtront pas: ce peut être l’opportunité d’une identité élargie ou au contraire d’une perte de soi.
4 conclusions et une recommandation
1- Dans tous les cas, il est indispensable d’étudier l’affaire de près et d’évaluer précisément votre compatibilité avec la piste de slashing envisagée et s’assurer qu’il s’agit d’un choix délibéré et non pas d’un chant des sirènes, annonciateur de reconversion ratée.
- Reconversion professionnelle : écouter le chant des sirènes !
2- le slashing portfolio reste une option aussi valable qu’une autre, à condition toutefois d’avoir soigneusement considéré toutes ses facettes et vérifié qu’elles sont compatibles avec vos désirs, vos aspirations, vos appétences.
3- La véritable tendance n’est pas un slashing portfolio débridé dans lequel on cumule 3 ou plus activités, celui-ci reste anecdotique. La véritable tendance, c’est la double carrière, sur laquelle nous reviendrons.
4- Le slashing hybride est en plein boom pour de nombreuses raisons: les exigences technologiques font de l’expertise multifonction l’employabilité de demain d’une part et la garantie de métiers variés et intellectuellement stimulant d’autre part.
5- Dans tous les cas, il est recommandé de conserver une base de compétences solides et transversales sur laquelle vont venir se greffer d’autres compétences. Bref: l’hybridation;)
Je vous souhaite une belle reconversion!
Aller plus loin
Vous voulez explorer un désir de reconversion et construire un projet pertinent et réalisable, un projet en harmonie avec vos appétences, désirs et aspirations? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual.
Excellent article Sylvaine, qui fait un bel écho pour moi. Je ne savais pas que ce que je pratique depuis 8 ans maintenant avait un nom 🙂
Pour ma part, et après un temps de maturation quant à mon identité professionnelle (comme tu le soulignes), j’ai trouvé un véritable équilibre entre mon activité de soignant en psy et celle de coach. C’est d’ailleurs depuis ce point d’équilibre trouvé, que des “add-on” ont émergé de ces deux activités (ateliers psychothérapeutiques, animation de Groupe d’Entraide Entrepreneuriale, animation de stages de développement personnel).
Par ailleurs, je ne sais pas si mon activité de blogueur rentre dans le système; car en tant que tel, il n’est pas rémunérateur, mais le fait que la majorité de mes clients actuels me contactent par son biais, influence forcément mon activité pro.
Tout ceci est très proteiforme de toutes façons.
Au plaisir de te lire
Christophe
Bonjour Christophe! Pour moi, nos activités communes coaching/blogging ainsi que tes activités add-on sont davantage de l’hybridation que du slashing.En revanche, l’association soignant en psy et coach sont plutôt du slashing:
Quoi qu’il en soit, l’essentiel est d’être heureux dedans et je suis ravie que tu aies trouvé un équilibre d’où émerge de jolies ides d’accompagnement:))
Les slashers ont désormais leur plateforme : https://www.slash-share.com permet de mettre en relation slashers et entreprises ouvertes à ces méthodes de travail