Reconversion professionnelle: la part de chance

La réussite d'une reconversion ne doit rien à la chance, elle doit tout aux efforts de ceux qui l'ont menée

Ceux qui ont réussi leur reconversion et trouvent beaucoup de plaisir dans un job quasi idéal s’entendent souvent dire qu’ils “ont de la chance”. Réussir à changer de métier serait donc dû essentiellement à la bonne fortune? Est-il indispensable d’avoir de la veine pour parvenir à la vie professionnelle qui nous fait rêver? Ou bien s’agit-il plutôt d’huile de coude, de réflexion et de sueur?

La réussite d'une reconversion ne doit rien à la chance, elle doit tout aux efforts de ceux qui l'ont menée

 

Reconversion coup de bol?

La chance, c’est la “faveur du sort”, nous dit le Larousse. C’est une conjonction d’événements heureux qui vont dans le sens de la réalisation d’un projet. Au sens strict, il y a donc une part de chance indéniable dans l’aboutissement d’un projet. Cependant, ce n’est en général pas cette signification que nous donnons au concept de “chance”. Nous la considérons comme la responsable de ces événements heureux, et non pas comme leur conjonction.

Or conjonction et responsabilité ne sont pas exactement la même chose! Bienveillants responsables de nos petits et grands succès, la chance et son compère le hasard? Ils ont bon dos ces deux-là. Ils nous maintiennent dans un humilité toute discrète, nous évitent de prendre la grosse tête et de nous gonfler l’égo au gaz de ville. Pourtant, attribuer  la responsabilité de ces événements heureux à un concept abstrait, ou croire qu’il est indispensable à la réussite d’un projet de reconversion sont des pièges qui peuvent mener tout droit à la dévalorisation et à la passivité.

La question n’est au final pas tant de savoir si la chance existe ou pas ou s’il faut une sacrée veine pour mener à bien un projet de transition de carrière, que de comprendre le rôle qu’elle joue, en fonction de la définition qu’on lui donne, dans le cadre d’un projet ambitieux comme la reconversion professionnelle. Sans détour par la case thèse/antithèse/synthèse : elle en joue très peu et voici pourquoi.

Une reconversion menée à bien est due à l'engagement du candidat et à sa préparation, pas à la chance

 

Une reconversion professionnelle n’est pas une collection de trèfles à 4 feuilles

Une reconversion réussie, qui aboutit à un métier qui nous procure beaucoup de plaisir et de satisfaction, que nous exerçons dans des conditions agréables n’est pas le résultat de la collecte minutieuse – et par nature fort chanceuse –  de trèfles à quatre feuilles. Elle est le fruit de beaucoup de réflexiond’explorationd’observation, de décisions, d’expérimentation, de passages à l’action dont les conséquences ont été évaluées et ont éventuellement donné lieu à des modifications pour aboutir à un résultat satisfaisant.

Le seul responsable de la réussite du changement de métier, c’est donc bien le candidat à la reconversion, qui a généré la conjonctions d’événements positifs par son travail de préparation et non pas le coup de bol d’un heureux quidam né sous une bonne étoile.

 

Chance, malchance et projet bien ficelé ou mal ficelé

Quid des décisions d’évolution professionnelle qui s’avèrent mauvaises a posteriori, alors? Nous prenons des décisions en fonction de qui nous sommes, de nos croyances et de nos émotions, des informations que nous détenons à un instant T. Les décisions qui débouchent sur des impasses sont donc  le révélateur d’éléments à traiter:

 – Quelque chose à apprendre

 – Une information qui manque  

 – Une leçon à tirer

 – Un frein qui n’est pas levé

 – Un obstacle qui n’a pas été franchi.

Une reconversion qui échoue, à moins d’un événement totalement externe, ne doit rien à un insondable manque de pot, elle est l’indicateur d’un projet inabouti, incomplet, boiteux ou encore qui manque de cohérence avec celui qui le porte. Elle peut être le miroir:

  • d’un projet peu pertinent, comme une reconversion “raisonnable” sur le plan du marché de l’emploi, mais insuffisamment motivante, qui rend peu convaincant auprès des recruteurs.
  • d’un manque de confiance qui pousse à prendre des décisions au travers du regard des autres comme mon client Philippe, qui a mis 5 ans à se décider avant de se reconvertir dans l’artisanat car son père trouvait ça “dégradant”. Ou cet autre qui s’est vu dire par un consultant qu’il devait devenir commercial parce qu’il avait du bagou et s’est engouffré sans succès dans un projet qui n’était, au fond, pas le sien.
  • d’un manque d’assurance qui pousse à craindre la frilosité des recruteurs au lieu de mettre en valeur les avantages spécifiques aux personnes qui ont changé de métier.
  • Un projet mal ficelé ou bâti trop vite, sans avoir une idée véritable et précise du métier désiré, comme une conception idéalisée d’une profession qui s’avère éloignée de vos besoins/envies professionnels ou la méconnaissance des compétences nécessaires, comme par exemple les compétences commerciales indispensables aux créateurs d’entreprise qui se retrouvent avec un chiffre d’affaire largement insuffisant faute de savoir vendre leurs produits.

Tous ces exemples restent des éléments à traiter, de préférence évidemment en amont du projet, ils n’ont toujours rien à voir avec la chance ou la malchance.

Le non fonctionnement ou le fonctionnement chaotique d’un projet de reconversion, c’est un peu comme de se tromper de chemin en montagne: quand on a mal lu la carte et qu’on tombe sur une falaise infranchissable, on revient en arrière et on l’étudie soigneusement pour trouver le bon itinéraire. Ça paraît logique, une question de bon sens. Et pourtant, étonnamment, lorsqu’il s’agit de nos aspirations professionnelles, certains vont s’entêter à escalader la paroi, quitte à chuter dans le vide, d’autres feront demi-tour en invoquant leur mauvaise étoile. Plutôt que de chercher là où le chemin a fourché et de retrouver la direction.

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Chance, malchance, inexactitudes et estime de soi

Attribuer un échec à la déveine ou à un phénomène extérieur, c’est aussi s’engouffrer tête baissée dans le rôle tant joué de victime, qui a l’avantage de s’attirer la compassion et d’éviter la remise en question. Or, nous l’avons vu plus haut, c’est justement de cette remise en question que peuvent naître les stratégies adéquates. Le problème, c’est que nous avons souvent tendance à confondre remise en question d’une stratégie, d’une mise en action ou d’un comportement et remise en question de notre valeur en tant que personne.

Inversement, l’aboutissement d’une reconversion doit  tout à la façon dont le candidat a mené son projet et en particulier la détermination, la préparation, la mise en oeuvre, ainsi qu’à tous les talents et compétences dont la personne a fait preuve pour y parvenir, en mode expérimentation et triplette du coaching, c’est à dire au travers de l’analyse des résultats en cours de route et à l’adaptation des stratégies si nécessaire.

Quand je vois l’investissement, l’engagement des candidats à la reconversion avec lesquels je travaille, leurs choix parfois difficiles concernant par exemple la conciliation formation/emploi à temps plein, l’acceptation de la perte financière, du moins au début, les ressources phénoménales dont ils font preuve pour mener leur projet à bien, je suis surprise qu’on puisse étiqueter leur situation “chance”. J’ai surtout envie de leur tirer mon chapeau. Ils développé des trésors d’énergie pour exploiter leurs talents naturels et puiser dans leurs ressources internes, renforcer leurs compétences relationnelles ou opérationnelles, construire un état d’esprit positif et entreprenant qui leur permet de faire preuve d’audace autant que de surmonter le doute ou les difficultés et mettre tout ça au service d’un projet ficelé minutieusement. Ce n’est pas de la chance: c’est un bel accomplissement.

D’autant qu’attribuer une réussite à des phénomènes extérieurs est une manière de sauter à pied joints au mieux dans l’absence d’auto valorisation, au pire dans le cercle vicieux de la dévalorisation. Reconnaître ses accomplissements à leur juste valeur est essentiel pour renforcer l’estime de soi indispensable à une reconversion zen et dynamique à la fois. Il ne s’agit évidemment pas de jouer le coq roi de la basse-cour qui fait l’admiration tous en faisant miroiter au soleil des jolies plumes: on serait alors dans un égo hypertrophié bien éloigné de l’estime de soi. Il s’agit de reconnaître sa propre responsabilité et sa propre contribution des les conjonctions d’événements heureux, pour capitaliser sur nos capacités et les mettre à profit dans nos projets professionnels.

S'autoriser l'exploration de toutes les possibilités de reconversion, sans préjugé

Nombre de phrases courantes sur la chance dans la reconversion sont le plus souvent inexactes: “J’ai eu de la chance parce que:

  • le recruteur a été sympa”. Inexact: une personne qui a changé de métier et trouve un emploi rapidement le doit à sa capacité à convaincre un recruteur.
  • j’ai rencontré quelqu’un qui m’a aidé au bon moment”, inexact: une personne qui tombe sur la bonne personne au bon moment le doit aussi à sa capacité à identifier les opportunités relationnelles professionnelles et à en tirer le meilleur.
  • j’ai trouvé des clients rapidement”. Inexact: une personne qui crée une entreprise et trouve rapidement des clients le doit à sa capacité à convaincre ses prospects, à ses qualités commerciales/un marketing vachement efficace.
  • etc.

D’autre part, estampiller un revers, un contretemps ou un échec “malchance” ou inversement considérer qu’un succès ou un résultat positif dont dus à la “chance” pousse à la passivité: à quoi bon passer à l’action si la réussite dépend plus de Dame Fortune que de nos capacités? Il n’est pas du tout certain qu’elle repasse dans le coin la prochaine fois que nous tenterons quelque chose.

Alors plutôt que vous mettre les doigts de pieds en éventail et d’attendre son hypothétique passage en sirotant un Pastis, si vous tenez à mener à bien votre projet de reconversion professionnelle, n’espérez pas la chance, mettez toutes les chances de votre côté. Œuvrez pour préparer soigneusement votre projet, explorez-le dans tous ses détails, revisitez vos croyances, exploitez vos talents naturels, levez vos freins, travaillez l’estime de vous, la confiance en vous, et les compétences nécessaires à son aboutissement. Et enfin, autorisez-vous à changer d’avis si d’aventure le projet s’avérait peu cohérent et ayez sous le coude un plan B, ce qui vous évitera le sentiment d’échec en cas de renoncement.

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Aller plus loin

Vous avez un désir de reconversion et voulez l’explorer? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual 

 

6 Comments

  • Avec toute mon admiration, je vous souhaite un bel été ; ce billet est parfait dans le fond et dans la forme.

     

     

     

  • MADmoiselle dit :

    Comme dit l’expression : Aide-toi et le ciel t’aidera 🙂

    Si on ne fait rien, rien n’arrive.

    La chance, c’est le hasard, mais un hasard qui tourne bien pour nous. C’est un peu comme la synchronicité : une succession de coïncidences significatives, qui nous mènent vers un aboutissement.

    Si je crois en la chance ou au hasard, c’est plus en terme de destin, pré-écrit ou non, là n’est pas la question… Si on fait les choses bien et surtout, les bons choix, on provoque sa chance 🙂

  • Koolter dit :

    Super artcile! Merci de rappeler que nous sommes les acteurs de notre vie, pas les spectateurs.

  • annie dit :

    Merci pour ce bel article, tu m’as encore permis de regonfler ma confiance en moi et mes capacités.Car la petite entreprise que j’ai montée,a tout de suite très bien marché,pk? parcequ’on entrait dans un créneau laissé par les autres!! et souvent je me disait: on a eu de la chance parcequ’il y avait de la demande!!!

    Je te souhaite de bonnes vacances dans le sud ouest 😉

  • valérie dit :

    comme le dit le dicton, “il faut savoir provoquer la chance”, qui du coup n`en n`est plus…

  • ab le dit :

    A voir : une vidéo réjouissante d’un prof de l’ESCP sur le thème de la chance “se créer des opportunités“.

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