Si trouver du sens à ce que nous faisons n’est pas toujours simple, c’est essentiellement une question de perception liée à nos valeurs. Perception dont les aléas de nos vies professionnelles nous déconnectent petit à petit, l’air de rien, mais aussi sûrement que votre lapin nain grignotte les fils de votre connexion internet… Et c’est un garde forestier qui nous offre sur un plateau un moyen simple de (re)trouver de la motivation dans votre métier en allant à la rencontre du sens qu’il a… ou pas!
Vie professionnelle: lente et inéluctable perte de sens?
Une vie professionnelle version long fleuve tranquille, bonheur tranquille et immuable ça n’existe probablement pas. Nos quotidiens au travail sont faits de hauts et de bas qui alternent à un rythme parfois bien fatigant. Ponctués de petits et grands plaisirs, d’accomplissements, mais aussi d’agacements, d’impondérables, de moments d’angoisse, de questionnements, de remises en questions, de fatigue d’écueils relationnels, ils vont et viennent entre eaux limpides et eaux troubles, pas toujours sans conséquences.
Car voilà: notre cerveau est câblé pour accorder de l’attention à tout ce qui est déclencheur d’émotions négatives et de stress, davantage que sur les moments positifs, tout simplement parce que ce sont des situation à traiter pour revenir dans la satisfaction et le plaisir. Mais comme nous ne traitons pas beaucoup les messages de nos émotions, le sentiment négatif d’une vie professionnelle pleine d’embûches (que nous ne maîtrisons pas toujours, d’ailleurs) finit, petit à petit, pas l’emporter sur les trop rares instants de bonheur et de joie.
Au fil des incertitudes et vicissitudes de notre quotidien au travail, même lorsque nous aimons notre métier, il semble qu’il y est quelque chose de presque inexorable dans la lente démotivation, la perte de vue les raisons pour lesquelles nous avons choisi de l’exercer, le sens que nous lui accordions, au profit d’un à-quoi-bon, d’une morosité peu engageante et qui ne donne pas vraiment envie de se lever le matin.
Et c’est là qu’intervient Antoine, un garde forestier qui a un joli secret de motivation à partager…
Motivation : de la métaphore des tailleurs de pierre à celle du garde forestier
J’aime bien France Inter, parce que, comme dirait Ariane Grumbach, « on y prend son temps. » L’autre jour, Antoine, garde forestier dans l’Yonne, raconte vingt-cinq années passées à ausculter les arbres dans le silence solitaire des sous-bois. Il parle de motivation et explique « soit je peux me dire que je coupe des ronces, soit je me dis que je dégage un jeune chêne pour qu’il ait un avenir »
Cette phrase ne manquera pas de rappeler la métaphore du tailleur de pierre. A tous ceux qui auraient eu jusqu’ici la chance d’y échapper, je vous la fais en version courte : quand on demande à deux tailleurs de pierre ce qu’ils font, l’un répond « je taille des pierres » et l’autre « je construis une cathédrale ». Réaction censée nous montrer comment voir le bon côté des choses.
Seulement voilà, je doute que cette analogie nous parle vraiment. Ou du moins à moi elle ne parle pas. Je vous ai déjà confié que je suis assez hermétique aux métaphores si chères au développement personnel, historiettes édifiantes aux relents de pensée positive obligatoire qui me fatiguent la cafetière. La plupart, à force de faire l’objet de représentations convenues abondamment partagées sur Facebook, sont devenues des lieux communs et la même tambouille resservie à toutes les sauces finit par devenir largement indigeste. Elles me fatiguent donc aussi le buffet 😉
Et c’est bien le cas de celle-ci, avec sa grandiloquence médiévalo-kitsch, qu’on dirait tout droit sortie des très pesants Piliers de la Terre. D’abord, peu d’entre nous peuvent avoir le sentiment de participer à ériger une cathédrale, parce que concrètement, peu d’entre nous travaille sur une œuvre d’art qui va traverser les âges. Bien qu’on peine à imaginer l’ouvrier moyenâgeux plus focalisé sur la portée grandiose de l’édifice (« irradiant de bonheur » nous dit Cyrulnik) plutôt que sur la pénibilité de son labeur et de ses circonstances, trouver du sens à la construction d’une cathédrale est assez facile. Donc, en faisant un effort, on peut accepter l’improbable verre à moitié plein dans l’œil candide de l’ouvrier en question. Pour celui qui travaille à la conception d’un rétroviseur, qui vend des systèmes informatiques, ou œuvre au marketing d’emballages plastiques l’objectif de son boulot, nettement moins flamboyant, peut sembler largement plus prosaïque et son sens plus insaisissable, pour ne pas dire inexistant.
Le sens au cœur du banal, de l’ordinaire, du prosaique
Le sens est souvent plus indirect, plus méandreux, moins ingénu que dans la métaphore de la cathédrale. C’est la raison pour laquelle l’image d’Antoine m’a touchée : elle est tellement plus minuscule, plus banale qu’elle en devient beaucoup plus parlante: elle ressemble au quotidien du commun des mortels. Elle ouvre les portes d’un émerveillement qui sort l’ordinaire de son apparente vacuité, de sa médiocrité présumée et qui peut, potentiellement, amener à un lot de sens suffisant pour construire le sentiment d’avoir une mission, précieuse ou nécessaire. Là où la cathédrale offre sur un plateau la possibilité de transcender une réalité difficile, du merveilleux à portée de main, la métaphore d’Antoine n’offre rien d’autre que de l’anodin : un chêne qui pousse. Ça arrive tous les jours, partout. Et c’est la toute sa force.
Le sens est un mélange de sentiment d’utilité, de contribution positive à plus grand que nous. Il est par essence individuel et subjectif et peut se loger n’importe où. Il peut émerger dans n’importe quel métier que d’autres, dans leurs jugements hâtifs, estampilleraient grossier, insipide, mesquin, ennuyeux, immoral, insignifiant, absurde, sans intérêt et j’en passe. Inutile donc de faire des choses aussi exceptionnelles que construire des cathédrales pour trouver du sens, il suffit d’aider un chêne à pousser, de participer à la conception d’une voiture ou à la viabilité d’une entreprise par son infrastructure informatique.
Cette contribution à plus grand que nous n’est conditionnée que par les liens que nous faisons entre notre métier ou fonction et nos valeurs motrices et/ou morales. Dès lors que certaines facettes de notre métier honore nos valeurs, il y trouve une part, si infime soit-elle, de sens. Si Antoine va plus loin, selon ses valeurs, il pourrait peut-être dire quelque chose du genre :
- Je participe à l’entretien des forêts, à la qualité de vie, au développement durable, aux poumons du monde, à la beauté des bois
- De même, le concepteur de rétroviseurs estimera peut-être qu’il participe à la sécurité des déplacements, à l’esthétique d’un modèle, à la valeur d’une marque.
Ainsi, si je demande à à l’ingénieur, au commercial ou au marketeur à quelle cathédrale ou plus largement à quelle merveille il participe, il y a peu de chances qu’il me réponde du tac au tac, un sourire épanoui scotché à la frimousse “Chartres” ou “Samarkande et Boukhara”. Alors que si je lui demande à quel chêne il donne un avenir, il lui viendra peut-être une réponse simple et spontanée.
Du sens dans nos métiers
Cette part de sens est unique, elle ne se justifie pas, elle se ressent. Elle peut être suffisante pour générer le sentiment d’être profondément heureux de faire ce que nous faisons. Elle peut aussi s’effacer derrière des changements non désirés, des conditions de travail difficiles, des relations professionnelles pourries, des exigences managériales inacceptables. Dans ce cas-là, les liens avec cette part de sens se distendent et nous finissons par les perdre de vue et nous abandonner au sentiment d’exercer un métier inepte, incongru, aberrant.
Découvrir ou reconnecter avec une part de sens dans nos métiers, c’est retrouver le sentiment d’avoir une mission importante au sein d’une entité, d’être engagé et investi dans cette contribution. Cela permet parfois de nous redonner plaisir et motivation, parce qu’elle est une des composantes essentielles du job idéal, aussi voici quelques questions pour mettre au jour celle qui pourrait illuminer vos journées:
Qu’est-ce que j’aime dans mon métier ?
Ce que je fais, en quoi est-ce utile ? A qui ? Où, quand, comment ?
Et plus largement qu’est-ce que ça permet de faire d’utile, d’esthétique, d’intelligent de… (rajouter ici vos valeurs motrices) ?
Et cela, à quoi est-ce que ça contribue ? Pour qui ? Comment ?
Et au-delà ?
Et encore ?
Au final, à quel chêne donnez-vous un avenir?
C’est ainsi qu’on se découvre rouage indispensable dans un système dont la mission peut être essentielle à nous yeux, peut revêtir un aspect étroitement lié à nos valeurs morales et motrices, générateur de sens. Ou pas. Parfois, notre job a atteint sa date de péremption, sa part de sens trop infime ou absente pour le sauver, il est devenu essentiellement toxique. Auquel cas, nous tenons sans doute un indicateur qu’il est temps de changer de métier 😉
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