Suite à une interview sur la procrastination pour France 2, j’ai eu envie de revenir sur ce comportement. Il y a tellement de façons, de raisons et de tâches sur lesquelles on peut procrastiner que chercher des explications simples revient souvent à faire des généralisations abusives et identifier des solutions inefficaces. A chacun sa procrastination et le bien-être sera bien gardé!
J’ai été interviewée par Amira Souilem, journaliste à France 2, sur le thème de la procrastination. Voici la vidéo du reportage, qui a été diffusé dans le JT de 20h du 3 avril 2011. Et j’en profite pour revenir sur ce comportement encore mal cerné, bien qu’il concerne beaucoup d’entre nous, qui fait l’objet de tant d’explications et de solutions simplistes, inefficaces, voire contre-productives…
La procrastination au 20h from Sylvaine Pascual on Vimeo.
1001 procrastinations
Si je me retrouvais Shéhérazade à devoir retarder une décapitation non sollicitée, je ne me fatiguerais pas à inventer 1001 contes à dormir debout. Je choisirais de raconter les 1001 histoires de procrastination que j’entends régulièrement. Et puis j’en rajouterais une louche avec les 1001 façons de procrastiner. Et c’est moi qui achèverais mes décapiteurs en les écrasant sous une troisième couche d’information: les 1001 raisons pour lesquelles nous procrastinons.
Et la procrastination aura même sauvé ma tête avant même que j’ai abordé les fausses bonnes idées pour la gérer ou les moyens de la minimiser. Preuve peut-être, et si c’était nécessaire, que la procrastination peut aussi avoir du bon, être bénéfique et … protectrice.
Le problème avec ce qui nous pose problème, c’est que notre tendance à chercher des explications simples et des solutions simples, ce qui en soi est plutôt une bonne idée, nous pousse parfois à confondre simplicité et facilité, et à plonger allègrement dans les idées reçues et recettes toutes faites. Et lorsqu’il s’agit de procrastination, c’est une erreur d’autant plus monumentale qu’il y a une façon de procrastiner par procrastinateur et que la plupart des solutions clé en main sont ultra superficielles et inefficaces.
1001 tâches à procrastiner
On peut procrastiner sur n’importe quelle tâche. Chez certains ce sera passer l’aspirateur ou faire la vaisselle. Chez d’autres ce sera payer ses factures, ranger ou tout autre tâche domestique, y compris aller faire les courses. Chez d’autres encore, la procrastination sera plus relationnelle: ils négligeront leurs proches, leurs amis, ils repousseront sans cesse certaines demandes à faire, l’établissement de leurs limites.
La procrastination peut aussi être professionnelle et s’exprimer sur n’importe quelle action relative à son travail ou à sa fonction, et je dis bien n’importe quelle tâche. J’ai eu un patron qui abattait un gros boulot tout en procrastinant à fond sur l’évolution financière de l’entreprise, qui était toujours limite (la cause à effet ne vous aura pas échappé). J’ai eu des clients qui procrastinaient sur la rédaction de réponses à des appels d’offre, sur les nécessaires réorganisations, sur la facturation (jusqu’à oublier de se faire payer) etc.
1001 façons
Les façons de procrastiner sont tout aussi variables. Au delà de la bonne excuse en soi, il y a les tâches que nous exécutons à la place (rappelons que le procrastinateur ne passe pas nécessairement son temps à buller), et les deux constituent les stratégies de procrastination mises en oeuvre. Elles sont parfois très alambiquées et peuvent nécessiter un décortiquage en règle pour bien comprendre la façon dont nous nous y prenons. Car nous pouvons procrastiner sur de nombreuses tâches sans nous en rendre vraiment compte. Voici quelques exemples:
– Entretenir un savant bazar peut être une excellente manière de compliquer certaines tâches jusqu’à ne pas s’y mettre : “Je ne trouve pas le rapport Tartempion dont j’ai besoin pour définir les stratégies commerciales à mettre en oeuvre, je le chercherai demain”.
– Entretenir des convictions version à-quoi-bonistes qui permettent d’éviter le passage à l’action: “C’est même pas la peine que je postule, à 52 ans, ils ne me prendront jamais”.
1001 raisons
De façon générale, la procrastination est un moyen de nous protéger de tâches que nous considérons ennuyeuses, pénibles, dangereuses, porteuses de conséquences difficiles à affronter, bref, qui nous inquiètent ou nous gênent et dont les résultats pourraient potentiellement bousculer des systèmes de conviction très ancrés. A l’évidence, l’explication générale ne suffit pas, et il est important d’aller explorer les raisons spécifiques à chacun. Là aussi, les généralisations abusives présentées comme des vérités universelles sont problématiques, car en omettant d’aller comprendre la menace ressentie face à cette tâche, on se trompe d’ennemi.
Prenons l’exemple du perfectionnisme, souvent érigé en explication principale de la procrastination. C’est bien mignon, mais quelle est la part de perfectionnisme dans le fait de rédiger un chèque, de passer l’aspirateur? C’est aussi une explication pratique parce qu’elle a des connotations positive qui facilitent le regard sur soi: je suis exigent, rigoureux etc… Voir
Dans les faits, il y a tellement de raisons de procrastiner qu’il est impossible d’en faire une liste. Voici quelques pistes, dont certaines que nous avons déjà abordées dans des billets spécifiques, il y en aura d’autres:
Peur du jugement, peur de l’inconnu, déficit d’estime de soi, mais aussi besoin d’attention, résistance à l’autorité, seuil de tolérance à la frustration très bas, manque de confiance en soi, besoin de stimulation très élevé, hostilité passive agressive, peur de l’échec, besoin d’attention, peur de la réussite, réaction au stress, besoin de décompresser, de ralentir…
Ses deux dernières explications sont la raison pour laquelle la procrastination est en pleine augmentation. Dans une société en recherche constante de performance, on oublie que le moteur est conçu pour tourner à une certaine vitesse, et qu’au dessus, il risque tout simplement de tomber en panne. La procrastination est un moyen astucieux que le cerveau met alors en oeuvre pour nous protéger d’un excès de stress qui menace toute la machine.
De façon générale, le comportement procrastinateur est donc un mode de protection face à une situation perçue comme un danger, à tel point que la conscience des conséquences négatives possibles est :moins inquiétante que le mise en action. Le bénéfice du comportement est donc supérieur à ses conséquences négatives. Il paraît alors évident que s’acharner à trouver des trucs pour se mettre à l’action coûte que coûte est une sacré fausse bonne idée: rappelons-nous que la raison a toujours tort et nos tripes toujours raisons.
1001 procrastinateurs
Nous procrastinons probablement tous, à des degrés et des fréquences plus ou moins variables. Cependant, certains d’entre nous vivent très bien avec un fonctionnement qui n’est pas invalidant, qui a peu de conséquences pénibles, aussi gardons-nous de leur inventer des problèmes qu’ils n’ont pas.
Pour d’autres, la procrastination choisie peut même devenir un outil de prévention du stress, voire de performance. Voir
En revanche, pour d’autres, environ 15 à 20% de la population, la procrastination peut non seulement entraver la réalisation de leurs objectifs, mais aussi être une source de souffrance que le commun des mortels peine à imaginer. Dans certains cas, se sentir dans l’incapacité totale de se mettre à l’action peut générer une souffrance morale, voire physique intense.
Il n’y a pas vraiment de profil de procrastinateurs, et contrairement à certaines idées reçues, les procrastinations aiguës peuvent se trouver à tous les niveaux de l’échelle sociale et de la hiérarchie professionnelle. J’ai eu parmi mes clients de procrastinateurs de haut vol qui étaient aussi chefs d’entreprise, DG, ingénieurs, commerciaux, hauts fonctionnaires.
Tout ça pour dire que la procrastination n’est pas réservée aux losers décérébrés et fainéants qui n’arrivent à rien dans la vie.
D’autre part, le procrastination concerne les hommes comme les femmes. Selon Piers Steel, psychologue et professeur à l’université de Calgary, spécialiste du sujet, 54% des procrastinateurs sont des hommes. Aussi toutes les catégories d’âge sont touchées, même si les étudiants restent la catégorie d’âge la plus susceptible de procrastiner.
1001 solutions
Encore une fois, les recettes toutes faites de type to-do lists sont le plus souvent totalement inefficaces sur les pocrastinations aiguës, qui nécessitent une exploration approfondie pour comprendre les mécanismes qui s’y jouent, les peurs et/ou les besoins qui la génèrent, puis un travail solide pour combler ces besoins. Dans certains cas, l’intervention d’un psy peut même être nécessaire.
Ces solutions miracles peuvent même s’avérer dangereuses lorsqu’elles vont à l’encontre des fonctionnements de la personne, et demandent des efforts “d’auto-discipline”, qui peuvent générer beaucoup de stress et donc… renforcer la procrastination. Le summum du contre-productif pourtant plein de bonnes intentions, quoi.
La littérature du développement personnel sur le sujet est exemplaire d’une de ses limites: certains adeptes ont une fâcheuse tendance à croire que ce qui marche pour eux marchera pour tout le monde, ou que ce que disent les gourous est sûrement vrai, d’où des recettes toutes faites qui sont le fruit d’une induction qui n’a rien de scientifique et tout du mini-gourou miraculeux.
Travailler à partir de l’estime de soi est un moyen de commencer par retrouver un regard bienveillant vis-à-vis de soi, étape indispensable pour se réconcilier avec soi-même et sortir de la souffrance et de la culpabilité qui peuvent être associés à la procrastination. Ce regard bienveillant permet ensuite de mettre en oeuvre des changements en toute quiétude, de remettre du plaisir dans des tâches agaçantes, inquiétantes ou décourageantes au lieu d’aller contre soi-même mener des batailles douteuses en terme d’équilibre psychologique.
D’autre part, l’estime de soi est aussi un moyen de développer une écoute plus aiguë de soi-même et en particulier de nos besoins, donc de les identifier et d’apprendre à les combler en douceur. Et ces besoins, une fois de plus, peuvent être aussi variables que les cours de la bourse.
Enfin, travailler l’estime de soi permet aussi de cesser de focaliser sur le comportement considéré comme négatif, et donc de l’amplifier involontairement. La diminution de l’ampleur et de la fréquence de la procrastination devient une conséquence heureuse du travail sur soi, ce qui met moins de pression que d’en faire l’objectif à atteindre coûte que coûte, l’ennemi à abattre à tout prix.
Petit à petit, au fur et à mesure du travail, les solutions qui se dégagent sont uniques, car propres au procrastinateur, en fonction de ce qui est important pour lui, de son système de perception, de ses valeurs, de ses convictions et mécanismes internes. De plus, la procrastination devient un simple indicateur qu’une tâche nous est problématique, et on sait alors comment la questionner pour mettre en oeuvre les adaptations nécessaires à son accomplissement, ou décider de la déléguer, voire même de l’annuler.
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Changement et bénéfice des comportements
Afin de mieux comprendre la proscranisation, Nous sommes obligés de ressentir les émotions et être influencées par elles. Elles sont multiples et ont des vibrations différentes. En fait, nos émotions sont la partie la plus importante de notre système de conduite; elles nous préviennent continuellement sur la situation dans laquelle nous sommes et sur notre l?état de notre être intérieur.De ce fait même la proscranisation mais en éveil une émotion peut être par une peur ou un mal être qui nous bloque dans le passage à l’acte.
A chaque instant, nos réactions et nos pensées nous indiquent dans quelle mesure nos besoins sont satisfaits ou non, si l’événement nous convient ou pas. Elles servent également à nous permettre de tirer le plus de satisfaction possible de chaque moment et d?éviter les obstacles et les dangers qui se trouvent sur notre route. Comme vous pouvez le constater, toutes nos émotions sont nécessaires.Si nous arrivons à cerner l’émotion déclencheuse… nous pouvons vite combattre la proscranisation…
Et encore une fois bravo 🙂
J’ai beaucoup aimé ta manière de voir ce “procrastinateur”. Il ne fait pas rien, il s’organise pour ne rien faire. C’est fin !
Bonne Continuation Sylvaine
Sylvaine
Excellent nous recommandons votre billet
http://0z.fr/uQuT2
a+
oui,j,ai remarqué que plus j’avais une lourde charge de travail et de stress plus je procrastinais,histoire d’avoir la sensation de maîtriser mon temps!!!bel article
Merci,
Vous m’ouvrez une petite porte. Je suis témoin que chercher des solutions prêt à porter, peut augmenter la souffrance et la procrastination, même jusqu’à devenir “physique”.
Bonne journée
Merci pour ce témoignage, car à mon goût, trop de publications poussent à chercher des astuces qui culpabilisent encore plus ceux qui procrastinent, parce qu’elles sont inefficaces mais présentées comme des remèdes miracles. Et malheureusement, il y a trop peu d’encouragement à écouter ce qu’elle nous dit, alors qu’elle cherche avant tout à nous protéger. Je vous souhaite de trouver un monde de possibilités, ue fois passée cette petite porte, Chris:)