Il est de notoriété publique que le chant des sirènes vous entraînera plus sûrement vers des récifs acérés que des rives paradisiaques. Ceci dit… Ulysse, qui était malin, a choisi de les écouter en trouvant un moyen de s’en préserver. Et peut-être que pour construire votre odyssée professionnelle, vous avez tout intérêt à faire comme lui !
Chantez sirènes! Notre désir de reconversion vous écoute;)
Elles chantent à vos oreilles conquises une berceuse pleine des promesses de beaux lendemains rassurants… Ah les sirènes de la reconversion professionnelle ! Serez-vous John Turturo de votre odyssée professionnelle, qui se précipite vers elles parce qu’il les a vues en premier et qu’il les veut pour lui tout seul ? Les accents magiques de leur chant vous feront-ils perdre le sens de la ré-orientation et délaisser votre boussole, quitte à vous fracasser sur les rochers ? Et vous retrouver la tête entre les main à vous demander dans quelle galère vous vous êtes embarqué(e) ?
Ou bien serez-vous Ulysse qui, ayant eu vent de leurs supercheries, joue à malin, malin et demi et choisit d’écouter leur mélopée en se prémunissant de leurs coups tordus ? Car vous pourriez ainsi prendre toute la mesure de leurs messages?
Le chant des sirènes de la reconversion professionnelle, c’est le chœur malheureusement enchanteur des croyances et besoins mal comblés, de tous les biais par lesquels nous risquons le plantage en beauté. Derrière l’apparente désirabilité des filets dans lesquels ils nous attirent, ces chants envoûtants sont les voix de ces besoins et croyances qui cherchent à masquer tous les autres pour qu’on s’occupe intégralement d’eux, tant ils crient famine. Ils sont donc pleins d’enseignements.
D’où l’intérêt de les écouter pour comprendre ce dont nos besoins ont besoin, histoire qu’ils ne viennent pas nous déguiser une fausse piste en solution merveilleuse, d’une part et que nous puissions les satisfaire d’autre part, ce qui leur permettra de nous grisoler ensuite autre chose qu’un miroir aux alouettes et qui donne envie, a posteriori de leur plumer la tête^^
Crédit Photo: Daniel Pettersson – CC BY-SA 2.5 se via Wikimedia Commons
Ainsi mon client Loïc Delcros dont la première piste était le métier de luthier, qui l’inspirait énormément. Il a écouté le chant de ses sirènes à lui qui lui parlait de ses désirs liés à la musique en prenant en compte cette dimension indispensable à sa vie, mais sans se laisser entraîner dans un métier qui finalement lui correspondait peu, par bien des aspects. Il a opté pour une tout autre vie professionnelle, qui comble un panel large de désirs et appétences, et il y a intégré son goût de l’harmonie musicale d’une manière qui lui convient, comme on le voit bien sur son site: Vesta coaching
Chantez donc sirènes de la reconversion, huissez vos messages, nous sommes toute ouie et compréhension !
Des chants, des besoins et des croyances
Le chœur des dames marines peut prendre bien des formes. Les pistes que je vous donne ci-dessous ne sont justement que ça, des pistes et non pas des généralisations par nature abusives qui deviendraient d’autres chants d’autres sirènes 😉
C’est la fanfare bruyante d’une ou deux catégories de besoins
…malmenés jusqu’ici au point d’être devenus prioritaires et de s’exprimer plus fort que les autres… et qui nous poussent à négliger ou ignorer les autres. C’est souvent le cas des toutes premières pistes qui émergent d’un coup – gare donc aux promesses d’identification de reconversion en une mini-poignée de séances, c’est alors souvent l’accompagnant qui transforme une piste paravent en obligation de ré-orientation. Ces pistes-là vous enivrent de promesses de la satisfaction de ces besoins, mais prennent rarement en compte l’intégralité de vos désirs et appétences et au bal masqué, les apparences sont trompeuses^^
C’est l’appel vibrant d’un métier pour lequel on est prêt à tout lâcher
…sorti du chapeau des possibles mais qu’on a idéalisé sans le savoir. C’est donc le syndrome de la chambre d’hôte, celui du métier de rêve dans un décor de carte postale, en douceur loin du bruit et de la fureur et où on découvre trop tard que c’est un vrai métier, exigeant et chronophage.
C’est aussi le phénomène top chef masterchef et autres émissions qui valorisent des métiers qui font rêver et poussent à croire qu’ils sont glamour et merveilleux par nature. Tous cachent une nécessité de vérifier concrètement et en détails, que l’idée qu’on s’en fait correspond à leur réalité, que ce soit celle telle qu’elle existe ou celle qu’on va imaginer.
C’est le rythme jazzy des discours « tous entrepreneurs »
… auquel on est tenté de céder par néo-conformisme – le jazz, ce truc qui existe depuis longtemps et que tout le monde pense qu’on DOIT aimer –s’espérant « winner » même lorsqu’on déteste le commercial et qu’on est mal à l’aise avec des revenus fluctuants. Chant qui cache peut-être un besoin de redéfinir la réussite, un besoin de renforcer l’estime de soi ou de revisiter des croyances et son cadre de référence.
C’est la musique glamour et très actuelle, mais pleine de pression du métier « passion » et de trouver sa voie
Je vous le répète encore et encore, mais si votre voie, c’est poinçonneur des lilas, vous voilà mal barré. Nous ne sommes pas fait(s) pour un métier et c’est une bonne nouvelle. Nos talents, nos appétences et nos désirs peuvent trouver à s’exprimer dans plusieurs directions professionnelles et c’est à leur confluent qu’il vaut mieux chercher. Chant qui cache peut-être un besoin d’estime de soi (compensé par le conformisme), de se recentrer sur soi et ses désirs/aspirations.
La mélodie du bonheur du métier qui rend heureux
Aucun métier ne vous rendra heureux par nature, c’est vous qui allez le façonner de manière à ce qu’il vous apporte ce que vous voulez y trouver. Cette mélodie vous entourloupe et vous emberlificote dans des croyances tricotées à l’eau de rose. Ellevous promet la Lune mais nécessite d’être bousculée pour éviter des attentes inconsidérées et explorer vos besoins/désirs/appétences professionnels afin de trouver, via le job crafting, des moyens de les intégrer à un métier plutôt que d’attendre la baguette magique du bonheur garanti.
- Reconversion professionnelle: vous avez demandé la Lune? ne quittez pas...
- Job crafting: devenir l’artisan de son propre plaisir au travail
C’est la flûte enchantée de la passion transformée en métier
… sans prendre compte le possibilité qu’elle soit soluble dans le quotidien professionnel. Deuxième facette de l’obligation à la mode de passion ! La passion peut être un vraie moteur autant qu’une terrible illusion. Suivie sans investigations et sans job crafting est un aller simple pour la déception multi-dimension ! Chant qui cache lui aussi un besoin de sortir des idées reçues et d’aller voir par vous-même de quoi il retourne.
C’est aussi la mélodie entêtante de l’argent, du pouvoir, du statut
…et de tout le toutim du tout à l’égo de la motivation. Ces éléments peuvent être les bénéfices collatéraux (ou pas, d’ailleurs, selon notre définition de la réussite) d’un métier qui vous fait vibrer, mais lorsqu’ils deviennent la principale motivation, ils sont source d’échec et de déception. Ils traduisent probablement un besoin de renforcer l’estime de soi et de redéfinir la réussite, de revoir ses croyances liées au besoin de reconnaissance.
C’est encore les flonflons ronflant de promesse des tests de personnalité ou d’orientation
– pour la petite histoire, je suis tombée sur ce billet de Bloomr en faisant ma veille le lendemain de la rédaction de celui-ci 😉 qui s’intitule justement « le chant des sirènes » , et évoque la nécessité de prendre en compte la singularité complexe du candidat au changement de métier et d’aller chercher en lui la voie professionnelle qu’il aura envie d’implémenter, au lieu de mettre son avenir entre les mains d’un algorythme. Je mets dans le même sac le bilan de compétences: une piste qui s’appuierait sur vos compétences plutôt que sur vos appétences risque de déboucher sur une reconversion “raisonnable” (voir ci-dessous) Voir aussi:
- Reconversion professionnelle et tests de personnalité
- Reconversion professionnelle: un bilan de compétences?
L’appel rassurant du « secteur qui recrute »
… ou de la voie dans le prolongement de vos compétences, qui vous ferait renoncer à vos aspirations dans l’espoir potentiellement illusoire d’une garantie d’emploi qui vous pousse à explorer des possibles limités et considérés comme raisonnables plutôt qu’à suivre vos tripes. Contrairement à beaucoup d’idées reçues, les plantages sont plus nombreux dans les reconversions frileuses.
- Changer de métier: les reconversions trop raisonnées-raisonnables, sources d’échec
- La reconversion professionnelle, une affaire de tripes!
Ecouter le chant des sirènes sans y laisser son rafiot
Parce que céder au chant des sirènes c’est souvent finir par bramer La goualante du pauvre Jean, autant s’attacher au mat, pour en tirer des enseignements sans qu’il nous entraîne dans ses passes dangereuses.
Ainsi Jeanne, 52 ans, ex-DG, posture très cadre sup et tailleur ultra chic, qui voulait s’installer en franchise hard discount parce qu’elle se laissait prendre au chant des sirènes de ce qu’elle considérait comme de l’argent facile. Jeanne a quelque part eu de la chance: les franchises recrutent sur de vraies motivations des profils réellement compatibles, elle n’a donc pas été retenue, ce qui lui a évité de s’engager trop avant et de se planter après beaucoup d’investissement. Cependant, elle a vécu cet expérience comme un échec majeur qui a généré une forte remise en question. Cette ré-évaluation, si elle était intervenue en amont, lui aurait permis d’éviter cette expérience vécue comme un échec majeur
N’importe quel chant envoûtant peut être aussi bien l’opéra de votre odyssée que son chant des sirènes, c’est bien noté. Mais voilà, le quidam moyen attiré par un changement de métier n’a pas toujours une Circé lui susurrant à l’esgourde ensablée comment ne pas se gourer et de se méfier des intentions de telle ou telle partition, alors comment ne pas tomber sous le charme nauséabond des fausses chansons ?
Questionner, questionner, questionner. Questionner le désir un œil sur le monde extérieur, un œil au fond de soi-même, comme dirait Modigliani;)
Un œil sur soi : questionner ce désir d’entreprendre, de mener une double carrière, de se lancer dans le toilettage pour chat, de devenir calife à la place du calife.
Un œil sur le monde : Investiguer le secteur, le métier, la façon dont on pourrait le modeler pour s’assurer qu’il correspondra à vos aspirations, le regarder de tous les côtés, prendre de la hauteur, du recul, expérimenter ce qui peut l’être etc.
Que cherchez-vous à obtenir, au travers de ce désir ?
L’obtenez-vous vraiment ? Qu’obtenez-vous exactement?
Quels besoins comble-t-il vraiment ?
Quelles appétences, désirs, valeurs nourrit-il ?
Quels sont ceux qu’il ne nourrit pas, ou pas vraiment, ou de façon illusoire?
Qu’est-ce qu’il contient de génial, d’acceptable, de pénible, d’inacceptable ?
De quel besoin réel, de quelles croyances est-il révélateur?
Comment le combler, comment les ramollir?
Dans quelle mesure est-il une vraie piste? Un chant des sirènes?
Aller plus loin
Vous voulez explorer votre désir de reconversion et élaborer un projet en fonction de vos désirs, appétences et aspirations? Ithaque, 1er influenceur français sur la reconversion professionnelle, vous propose ses accompagnements. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual
Tout est dit. Bravo pour cet article uppercut ! J’y revois certaines errances de mon parcours décisionnel en terme de reconversion. La confusion “tarte à la crème” entre valeur – besoin – et moyens et l’inévitable naufrage que cela entraîne. Après deux miroirs aux alouettes XXL, je sais désormais qu’une bonne décision se prend à la fois avec la tête (des informations le plus exhaustives possible) mais aussi et surtout avec le coeur (je le sens ou je ne le sens pas). Quelles qu’aient pu être être l’envie, la volonté, la motivation, voire la détermination – en ce qui me concerne ce fut un leurre. De la prévalence des valeurs et de la preuve que je peux apporter. Merci encore pour l’article.
Merci pour le retour! J’imagine que la plupart des parcours non linéaires ont eu leur lot de chant des sirènes (le mien aussi!) et les leçons qu’on y apprend sont essentielles^^
Certes, cela ne fait aucun doute. Juste que ça pique un peu quand même !!!
J’adore le style! Enfin une ile anti conformiste….pourquoi n’etes vous pas plus nombreux!
Et quelle solution pour ceux qui percoivent le chant des sirenes comme un brouhaha sans pouvoir en tirer quoi que ce soit….trop de notes contradictoires, trop de directions opposées 😉 …..c’est vrai que vous êtes décalé!! Changez rien, c’est top!
Merci Olsen, je suis ravie que ça vous plaise!