Vous, je ne sais pas, mais moi, je trouve notre monde professionnel et numérisé bien agité. Technologie, digital et management gigotent comme les vagues aux grandes marées, le monde s’affole, évolue et change sous mes yeux éberlués… et qui ont parfois du mal à suivre. Voici quelques pistes pour naviguer entre intergénérationnel, progrès technologiques, hyperinformation et hyperconnectivité.
Schizophrénie générationnelle et liberté d’être/de penser
Evidemment en lisant que j’ai parfois du mal, certains quidams seront tentés de me renvoyer aimablement que, génération X oblige, je ne peux plus suivre dans ce monde-là qui n’est pas fait pour les seniors comme moi, d’ailleurs reconnus comme suppôts du Satan des résistances au changement et blablabla, là où les merveilleux Y avec leur besoin de sens ont tout compris à la vie et bousculent avec bonheur les codes anté-ferroviaires d’un pilotage d’entreprise digne de mépris (mais que d’aucun remplaceraient volontiers par un renouveau du management époque Zola).
Je vous l’avoue tout de go : ces discours générationnels figés dans le préjugé me fatiguent la cafetière bien plus que les tourbillons des évolutions sociales, managériales ou technologiques, d’autant que derrière les simplifications bien pratiques, une chienne (forcément X) n’y reconnaîtrait pas ses petits (forcément Y ou Z), comme dans ces tableaux crétins qui fourmillent sur les réseaux sociaux et dont voici un exemple :
Car s’ils sont parole d’évangile, alors les voilà qui me contraignent à me situer dans un no man’s land de schizophrénie générationnelle, car bien qu’estampillée X vu mon âge en passe de devenir canonique :
– Je déteste les mails, je communique via les réseaux sociaux et dans une moindre mesure, le téléphone
– Je n’ai aucun sens de l’autorité ou de la hiérarchie, je n’ai pas une conception pyramidale de l’entreprise.
– Je suis autonome, je pratique le nomadisme, le télétravail et les tiers-lieux depuis 1992
– J’ai une vie professionnelle pluriactive, mi-hybride mi-slashing, que j’ai inventée parce que j’avais besoin de sens, de plaisir au travail et que je supporte mal l’ennui et la routine.
– Je me suis mise à mon compte pour faire ce que je veux comme je veux.
– Je maîtrise les outils technologiques et les réseaux sociaux au point de travailler quasi exclusivement à distance en m’appuyant dessus !
– J’accorde beaucoup d’importance à la relation IRL et je ne réponds pas à toutes les sollicitations de mon smartphone le doigt sur la couture du pantalon : je pratique allègrement la déconnexion.
Qui suis-je donc ? Une schizophrène générationnelle, trans-âge, hors-norme, ou simplement un être humain dans toutes les nuances de son individualité ?
La vision générationnelle du monde, dans tout son simplisme, fait peut-être buzzer ses infographies sur les réseaux sociaux, mais elle n’aide ni à le comprendre, ni à l’appréhender et encore moins à fluidifier les relations intergénérationnelles au travail. Une tendance n’a pas valeur d’universalité et ce qui rend chacun intéressant, c’est justement ses singularités.
Alors puisqu’on est toujours l’abruti de quelqu’un, que vous soyez des neiges d’antan ou de la dernière averse n’a pas d’importance: c’est la façon d’appréhender le monde, ses agitations et ses progrès technologiques qui compte, pas votre carte d’identité.
Alors voilà mon premier conseil, né de l’agacement suscité par les pseudo-vérités de l’intergénérationnel et inversement ravie de ma vie trans-génération : ne vous contentez pas d’une pensée exiguë et de visions du monde et de ses habitants orthonormées, ne vous contentez pas d’adopter les idées et les codes d’un groupe clairement identifié : allez vers les vôtres, développez vos propres systèmes de pensée, allez à la rencontre d’autres générations avec curiosité et sans préjugé et affirmez votre singularité sans vous laissez enfermer dans les cases !
Car souvenez-vous par exemple que nombre de métiers émergents liées aux nouvelles technologies ont été (et sont encore) inventés par les mêmes générations qui ont inventé les ordinateurs et les téléphones portables, que nombre de Y n’ont jamais utilisé les réseaux sociaux à des fins professionnelles… et inversement! Et qu’au final tout s’apprend, en fonction des besoins et des envies de chacun.
La pensée universitaire, analytique et synthétique
Il n’y a pas que les thématiques générationnelles qui nous ancrent dans des pensées binaires version petit bout de la lorgnette du monde professionnel. Management, gouvernance et stratégies opérationnelles n’y échappent pas non plus et voilà donc mon second conseil: pour se prémunir du prêt-à-penser d’un groupe ou d’un autre, une piste est la reconnexion avec une pensée plus universitaire et analytique.
Les réseaux sociaux et leur réactivité sont une source phénoménale d’information… et de désinformation. Par simplisme, par interprétation hâtive, pas schématisme. Nous en sommes abreuvés à chaque événement violent et sinistre, autant en termes de commentaires d’actualité que dans les solutions proposées. Le monde du travail suit le même chemin, qui demande de plus en plus d’agir vite et parfois en dépit du bon sens.
Pourtant plus que jamais, le monde nécessite le développement du discernement, de la pensée critique et adaptative, c’est-à-dire à la fois la capacité à analyser la valeur de l’information qu’à penser le monde dans sa globalité, à résoudre des problèmes complexes et à inclure de nouveaux facteurs à mesure qu’ils arrivent. Et ils arrivent de plus en plus vite !
D’autre part, les évolutions technologiques et la robotisation vont déplacer la vie professionnelle et les métiers qui se développeront seront ceux dans lesquels les robots ne seront pas très bons. Or la pensée peut difficilement être codée et cette compétence garantira l’employabilité de demain. Voir
La tendance va s’amplifier à mesure que les métiers s’hybrident et que les progrès s’accélèrent. Voilà donc trois raisons de renforcer une pensée transverse et pluridisciplinaire, capable de multiplier les sources d’information, de les corroborer (ou de les invalider), de les intégrer et de les synthétiser pour en tirer des idées nouvelles autant que des analyses pertinentes et personnelles. Capable aussi d’accepter l’incertitude, la réactualisation et la remise en question pour ne pas céder à la tentation de l’expertise auto-enfermée. Et pour ne pas se laisser déborder par les petites et grandes mutations qui nous arrivent chaque jour.
Il y en a une quatrième : c’est bien plus intéressant et réjouissant de penser par soi-même et d’être capable d’analyser un monde complexe, en particulier pour les multipotentiels en quête de stimulation intellectuelle et de reconnaissance de leur singularité 😉
Les aventuriers de la compétence perdue
Il y a du bonheur dans l’intergénérationnel, il y a du bonheur à comprendre l’autre tel qu’il est plutôt qu’en fonction de généralisations qui ne le concernent rarement dans son intégralité, il y a du bonheur à penser le monde dans sa complexité.
Et c’est la raison pour laquelle je me réjouis de vous proposer, dans un second temps, d’aller jouer aux aventuriers de la compétences perdue, dont la quête est recommandée par des millenials futés, qui ont bien compris que les meilleures soupes professionnelles sont sans doute pleines d’innovation, mais cuisinées dans de vieux pots. Ils cherchent ainsi à réhabiliter quatre aptitudes qui permettent une articulation des temps d’immédiateté et de ralentissement, au bénéfice du plaisir, de l’efficacité, de la capacité à naviguer dans un monde compliqué :
– L’autonomie relationnelle et intellectuelle
– le temps décisionnel
– La profondeur de champ
– L’articulation vie privée / vie partagée
Pour lire la suite:
Voir aussi
Le bonheur, c’est les autres!
Vitamines mentales: le bonheur est (aussi) dans le déconnecté
Parler d’amour au travail (2): entreprises et sentiments
Comprendre les motivations derrière les comportements absurdes
Aller plus loin
Vous voulez retrouver plaisir et sens dans votre vie professionnelle? Le Job crafting peut vous aider. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual.
Que de bons conseils, clairs et détaillés ! Dans notre monde actuel, il est nécessaire de les retneir et de les appliquer au quotidien.
merci:)