Nous avons beau les prendre pour des ennemies incapacitantes, des perturbateurs de la pensée rationnelle, des marques d’une faiblesse déraisonnable et indigne d’un professionnel, les émotions sont excellentes conseillères à ceux qui savent leur prêter une oreille accueillante et attentive. Partons à la rencontre les émotions, pour mieux comprendre leur rôle et leur utilité au travail.
Les émotions, alliées fidèles de notre bien-être professionnel
Ces émotions qui nous submergent et nous empêchent parfois de réfléchir sereinement ou d’agir, nous aimerions souvent les voir disparaître et nous retrouver d’une sérénité ataraxique face aux aléas de nos vies professionnelles. Nous nous imaginons alors maîtres de nous en toutes circonstances, placides et efficaces, résolvant avec une efficacité et une confiance imperturbable les petits tracas, les impondérables et les épreuves.
Seulement dans la vraie vie, les choses sont bien différentes et en réalité, nous devrions être heureux de tous ces débordements émotionnels pour trois raisons:
- L’insensibilité émotionnelle a un nom: la psychopathie. Celle qui rend incapable d’empathie ou de remord, qui ne nourrit pas exactement des relations réjouissantes et procure certainement un sentiment de bien-être très relatif.
- L’absence d’émotion paralyse: elle nous rend incapables de prendre des décisions, donc d’agir, et de nouer des relations.
- Les émotions sont les messagers de notre bien-être et plus précisément de ce que nous percevons comme une menace à notre bien-être, elles donnent donc, à qui prend la peine de les écouter, des indications très pratiques sur le traitement des situations qui les ont déclenchées, de façon à nous adapter à notre environnement.
En d’autres termes, nos émotions veillent sur nous, et qu’elles soient positives ou négatives (dans le sens où elles génèrent des sensations positives ou négatives) elles sont un message d’alerte, un voyant qui s’allume sur notre tableau de bord interne, l’intranet de l’auto-information qui nous signale
- Un besoin satisfait, qui se manifeste par tout un tas d’émotions et de sentiments que nous pouvons ranger sous le chapeau plaisir: joie, bonheur, euphorie, contentement, satisfaction, enchantement, enjouement, gaieté, plénitude etc.
- Un besoin insuffisamment comblé qui se traduit par tout un tas d’émotions et de sentiments qui correspondent à trois grandes catégories: peur, colère et tristesse. C’est la nature de l’émotion qui va indiquer le besoin à combler.
Les émotions, l’avenir du bien-être et du plaisir au travail
En management comme en bien-être, l’intérêt pour les émotions va grandissant et c’est tant mieux: la connaissance de leurs rôles, leurs mécanismes et modes d’expression est un moyen extraordinaire de renouer avec le bien-être, de minimiser voire prévenir le stress, d’apaiser les relations autant à soi-même qu’aux autres.
Ce billet est une ré-édition d’un article que j’avais publié en 2011. J’y écrivais “D’ici quelques années, la formation professionnelle passera de plus en plus par les émotions pour aborder le management, la communication, les relations, l’organisation, les conflits, la cohésion d’équipe, le stress, car elles sont au cœur de nos perceptions, régissent nos réactions et nos pensées, qui à leur tour vont nourrir des convictions génératrices d’émotions.”
C’est de plus en plus le cas, la reconnaissance de l’importance à accorder aux émotions, l’illusion de leur maîtrise, leur rôle dans nos décisions, notre efficacité et nos comportements sont des sujets de plus en plus traités, en particulier dans le monde du travail. Et il était temps, car les travaux sur la question ne datent pas d’hier:
- La place des émotions dans le travail (2006)
- Les émotions dans le travail – Cairn info (2003)
Même si l’on peut regretter la part trop belle encore faite à “l’intelligence émotionnelle” qui se préoccupe essentiellement de compétences relationnelles et ne traite pas les déclencheurs des émotions (et que Daniel Goleman, qui a popularisé le concept, a laissé de côté au profit de l’intelligence relationnelle.) Voir:
Je vous propose aujourd’hui d’aller explorer et découvrir ce territoire encore mal connu de nombre d’entre nous et de nous familiariser avec: les émotions renferment la clé de notre équilibre psychologique, et elles sont prêtes à nous l’offrir.
Mieux comprendre les émotions
Voici quelques ressources pour mieux comprendre le rôle et le fonctionnement des émotions et pourquoi leur redonner leur place dans nos vies professionnelles.
“On ne peut pas mettre le vent en cage” : les émotions non plus
Passionnant article du psychiatre Christophe André: Peut-on gérer ses émotions?, qui montre qu’il vaut bien mieux mettre ses émotions à son service plutôt que de s’acharner à tenter de les étouffer, ce qui serait peine perdue: “on ne peut pas mettre le vent en cage” rappelle-t-il. En revanche, on peut les utiliser à bon escient. Quelques points intéressants développés dans l’article:
- La croyance “naïve” de la nécessité d’exprimer l’émotion, chère à certaines pratiques de développement personnel.
- L’alarme sonne toujours plus fort: chercher à réprimer une émotion peut la conduire à revenir plus brutalement.
- Des pistes de modification des perceptions qui vont dans le sens de l’adaptation plutôt que dans la résistance.
- Le plaisir, toujours le plaisir: encourager le développement des émotions positives qui sont bonnes pour la santé et l’équilibre psychologique
Les besoins à combler derrière l’émotion
Voici deux sites qui proposent de nombreuses informations sur les bénéfices de différentes émotions, mais aussi de sentiments, en termes de renseignements sur les besoins qui les déclenchent, accompagnés de pistes pour remonter aux sources des déclencheurs et les traiter.
- Emotions (en anglais)
- Le guide des émotions Redpsy
Mettre ses émotions au travail
Autre page intéressante du site Redpsy: Mettre mes émotions au travail: jolie pirouette linguistique qui donne un double sens à ce titre: mettre ses émotions à l’oeuvre, à notre bénéfice et ce dans le cadre du travail. Cet article détaille:
- Les méfaits pour la santé mentale et l’équilibre psychologique des tentatives d’étouffement ou d’évitement des émotions
- Les bénéfices de l’accueil et du décryptage des émotions dans le cadre de nos vies professionnelles.
Les émotions au travail, c’est bien autre chose qu’un affect débordant
Apprendre à gérer ses émotions au travail et gagner en efficacité et en épanouissement au bureau – Atlantico – Passionnant article à deux voix qui évoque trois aspects intéressants:
- Les idées reçues sur le lien entre burnout et mauvaise gestion des émotions
- Une distinction bienvenue entre affect et pathos d’une part et émotions d’autre part
- Les bénéfices des émotions positives
Le management émotionnel
Un point de vue intéressant sur un management qui redonne sa place aux émotions sans sombrer dans une émotivité contre-productive: Oui, oui oui au management émotionnel. On peut ne pas être d’accord avec tout : parler “d’émotions choisies” me parait une aberration. On peut choisir d’exprimer ou non une émotion, pas de la ressentir! En revanche, remettre de l’émotion dans nos comportements, nos façons de communiquer et de manager est essentiel au bien-être individuel et collectif.
Recettes toutes faites inefficaces
Pour terminer, voici un exemple type à mes yeux de techniques inefficaces: tenter de se débarrasser des réactions liées à l’émotion sans se préoccuper du traitement de ses déclencheurs. Observons un exemple pris dans cet article: vous êtes irrité parce que le boss est en retard à la réunion? Pensez positif: ça vous laisse plus de temps pour préparer. Ce genre de méthode simpliste est parfaitement inefficace: nous avons tous fait l’expérience de l’écart entre ce que dit la raison et ce qui se passe dans nos tripes et croire que raisonner peut minimiser l’expérience émotionnelle est une illusion. A lire, ne serait-ce que pour développer un peu de jugement vis à vis de ce type de conseils: Managing Your Emotions at Work
Psychologie des émotions et des sentiments
Pour ceux qui veulent aller plus loin: la connaissance des émotions passe aussi par la différentiation entre émotions et sentiments, pas toujours évidente, et par l’étude des uns et des autres. Voici deux documents très complets sur la psychologie des émotions et des sentiments:
- Emotions et sentiments de Jacques Cosnier – Neuro-psychiatre et professeur émérite de l’université de Lyon 2
- The Psychology of Emotions, Feelings and Thoughts de Mark Pettinelli, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet.
Comment gérer ses émotions au travail
La question des techniques pour gérer ses émotions au travail, c’est à dire à la fois redonner une place à leur expression et traiter celles qui pourraient générer des débordements intempestifs fera l’objet d’un billet à venir. En attendant, quelques lectures complémentaires:
- Emotions et pseudo-émotions
- Les émotions: amies fidèles ou ennemies incapacitantes?
- Les besoins à combler
- Efficacité professionnelle et émotions
- La lecture émotionnelle au service du bien-être
- La lecture émotionnelle au service des relations
- La lecture émotionnelle au service de la reconversion professionnelle
Aller plus loin
Vous voulez élaborer un projet, construire et entretenir une posture, un état d’esprit et un relationnel sereins et dynamiques à la fois, propices à la concrétisation de vos aspirations professionnelles? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual au 01 39 54 77 32
Crédit photo : Saifulmulia
Bonjour,
Merci pour cet article très intéressant que nous nous permettons de faire partager sur notre blog.
Cordialement
Merci à vous pour la partage!
Encore un article passionnant et très complet. D’accord sur le fait de faire “amie-amies” avec mes émotions puisqu’elles sont de vaillants messagers, de bons indicateurs pour mon cheminement de A à B. La théorie, elle y est, c’est compris, enfin je crois. Sauf que… sans vouloir tout ramener à ma petite personne ou ce que j’ai pu croiser chez d’autres humains imparfaits (il y en a), le principal souci, c’est ce que j’appelle la VIGILANCE, la CONCENTRATION. Je considère parfois les enjeux tels (super DGS, non ?) que ma capacité de soutenir l’attention s’émousse et que l’émotion recommence à “beugler” comme tu dis. Les “interférences” brouillent, je suis distraite. Et si je ne parviens pas à me reconcentrer sur un point spécifique, c’est reparti. Et c’est là qu’est la gageure. Me concentrer sur un point spécifique, éliminer les distractions, afin que mon inconscient aille jouer ailleurs et me lâche un peu… Rien de tel que le questionnement dans ces moments-là, encore faut-il avoir le réflexe !
Et à ce moment-là, peut-être que l’émotion dit aussi qu’il est temps de se déconcentrer quelques minutes pour récupérer, se ressourcer avant de repartir… plutôt que de chercher à tout prix (et en luttant contre soi) à se reconcentrer;)
Très bel article. Je partage votre avis. Bien des gens font fi des émotions. Ils traitent celles-ci d’un obstacle au bon fonctionnement de leur travail, qui empêchent le raisonnement rationnel. C’est carrément faux selon moi ! Il faut et on peut déjouer les émotions dans la vie professionnelle, tout en étant rationnel, ce qui donne naissance à ce que beaucoup appellent “Intelligence émotionnelle”. Ce faisant, on mène à bien le travail, tout en étant satisfait à bord.
Merci:)
Il me semble que, plutôt que déjouer l’émotion, comme si elle fonctionnait contre nous, nous gagnons à les comprendre et à en décrypter les messages, qui sont en réalité très concrets et peuvent effectivement déboucher sur des actions qui améliorent le plaisir de travailler et le sentiment de satisfaction:)