Heureux les désorganisés, car il laisseront passer la liberté ! Je vous propose un petit éloge de la désorganisation à l’usage de ceux dont la carafe fonctionne en tourbillons et qui ont besoin de s’autoriser à expérimenter autre chose que la discipline (forcément de fer pour eux) et la planification. Parce que chacun a besoin de trouver sa propre nuance de (dés)organisation pour des journées fructueuses !
En podcast ou en lecture:
L’organisation, ce terrain de je(u)
Les questions d’organisation et de gestion du temps sont un sujet que j’aime bien et que j’aime bien travailler avec mes clients, parce qu’il y a là un formidable terrain de je(u), d’exploration et d’expérimentation de leur propre singularité pour les gourmands de plaisir au travail qui ont l’esprit ouvert à toutes les possibilités de job crafting :
– Travailler davantage en liberté
– Renouer avec le plaisir de travailler
– Travailler en adéquation avec leur propre fonctionnement
– Trouver les leviers de leur propre triplette efficacité, créativité, plaisir
– Travailler moins travailler mieux
– Un peu tout ça à la fois
Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder cette thématique et de constater qu’elle fait jouer beaucoup de claviers de « loi » en « méthode éprouvée », et pourtant la majorité d’entre nous peine à y trouver son compte. Les recettes toutes faites ont l’art de générer culpabilisation, dévalorisation et procrastination si elles sont inadaptées à vous. Ce qui signifie que l’organisation a besoin d’être complètement personnalisée pour être à la fois efficace, pertinente et agréable:
La plupart du temps et même quand elle ne répond pas à des modèles très stricts, une « bonne organisation » est associée à de multiples éléments très définis en termes de temps, de durée, de lieux et d’articulation. Planification serrée, agenda maîtrisé, préparation, programmation, méthode, rigueur, vigilance, to-do lists, objectifs clairs, priorisation des tâches, plages horaires attribuées, ordre et rangement etc. seraient les mamelles de l’efficacité. Voilà qui laisse sur le carreau les fantasques, les inventifs, les rêveurs, les réjouis du bocal, les facétieux, les indomptés.
Du coup, la lecture de cet article paru sur L’ADN m’a donné envie de vous partager l’amplitude de ma désorganisation personnelle, non pas parce qu’elle est un modèle, mais parce qu’organisation ou désorganisation ont finalement peu d’importance, ce qui compte, c’est que chacun(e) trouve son rythme, si farfelu ou méthodique qu’il soit.
Soraya Khireddine Co fondatrice de Minuttebuzz, Fondatrice du média Influenth et consultante en stratégie d’influence, témoigne dans cet article de sa propre façon de tenir ses objectifs. Elle a visiblement sur les épaules une de ces calebasses haute fréquence qui carbure en trois huit et elle partage dans cet article comment, en partant de sa désorganisation, elle est parvenue à trouver son propre rythme quelque part entre quelques doigts (mais pas trop) de rituels et de planification et une grande flexibilité pour préserver sa productivité.
« Il faut que ça devienne un sujet d’éducation. Dit-elle Tout le monde n’a pas le même rythme, le même fuseau horaire. Les gens doivent trouver les leurs, c’est un réel enjeu. Sinon, ils risquent d’être jetlaggés. »
Et là vous n’êtes pas surpris, lecteurs fidèles, que son propos m’intéresse, je vous parle depuis longtemps de l’importance de la personnalisation de la gestion du temps, de l’efficacité et de l’organisation pour éviter de se retrouver à contretemps de soi-même.
Soraya est une exemple de ce besoin de liberté d’organisation qui est courant chez mes clients, qui fait partie intégrante du job crafting que nous pratiquons pour leur permettre de renouer avec le plaisir de travailler et l’efficacité. Et qui, selon les cas, peut aller loin dans la désorganisation, qu’on entendra ici comme l’inverse de la planification, donc la désorganisation heureuse et fructueuse. Voilà pourquoi je vous partage la mienne.
De la procrastination à la désorganisation productive
Je suis une procrastinatrice de haut vol.
Ca m’a coûté cher en majoration de factures, en non remboursement sécu, mais ça ne m’a jamais fait rater d’opportunités professionnelles. Parce que la procrastination n’est pas l’abominable homme des neiges de la productivité, elle est un système de protection et la mienne m’a toujours protégée des tâches que mon cerveau au complet (le droit, le gauche et mes tripes 😉) déteste, c’est à dire toutes celles dans lesquelles il ne s’amuse pas à réfléchir. Parce que ma cafetière aime observer, découvrir, explorer, décortiquer, analyser, comprendre, inventer des solutions, s’émerveiller, parler, écouter… en liberté. C’est-à-dire quand elle veut et comme elle veut.
En revanche, la paperasse, les comptes, les tâches répétitives, les habitudes, les impératifs, les contraintes lui coupent le gaz et lui aplatissent l’encéphalogramme, au point que je suis capable de devenir bête comme chou face à un formulaire, paralysée face à une pile de papiers à ranger. Les tâches administratives se heurtent à ma caboche à tête de pioche et finissent immanquablement dans la pile des affaires urgentes à traiter (qui mesure environ 1,23m de hauteur)
A une époque lointaine où le terme « procrastination » n’avait pas encore envahi nos écrans, on me renvoyait que j’étais négligente, je-m’en-foutiste, paresseuse. Et c’était en somme tout à fait vrai : je négligeai les tâches que je trouvais négligeables, je me foutais de ce qui n’avait pas, à mes yeux, de valeur ajoutée. Je dis bien à mes yeux, car la valeur ou le sens d’une tâche est un jugement personnel qui ne parle que de celui qui le passe.
Et puis la terme procrastination est apparu et a rejoint rapidement, chez ceux qui la méconnaissent, l’interminable liste des vilains défauts inacceptables contre lesquels il « faut » « lutter » avec acharnement et détermination parce qu’ils sont, en vrac : indignes du profil du parfait petit employé, de celui du parfait entrepreneur, incompatibles avec les « compétences comportementales » que le monde moderne exige de nous sous le terme « soft skills ». Parce que procrastiner, c’est pas doux, c’est pas mou, c’est nul.
Ou pas.
Car la procrastination n’est pas exactement le comportement malfaisant qu’on nous décrit*. Elle peut, dans certains cas extrêmes, être pathologique et nécessiter un travail psychologique. Elle peut, dans les cas légers, se résoudre avec des techniques simples comme celles-ci:
Mais la plupart du temps, elle est incompatible avec des techniques comme le coaching par objectifs, parce que ceux-ci seront tenus par engagement et non pas parce que la procrastination aura été « dépassée ». Le coaching par objectif devient alors contre-productif, il réussit l’inverse de son propre objectif : il n’autonomise pas la personne, il l’infantilise, il l’ancre dans le devoir qu’on fait par devoir, par loyauté, par désir de faire plaisir, par peur du regard de l’autre, du jugement, mais pas tellement parce qu’on est autonome et efficace.
Dans beaucoup de cas, et surtout chez ceux dont la vivacité mentale s’accommode mal des contraintes et des obligations, la procrastination est un formidable système de défense : un rempart à l’ennui mortel, au manque d’intérêt, au vide de sens, au déplaisir.
Quand j’ai compris que je n’étais pas une carne rétive bonne pour le couteau, mais que la procrastination me détournait de tout ce qui pouvait me faire plier sous le joug des activités ou des tâches dénuées des bulles qui font pétiller la matière grise, je me suis mise à observer comment je m’y prenais pour m’organiser. Parce que contrairement aux idées reçues procrastiner n’a jamais rimé avec absence d’efficacité ou échec annoncé. Et je suis aussi rapide, efficace, organisée (à ma manière), bosseuse et ultra productive. J’ai le goût de l’effort et du dépassement de moi. Mais voilà : pas n’importe comment. En mode totalement indiscipliné.
Je déteste la « discipline ». Je déteste l’idée de me forcer, les to-do-lists me donnent envie de pleurer de désespoir, la routine ne ruine la joie de vivre, les agendas surchargés me tuent la créativité et me donnent le sentiment d’être enfermée dans un cadre trop étroit.
Et pourtant, ça ne m’empêche pas d’avoir une entreprise qui va bien, d’offrir un service professionnel à mes clients, et d’être très productive dans l’ingénierie de l’accompagnement reconversion ou job crafting puisque mes prestations évoluent sans cesse et sont mises à jour deux fois par an. Et vous l’avez compris, c’est sans doute de là que m’est venu un intérêt sans limite pour le plaisir au travail qui ne peut être qu’individuel et parfaitement singulier. Car le mien ne vaut que pour moi et le vôtre que pour vous, l’essentiel étant d’en trouver les leviers.
Et puisqu’on parle procrastination, il est temps de vous proposer un interlude avec la merveilleuse Juliette, sa voix de velours, ses œillades futées et son humour déjanté:
L’efficacité non organisée
Alors comment je m’organise ?
Et bien je ne m’organise pas. Je fais ce que je veux, quand je veux et comme je veux. Je me réveille le matin sans savoir ce que je vais faire dans la journée. Mis à part les rendez-vous clients, les éventuels événements et les ITW, il n’y a rien dans mon agenda. Rien, que pouic, nada, quetchi, il est merveilleux de vide dans lequel je peux caser ce que je veux au gré de l’envie du moment. Il est merveilleux de liberté !
Je suis une non-organisée, c’est le secret de mon efficacité. Je sais que j’ai un besoin impérieux d’aller laisser mon imagination chercher sa créativité et ma réflexion vagabonder en allant marcher, alors je l’ai inclus dans mes journées. Je peux aller dans la forêt à 7h du matin ou à 3h de l’après-midi. Sans cela, mon cerveau patine et a besoin de plus de temps pour pondre ce qu’il a à pondre, alors je considère que marcher fait partie intégrante de mon activité professionnelle : c’est l’huile dans mes rouages. Selon l’envie de l’instant, je travaille ici ou là ou ailleurs, je me lance dans une tâche longue et concentrée ou inversement des micro-tâches rapidement faites. C’est en ne prévoyant rien que je trouve mon efficacité et que j’arrive même à faire ma paperasse et ma comptabilité. C’est parce que je pratique la désorganisation heureuse et décontractée que je trouve l’énergie de faire certaines tâches que j’apprécie moins.
Contrairement à Soraya Khireddine, je ne me fixe pas d’objectifs. Je travaille en parallèle sur plein de projets, certains verront le jour, d’autres non, ça me permet de ne m’astreindre à rien et de suivre mon instinct et mes envies. Ca me permet d’éviter les plans trop figés, de tomber dans la rigidité, de m’adapter aux évolutions, aux opportunités. Ca me permet aussi d’alterner en permanence action et réflexion, d’expérimenter en liberté, d’évaluer, de renoncer si besoin, d’apprendre en avançant. Ca me rend autant difficile à suivre que potentiellement ultra rapide quand un projet me tient à cœur, quand c’est le moment pour moi et que je choisis de m’y atteler.
Je n’ai pas non plus de rituels et je ne m’astreins à strictement rien, sous peine de voir mon plaisir et mon efficacité fermer boutique et prendre la poudre d’escampette. Le seul cadre dans ma désorganisation est la grille de mes horaires de joignabilité : après l’heure, c’est plus l’heure et le week end est sacré 😉
Je dois mon efficacité à atteindre mes non-objectifs à ma non organisation et j’adore ça ! Je travaille avec un plaisir fou et ce que j’ai à faire finit toujours par être fait en temps et en heure. C’est aussi ce qui me permet d’être suffisamment efficace pour conserver du temps pour ma vie personnelle.
Trouver sa propre nuance de (dés)organisation
Au final, ni Soraya ni moi ne sommes des modèles. Nous sommes des exemples de ces nuances de (dés)organisation que chacun(e) a besoin de trouver pour lui-même ou elle-même. Il est évident et important de dire qu’il s’agit là d’un vrai sujet : nous l’abordons avec mes clients depuis qu’Ithaque existe pour que chacun trouve son rythme et parvienne, dans la mesure du possible à l’implémenter dans le cadre pas toujours très flexible des entreprises dans lesquelles ils travaillent – y compris quand ils se mettent à leur compte et voient partout des impératifs d’organisation là où il n’y a que des habitudes d’exercice qui peuvent être modifiées à loisir.
Et souvent, les esprits les plus pétulants ont un sacré besoin d’expérimenter des organisations plus débridées, qui seraient idéales pour eux mais ne se l’autorisent pas, persuadés qu’ils sont que « l’entreprise » ne le permet pas. Et lorsqu’ils décident d’expérimenter, ce sont des territoires inexplorés de plaisir et de productivité qui s’ouvrent à eux, aussi il est largement temps de
Etre électron libre de son organisation, ce n’est pas (forcément) avoir besoin du même degré de non planification que le mien. C’est découvrir ses propres leviers organisationnels de créativité et d’efficacité et expérimenter pour trouver ses propres rythmes. J’ai toujours beaucoup de plaisir à explorer avec mes clients leurs propres nuances de (dés)organisation car, qu’ils soient ultra disciplinés, ultra débridés ou n’importe où entre les deux, Ils sont une mécanique unique. L’idée est donc de garder 4 éléments en tête:
- Vous accepter tel que vous êtes, jusque dans votre façon de vous organiser. Vous êtes à l’aise avec une discipline stricte qui ressemble à un art martial ? Tant mieux. Vous êtes adepte de la to-do-list décontractée et flexible ? Dont acte. Vous êtes un imaginatif freestyle qui a besoin de non-organisation ? C’est possible aussi ! Ce n’est pas la façon de faire qui compte, c’est son adéquation avec vous.
- Tester ce qui vous parle, pas ce qu’on vous présente comme une recette miracle?
- Expérimenter différentes organisations, y compris celles qui peuvent paraître rock’n’roll ou complètement fantaisistes, y compris en vous inspirant de vos lectures ou d’exemples, si c’est comme ça que vous avez envie de procéder, du moment que vous avez l’intuition que vous pourriez y trouver votre compte et que ça vous donne réellement envie d’essayer.
- Tirer les leçons de vos expérimentations jusqu’à trouver l’organisation qui vous plaît, qui vous amuse, qui vous réjouit et dans laquelle vous vous sentez efficace et heureux. Et qui n’est pas gravée dans le marbre, ré-évaluez-là régulièrement.
Et vous, où situez-vous votre propre curseur entre organisation et désorganisation?
Quels sont vos propres nuances de dés(organisation)?
De quoi avez-vous besoin pour être efficace, créatif(ve), productif(ve) et y prendre du plaisir?
Qu’avez-vous envie d’expérimenter, dans un sens ou dans l’autre, qui vous rapprocherait d’une (dés)organisation qui vous ressemblerait?
*voir: Mythes et réalités: 10 trucs indispensables à savoir sur la procrastination
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Efficacité, créativité: les itérations nécessaires
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Aller plus loin
Vous voulez explorer les leviers de motivation et d’organisation qui vous permettront de renouer avec l’efficacité et le plaisir au travail? Ithaque vous propose son accompagnement Job crafting et vitamines mentales. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual.
Merci !
Des articles sur l’organisation et la procrastination, j’en lis des tonnes (c’est mon domaine) et c’est plutôt rare que je tombe sur un article dans lequel on ne confond pas tout en mode “combattez la procrastination grâce à votre agenda”…
On peut être organisé et procrastiner, l’un n’empêche pas l’autre. D’ailleurs pour certains s’organiser est une forme de procrastination : savoir faire des listes catégorisées, colorées, illustrées, n’implique pas qu’on passe à l’action en temps et en heure par la suite…
Comme toi je ne peux qu’inviter à la bienveillance dans son planning, à l’écoute de soi, même quand sur le papier le fonctionnement semble loufoque. Ne culpabilisons pas d’être uniques, et sachons nous organiser à notre façon !
Et puis le loufoque est toujours plus intéressant:))
Qu’est ce que cela me soulage de lire votre article. Je suis une procrastineuse de première et j’etais torturée de remords de ne pas faire les choses comme il semble que la majorité des gens font.
Je n’arrive pas à faire des to do et les routines matinales m’assomment.
Merci!
Bonjour Eugénie et merci pour votre témoignage!
La bonne nouvelle, c’est que votre propre nuance d’organisation existe, qu’elle est ailleurs que dans la discipline classique et qu’elle ne demande qu’à être découverte…
Je vous souhaite des expérimentations heureuses pour l’explorer;)
Je l’ai déjà dit en commentaire mais j’adore cet article #complètementfan
Je me suis permise de vous citer dans mon article “Planifier ou vivre au jour le jour ?” : https://www.amelieorable.com/blog/planifier-ou-vivre-au-jour-le-jour
Merci Amélie:))