Au-delà d’un certain seuil de revenu, le désir de reconversion pour quitter un job pourri et construire une vie professionnelle heureuse et qui a du sens peut se heurter à une réalité assez fréquente : on devient vite prisonnier de son niveau de vie et de son statut. C’est la théorie de la cage dorée que ma consœur Patricia Cyprien vient vous exposer.
Quand le confort financier pousse à procrastiner
L’autre jour ma camarade Patricia Cyprien et moi devisions sur les difficultés que peuvent éprouver certains de nos clients à questionner leur vie professionnelle parce que le confort financier qu’elle leur apporte génère des blocages qui entravent, voire empêchent la réflexion.
Car pour certains d’entre eux, la question de leur niveau de vie est tellement difficile qu’elle engendre une procrastination qui les protège d’avoir à se frotter à la réalité : leur vie professionnelle ne les rend pas heureux, certains on d’ailleurs fait des burn-out carabinés, mais qu’importe, ils ne peuvent pas la remettre en question. Ils peinent à explorer d’autres options, leur trouvent des objections qui les tuent (à leurs yeux) dans l’œuf et attendent que la lumière soit sur une alternative tellement improbable qu’on sait qu’elle n’arrivera pas. Et ils ruminent alors le sentiment de « n’avoir rien de concret ».
Les voilà donc en désir de reconversion, mais en proie à une réelle difficulté à faire mûrir une réflexion puisqu’en amont, tout est fait pour éviter la floraison des idées. Elles restent donc figées, comme prises au piège de gelées tardives : elle sont là, enfermées dans le glaçon des convictions, et elles n’iront parfois pas plus loin.
C’est souvent une épreuve émotionnellement difficile pour le candidat à la reconversion, tiraillé entre des craintes de l’avenir et désir très légitime de changement, de sens, de plaisir de travailler, de bien-être professionnel. Il a tôt fait de transformer les premières en impératifs et contraintes pour justifier à lui-même son immobilité, et à considérer les secondes comme des chimères inatteignables (après tout, c’est bien connu, les métiers sympas, ça paye pas), ou comme dépendantes d’un métier miracle qui cocherait toutes les cases d’un coup. Et tous les ingrédients de la stratégie d’échec sont là qui viendront confirmer ce qu’il pense déjà : la seule solution est de continuer à faire un peu plus de la même chose. Et le coach, au passage, il ne pourrait pas faire de moi un salarié hyper efficace, über résistant au stress, et ultra motivé par le pognon, plutôt que d’explorer mes besoins et ma quête de sens ?
Patricia Cyprien et la théorie de la cage dorée
J’en suis à peu près là de mes réflexions que Patricia s’exclame « c’est le syndrome de la cage dorée ! » Et elle me résume sa théorie, selon laquelle au-delà d’un certain revenu, le risque de se retrouver coincé(e) dans une prison professionnelle augmente considérablement.
Je lui ai donc proposé de venir vous exposer ce syndrome qui touche beaucoup de personnes aux revenus élevés, qui voudraient bien aller vers une vie professionnelle porteuse de sens, mais se retrouvent coincés, trop prisonniers de leur mode de vie pour avancer.
Patricia Cyprien est coach et fondatrice de CKoya coaching. Après 15 années passées au sein de directions financières dans le secteur banque/assurance, son profil multifacettes l’a conduite à une diversité d’accompagnements individuels et collectifs. Elle parvient avec talent et enthousiasme à cumuler une activité auprès des particuliers et des enfants avec des interventions en entreprise, du coaching en école de commerce et de la formation de coachs.
La pente ascendante vers le rêve doré
Le succès professionnel, le bonheur, l’épanouissement sont nos quêtes perpétuelles.
La définition de ces notions évolue avec le temps, rappelez-vous quels étaient vos rêves pendant vos études, quels étaient vos projections de la vie idéale, comment vous vous imaginiez ?… A ce moment de la vie nous faisons des choix très importants et nous nous lançons dans la vie avec cet objectif d’entamer une pente professionnelle qui ne peut qu’être ascendante (voire vertigineuse) pour être réussie.
Vous avez gravi les échelons, le salaire a grimpé, les noms de postes sont devenus pompeux. Avec lui un beau crédit immobilier au taquet de la capacité d’emprunt. Vous voyagez tous les ans et allez même au ski l’hiver, indispensable c’est ce qui vous fait tenir! Cette carrière vous avez travaillé dur et sans relâche pour l’avoir et elle est là ça y est !…
MAIS… quelque chose cloche… Vous ne savez pas quoi… Qu’importe ! Vous avez cette soirée avec les copains, ils ont tous un beau statut et des histoires de boulot à raconter, des vacances de rêve, une montre qui claque ! Votre cerveau l’a bien compris il faut éviter de trop se questionner, éviter de risquer de perdre tout ça. Eviter de faire des vagues avec des pensées irrationnelles et imprudentes. Votre cerveau érige donc un sens interdit à tout ce qui pourrait venir contrarier le rêve doré.
Du rêve à la cage: le cap des 60K€
Une augmentation de plus ! Passé le cap des 60K€-65K€ généralement c’est fatal ! Vous arrivez enfin dans ce qui devait être votre accomplissement personnel ! Mais non, la victoire est sans saveur… et lorsque vous voudriez faire le point pour comprendre, votre cerveau vous « protège » parce qu’il exécute sa mission. En effet, iI a reçu pour commande de faire de vous une personne financièrement à l’aise, vous lui avez rarement ordonné de vous rendre heureux donc bon exit les questions, pas le temps, autre chose à faire… circulez il n’y a rien à voir. Sa priorité est celle que vous lui aviez donné : maison, famille, voiture, vie sociale glamour, voyages, restau et shopping…
L’inconfort est trop grand ? Oui,… mais pas question de perdre en revenu et pas le temps d’y penser. Les barreaux descendent vous avez créé une belle prison dorée. Car à partir du moment où vous n’êtes plus maître de vos choix, vous subissez des contraintes imposées.
Vous commencez à atteindre des sphères de l’entreprise où vos valeurs sont mises à rude épreuve, mais votre prison dorée vous oblige à avancer et donner le change car en parallèle vous êtes là où vous pensez devoir être. Mais vous vous éteignez peu à peu. La réalité intérieure vous rattrape. Vous ne comprenez pas car sur le papier vous cochez toutes les cases du « bonheur » que vous vous pensez devoir ressentir. Vous bossez comme une brute, les soirées entre amis s’enchainent et il faut porter son masque et donner le change, jouer la partition habituelle : « vacances, boulot, tout va bien, je kiffe ma vie, mon chef est nul, ma collègue me saoule, je travaille trop, je suis pas assez payé ». Vous rentrez épuisés, KO, parce que finalement vous n’avez pas été payé pour jouer cette pièce de théâtre !
La solitude de la prison dorée
Vous voilà isolé(e) au boulot : vos valeurs sont ébranlées, trop de boulot, trop de responsabilités, pas le temps de voir les collègues, des secrets « corporate » à garder qui pèsent, l’épuisement vous guette, mais vous êtes un bon soldat, donc vous ne dites rien. Et puis personne ne comprendrait.
Isolé(e) parmi vos amis : ils ont l’air de bien s’en sortir, de kiffer leur vie. Peut-être qu’eux aussi donnent le change, mais par le temps de se questionner, peur de leur en parler.
Isolé(e) à la maison, isolé(e) aussi dans vos ruminations, comment dire à ma moitié que ça ne va pas ? Après tout elle est dorée, ma prison, euh ma vie et si c’est doré c’est forcément confortable, alors je serre les dents.
Passé ce niveau de revenu, tout ce que vous avez de plus niveau argent ne vous sert qu’à vous donner cette illusion de bonheur, et il en faut des sous pour faire oublier la réalité. Grâce à toutes ces expériences accumulées et le temps passé à construire cette belle prison bien dorée, bien meublée, vous vous êtes construit votre identité autour du boulot et de votre valeur marchande sur le marché du travail.
Comment remettre en question son travail si celui-ci définit qui vous êtes ?
Et puis pas le temps, une prison dorée génère des frais élevés, pas le temps de réfléchir, il faut travailler et surtout pas prendre le risque de perdre ce travail !
La prison dorée vous donne cette sensation que ce qui est risqué c’est de la perdre or, c’est elle-même qui est la source de votre inconfort latent. Elle vous fait oublier que le risque c’est de vous éteindre et de passer à côté de vous-même.
Ouvrir la cage
Une fois enfermé(e) dans la cage dorée dont Patricia vient de vous parler, la tête et les tripes tiennent alors des discours terriblement dissonant et dans la cacophonie intérieure, nous choisissons trop souvent d’écouter la « voix de la raison » même si au fond, nous savons bien qu’elle a tort. Car nous savons bien que ce n’est pas depuis la prison en question que nous avons des chances de décrocher la Lune de nos aspirations.
Alors dans un second billet, je vous propose de voir quelques pistes de réflexion pour vous aider à vous extraire des attraits baroques de votre propre cage, parce qu’il y a des mondes à explorer, des gens qui les explorent… et vous, qui restez coincés.
Et si vous devez y revenir parce que c’est la meilleure option pour vous, au moins, vous l’aurez fait en connaissance de cause, sans amertume et sans regrets!
Le site de Patricia Cyprien : CKoya coaching
Sa page facebook : C’Koya Coaching
Son instagram : Pat.ckoyacoaching
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je ne connaissais pas le concept, à la lecture de ton article je trouve ça d’abord pertinent, ensuite la façon dont tu racontes cette histoire c’est fascinant et effrayant ! merci
Merci Laurent!
Oh que oui, nos cages peuvent être dorées… mais à quel prix ?
Sacrifice de sa vie de famille, oubli de ses valeurs personnelles au profit de la culture d’entreprise (souvent malade), manque de valorisation humaine…
Personnellement, j’envisage une reconversion quitte à laisser ma cage dorée… mais l’inertie est forte ainsi que la peur de perdre son confort et sa sécurité.
Bonjour François, l’inertie paraît compréhensible: c’est un pas à franchir qui n’est pas sans risque et sans conséquence, aussi il mérite de prendre le temps d’y réfléchir. L’inertie me semble plus problématique lorsqu’elle signifie absence de démarches, de prise d’information et de construction de projet en amont d’une décision de se lancer. Parce qu’elle génère parfois des grands sauts très peu préparés qui favorisent les plantages. En revanche, mettre du temps à se décider mais en profiter pour construire concrètement le projet dans toutes ses dimensions, voilà qui est sensé:)