Les mésententes et incompatibilités relationnelles sont un déclencheur fréquent d’envie de changer de métier. Mais l’association entre ambiance détestable dans le job actuel et dans le métier en général est parfois un peu trop rapide. Souvent, une atmosphère pénible dans les relations de travail n’est pas tant liée au métier, qu’à un environnement et à la façon dont les rôles relationnels se jouent dans celui-ci. Le risque est alors d’emmener ces rôles avec soi… dans son nouveau métier.
Les relations professionnelles dégradées par la crise
Selon Focus RH, 75% des cadres estiment que les relations professionnelles se sont dégradées et génèrent un sentiment de stress. Il est bien naturel d’être exaspéré par des relations professionnelles inscrites de façon excessives dans le triangle de Karpman et sa valse sinistre, qui génèrent une ambiance délétère dans le département, voire dans toute l’entreprise. Les relations ont été les première victimes de cette interminable “crise” qui n’en finit plus d’instiller une peur tenace, qui a exacerbé un individualisme déjà présent ainsi que tout un tas de comportements pas tellement pro-sociaux:
– Se méfier d’autrui, de ses agissements potentiels, ses possibles rétentions d’information et autres coups bas. Et justifie notre propre recours à ces méthodes, avec des affirmations du genre “trop bon trop con”.
– Vouloir plaire à son patron à tout prix, y compris en écrasant la tête de nos contemporains, en tirant la couverture à nous, parfois sans aucun scrupule.
– Au contraire, se faire tout discret dans un coin, à ne pas faire de vagues, quitte à se faire écraser par tout le monde.
– Elle pousse certains managers pris dans les injonctions paradoxales à harceler leurs troupes dans l’espoir vain de les rendre plus performantes etc.
Croyances fausses
Tout cela encourage des pensées et des croyances faussement rassurantes: on s’imagine qu’en changeant de métier, on ne sera plus confronté(e) à tous ces abrutis, ou on idéalise son job de rêve dans lequel, forcément, il ne peut pas y avoir d’abrutis puisque c’est un job de rêve. Je simplifie le mécanisme qui se joue et en même temps, il est assez courant d’entendre des personnes en désir de reconversion mentionner des relations professionnelles agréables parmi les bénéfices d’un changement de métier. Or, il n’y a aucune corrélation entre métier et ambiance de travail. C’est comme ça qu’il arrive de croiser des personnes en reconversion qui se font de belles illusions quant au relationnel de leur futur métier. Comme par exemple:
– La zone relationnelle aveugle: Pierre, ancien contrôleur de gestion exaspéré des égos surdimensionnés de ses N+1 et N+2. Ravi à l’idée de changer de métier pour enseigner les maths en lycée, qui avait focalisé sur le fait qu’il allait travailler seul, et s’est retrouvé très déstabilisé quand il s’est agi de gérer une classe… et les égos pas encore stabilisés d’adolescents.
– L’éternel syndrome de la chambre d’hôte: Bertand, chef d’un bureau d’étude qui avait beaucoup de mal à supporter son équipe de dessinateurs, qu’il trouvait ingérables: trop enfants gâtés, trop râleurs. Il a ouvert des chambres d’hôtes, persuadé d’offrir du rêve et du merveilleux à des clients heureux… et s’est retrouvé ultra agacé par leurs exigences et leurs comparaisons avec d’autres lieux. Voir: Les deux syndromes de la chambre d’hôtes
Le risque, c’est d’emmener avec soi ses rôles relationnels, et donc sa propre part de responsabilité dans ses relations pourries, et de reproduire ailleurs. Si j’ai du mal à dire non, à établir des limites dans mon métier actuel, rien ne permet d’affirmer que je serai en mesure de le faire dans un autre métier. Et le risque est encore plus élevé chez ceux qui veulent se mettre à leur compte parce que “les chefs, c’est tous des cons”. Ceux-là ne se rendent pas compte que leurs clients seront des boss plus exigeants que ceux qu’ils avaient avant et qu’ils ne sont pas au bout de leurs relations pourries.
Le cas du contact avec des populations spécifiques
Certains métiers exigent d’être en contact avec des populations qui peuvent avoir des caractéristiques spécifiques avec lesquelles nous n’arrivons pas toujours à nous entendre, pour des raisons du domaine de la perception personnelle, qu’il est donc inutile d’essayer de juger.
– Gilles, enseignant en lycée, qui ne supportait plus… les profs. Après être passé par plusieurs établissements, il estimait y avoir retrouvé à chaque fois un état d’esprit qui lui déplaisait. (que je ne développerai pas, le but n’est pas de polémiquer).
– David, devenu conducteur de travaux par passion pour le bâtiment, qui n’a jamais réussi à se sentir à l’aise avec les artisans et entreprises avec lesquels il était en contact.
– Mathilde, autre enseignante, qui n’en pouvait plus d’être essentiellement en contact avec “des jeunes” et aspirait à travailler dans un environnement d’adultes.
C’est probablement le seul cas dans lequel les relations professionnelles insatisfaisantes sont l’indicateur d’un réel besoin de changement de métier.
Travailler ses relations en amont de la reconversion
Dans tous les autres cas, les relations pourries au travail ne sont pas un élément suffisant à lui seul pour justifier un changement de métier. D’autant qu’à moins d’envisager une carrière de stylite syrien, tous nos projets professionnels incluent une forte part de relation à l’autre. Et après tout, même Siméon devait préférer bien s’entendre avec ceux qui lui apportaient de quoi se nourrir sur sa colonne;)
Hormis dans les cas de harcèlement, qui justifient l’éloignement immédiat du harceleur, dans les cas de persécution ordinaire ou de stress relationnel, mieux vaut commencer par travailler ses compétences relationnelles en amont d’un changement de métier, ou a minima pendant celui-ci, pour éviter de retomber dans les mêmes schémas relationnels et se retrouver avec la même insatisfaction dans son nouveau métier. Et inversement, pour être en mesure d’entretenir des relations agréables et de gérer au mieux celles qui le sont moins.
Il va s’agir d’explorer notre propre part de pénibilité ou de maladresse relationnelle pour y remédier, seul moyen de s’assurer des relations plus apaisées… quel que soit l’itinéraire professionnel que nous allons choisir ensuite, reconversion ou pas. Il est donc intéressant de commencer par renforcer ses compétences relationnelles dans le job existant et d’évaluer ensuite ce qui reste du désir de reconversion. Dans de nombreux cas, lorsque les relations pourries sont le premier argument pour changer de métier, l’amélioration de la posture relationnelle suffit à redonner de la satisfaction au travail:
- Relations professionnelles difficiles: le triangle de Karpman
- Les relations professionnelles difficiles: sortir du triangle
- Ebook gratuit: le triangle de Karpman
- Dossier: compétences relationnelles
Et si le désir de reconversion est resté intact, même lorsque les relations professionnelles ont été apaisées, alors elles pesaient tellement qu’elles ont caché d’autres motivations à changer de métier, qu’il est temps d’explorer. Dans tous les cas, le renforcement des compétences relationnelles a tellement de vertus, en terme d’ambiance au travail, mais aussi de confiance en soi, d’assurance, d’affirmation de soi, de satisfaction et de plaisir à collaborer, qu’il est un préalable ultra utile à toutes les ré-orientations professionnelles.
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