Ce billet est une sorte de réponse à un article publié sur Capital, qui vante les mérites d’un fayotage soi-disant “subtil” pour s’obtenir faveurs, promotions, veaux, vaches et cochons. Or, chercher à se faire bien voir au travers de pommade hypocrite est une erreur stratégique en soi, coûteuse en énergie et au final, en réputation. Construire un relationnel sain et honnête est une alternative plus efficace, plus durable… mais qui exige bien plus de courage.
Fayoter, une vraie fausse bonne idée
Nous sommes bien d’accord: que celui qui n’a jamais été tenté d’avoir recours à de petites manipulations en apparence sans conséquences pour obtenir plus vite ou plus facilement ce qu’il veut jette la première happelourde à la tête de ses contemporains ahuris. C’est pourtant une véritable fausse bonne idée.
Conseiller les risettes faussement amicales, de feindre l’intérêt, la gentillesse ou l’amabilité, voilà qui mènera le padawan en manipulation à trouver son maître d’une part, car à ce jeu-là on finit toujours par trouver plus fort que soi et à construire des relations indignes de confiance d’autre part. Ce qui finira par se voir, par se savoir.
Le tout finira tôt ou tard par lui exploser à la figure, au détriment de sa carrière et de ses relations. Enfin, entretenir les petites manipulations relationnelles est extrêmement coûteux en énergie et le tout nourrit davantage l’égo anti collaboratif que la confiance en soi nécessaire à la confiance en l’autre.
Manipulation au travail et bocal à con
Le monde du travail est suffisamment perclus d’hostilités de toutes sortes, de compétitions inutiles, de conflits latents et de non-dits pour qu’encourager les petites manipulations en tout genre ne devienne une sorte de crime contre le bien-être au travail:
- Elles détruisent l’esprit d’équipe
- Elles renforcent la méfiance mutuelle
- Elles glorifient un individualisme forcené aux antipodes de la vie en communauté qu’est l’entreprise
- Elles déclenchent du stress à tous les étages.
Chercher à “se faire bien voir” à coups de stratégies hypocrites ou manipulatoires, c’est tout simplement s’acheter un aller simple et mérité pour le bocal à con de ses collègues. Encourager le compliment pour s’attirer les bonnes grâces, le remerciement pour se faire des alliés, l’écoute pour se faire une image ripolinée à la fausse gentillesse et non pas parce qu’on est une personne avec un pouillème d’éducation, avec un sens relationnel sincère et naturel? C’est inélégant, inefficace et ça manque de panache. Quid de la relation dans tout cela?
Car alors, les échanges aimables deviennent simplement question de rentabilité, de calcul: “tu peux m’être utile donc je fais preuve d’amabilité.” Croire que ce calcul est une preuve d’ambition qui ne s’embarrasse pas de scrupules est l’erreur classique de ceux qui se verraient bien calife à la place du calife sans en avoir l’envergure.
Quand se faire bien voir est mauvais pour l’estime de soi
D’autre part, encourager le “se faire bien voir” à coup de petits léchages de godasses, c’est aussi pousser les salariés dans un excès de “fais plaisir” qui ressemble étrangement à ce message contraignant et finit par s’exprimer au travers d’un déni de ses propres besoins. Avec à la clé un décalage béant comme le Rift entre ce qui est bon pour nous, ce dont nous avons besoin, et l’image que nous donnons de nous-mêmes.
Ainsi pour se faire bien voir, on va éviter les comportements assertifs, comme aller chercher ce qui nous revient, d‘établir des limites, de dire non quand c’est nécessaire. De là à devenir corvéable à merci, il n’y a qu’une demi-foulée, que les poulains du fayotage vont franchir sans se rendre compte qu’ils prennent le joug et cèdent au passage une part d’estime d’eux-mêmes, au profit d’un égo qui enfle comme une piqure de guêpe. Car rappelons que par nature, le lèche-botte, si subtil qu’il s’évertue à être, reste à la botte de celui qu’il lèche. Tel est dominé qui se croyait dominant^^
Les compétences relationnelles exigent du courage
Il est totalement faux de dire que ceux qui réussissent mieux à compétences égales sont ceux qui sont les champions de l’hypocrisie ordinaire, du compliment fourbe ou de l’amabilité simulée, de tous ces comportements sournois “que la morale réprouve” selon l’article. Il existe bien des manières non manipulatoires de faire valoir la qualité de son travail et de mener une carrière brillante, des manières favorables au renforcement d’une confiance en soi sereine et respectueuse d’autrui, et ce pour deux raisons:
- Cette confiance-là se suffit à elle-même et n’a rien à prouver
- Cette confiance-là a conscience que les autres sont trop précieux pour construire de fausses relations avec eux. Aucune réussite ne s’établit sans les autres.
Et tout cela passe par le développement de compétences relationnelles honnêtes et authentiques. La bienveillance, l’accueil de l’autre, le compliment et l’intérêt sincères sont des outils bien plus puissants qui puisent leur légitimité dans leur intégrité et n’ont pas besoin de calculs sombres pour être crédibles. Simplement ces compétences-là nécessitent de vraies tripes, du courage pour les mettre en oeuvre, là où les petites manipulations, qui demandent juste un peu de technique, sont la solution facile de ceux qui se rêvent mâles/femelles alpha (Beurk).
Pourquoi de vraies tripes? Parce qu’elles proposent une alternative aux idées reçues sur la nécessité de domination. Or, les idées reçues ont la peau dure. Parce qu’elles sont un investissement à long terme qui demande d’oser la confiance, la solidarité, l’honnêteté, de jouer le collectif tout autant que l’épanouissement (et non pas l’intérêt) personnel. Tout cela à la place d’un individualisme suffisamment excessif pour être devenu une illusion, l’expression d’une tentation de l’égo qui cherche à masquer la peur de l’autre derrière la domination.
Compétences relationnelles et force de caractère
Les compétences relationnelles, c’est tout l’inverse. Elles ont pour objectif de favoriser des relations saines et dénuées de ces jeux de pouvoir dans lesquels même le plus sournois d’entre nous s’essouffle et se fatigue.
Elles peuvent prendre de nombreuses formes qui participent toutes d’une affirmation de soi sereine, sans complexe et sans calcul, véritable force de caractère, dont les bénéfices sont innombrables, y compris en termes de valorisation de son travail qui mène à des évolutions positives de carrière.
Enfin, être au clair avec ses besoins et être en capacité de les exprimer plutôt que de les taire en croyant plaire est justement un excellent moyen de s’attirer le respect qu’on accorde si facilement à ceux qui sont en réel accord avec eux-mêmes: ceux-là ont un charisme irrésistible, là où les petits manipulateurs, eux, ne s’attirent que les suiveurs.
- Développer un vrai intérêt pour ses collègues
- Complimenter parce que ça fait plaisir (à soi comme à l’autre) et non pas pour s’obtenir des faveurs
- Prêter une oreille attentive et sans jugement à chacun
- Remercier les coup de mains reçus par gentillesse plutôt que par calcul
- Faire preuve de politesse et d’amabilité
- Savoir présenter des excuses
Il y a encore mille façons d’adopter un comportement assertif, au bénéfice de soi comme des autres, et surtout au détriment de personne, qui permettent de construire un relationnel efficace au travail: voir le dossier Compétences relationnelles
Et vous, dans quelle mesure fayotez-vous?
Qu’est-ce que ça vous apporte, réellement?
Qu’est-ce que ça vous coûte réellement?
Quelles compétences relationnelles avez-vous besoin de développer, pour rayonner davantage et naturellement?
Quels comportements assertifs avez-vous besoin de mettre en place, pour vous positionner dans la relation à l’autre?
Voir aussi
Bien-être: se protéger d’une société psychotoxique
Bien-être relationnel: protège tes fesses!
Morale primate et relations humaines: faisons les singes!
Vie professionnelle: 11 comportements qui tuent
Relation à soi / aux autres: le cocktail indispensable
Les compétences informelles au coeur de la formation des dirigeant(e)s de demain
4 trucs infaillibles pour se pourrir les relations
Stress et manipulation au travail
Guide de survie aux abrutis (1)
Ressources externes:
Narcissists Look Like Good Leaders – But They Aren’t! http://bit.ly/pKnGHB
“Le perte de confiance, c’est le mal du XXIème siècle” http://ow.ly/5V4ln
Why Soft Skills are Important http://ow.ly/64QMH
Aller plus loin
Vous voulez construire des relations saines et réjouissantes au travail? Pour travailler vos compétences relationnelles, pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual
Je n ai jamais lu d aussi beau de toute ma vie, félicitations et bravo au chef d oeuvre ! Continue a nous faire profiter de tes competences credibles et surprenantes…bravo !
Merci Leyla:)
J’ai lu votre article avec intérêt, mais comment stopper les personnes qui fayotent et qui bouffe notre énergie ?
Je suis directrice et j’ai des professionnels qui “fayotent”… Toujours a venir s’excuser pour tout, à venir me déranger pour rien, à scruter mes faits et gestes, a envoyer les autres pour obtenir quelques choses, ou a se décharger quand il arrive quelques choses …. Je ne sais pas si c’est du pure fayotage, mais une chose est sure, c’est que ce comportement me bouffe et malgré toute ma bienveillance, je ne sais pas comment lui dire ?!! Comment agir en toute bienveillance ?
Sylvia
Bonjour Sylvia,
Aaah, les pénibles au travail, fayots ou autres! La bienveillance ne veut pas dire laisser faire, et il est effectivement possible de dire de façon respectueuse et ferme à la fois:)
La solutions consiste essentiellement à s’affirmer et à ne pas tomber dans les rôles relationnels. Trois ressources pour vous aider: la CNV, la demande assertive et fixer une limite, pour recadrer les comportements vraiment désagréables. Je vous souhaite de bons recadrages!
Oui, je sais bien que bienveillance ne veut pas dire laisser faire… Je suis directrice que depuis 3 mois, je suis encore en apprentissage dans le “management”.
Merci pour tous ces liens.
Avec plaisir et je vous souhaite plein de bonnes choses: les débuts en management sont rarement simples…
Bonjour Sylvaine et Sylvia
Comme je suis heureuse et soulagée de tomber sur cet article et sur vos commentaires! Je m’étais fixé comme ligne de conduite naturelle votre point de vue, mais je commençais à douter car dans mon service c’est la course au fayotage. Je commençais à me faire une raison mais cette nuit qui a été une nuit blanche à réfléchir à ce sujet entre autres, je me suis demandé combien ça allait me coûter en énergie et négation de soi, à tenter de fayoter (sachant que tout se voit sur mon visage) et que je préfère franchement les relations saines et claires. La route est longue et je vous remercie pour ces posts salutaires. Sara Marseille
Bonjour Sara, je suis ravie que vous ayez opté pour l’authenticité, ce sera certainement moins coûteux en énergie d’une part, et plus générateur de relations saines d’autre part;)