Combien d’entre nous, dès lors que quelque chose ne fonctionne pas comme la mécanique bien huilée que nous imaginions en résultat logique de nos louables efforts, s’empressent de chercher à qui la faute ? Combien d’entre nous sont des reprochards* compulsifs, pointeurs et receveurs de doigts accusateurs ? Probablement tous, à des degrés divers. Voici pourquoi c’est une sacré fausse bonne idée relationnelle et comment dépasser ce penchant contre productif.
Fleur fragile pointe du doigt et craint le doigt pointé
Nous sommes tous prompts à pointer du doigt ce fautif impardonnable responsable des situations déplaisantes dans lesquelles nous nous retrouvons, histoire de détourner l’attention (la nôtre comme celle des autres) de notre propre part de responsabilité. En vertu du principe de la paille dans l’œil du voisin, c’est plus simple d’admonester, de désapprouver, de chapitrer autrui que de balayer devant sa porte.
Pourtant, nous sommes tous des fleurs fragiles, n’en déplaise à l’image de supermen et de superwomen que nous aimerions donner, nous sommes tous délicats et vulnérables, en particulier aux doigts accusateurs qui nous accusent de tous les maux. Bref, nous faisons aux autres ce que nous n’aimons pas qu’on nous fasse, nous nageons en pleine incompétence relationnelle;)
Brené Brown, dans cette jolie vidéo, dissèque avec bienveillance les dessous peu affriolants de la recherche systématique d’un coupable. Chercher et professeur à l’université de Houston, elle s’est fait connaître auprès du grand public au travers de sa conférence TED Le pouvoir de la vulnérabilité.
Elle démontre ici comment la tendance à chercher le fautif nous coupe de la responsabilité et nuit à nos relations.
Chercher le fautif pour soulager son propre malaise
Parce que les exemples sont souvent parlant, Brené Brown explique qu’elle avait demandé à son mari de rentrer à 22h parce qu’elle n’arrive pas à s’endormir lorsqu’il n’est pas là. Il rentre à 22H30 et le lendemain matin, lorsqu’elle laisse sa tasse de café lui échapper des mains, que celle-ci vole en éclat et macule son pantalon blanc, ce qui lui vient à ‘esprit, c’est que c’est la faute de son mari qui est rentré tard et qu’elle n’a pas eu le sommeil nécessaire. Cet exemple, hilarant d’absurdité, nous renvoie tous à des pensées que nous avons eues, à des reproches déconnectés de la réalité que nous avons faits, à des jugements noir-et-blanc bien étriqués que nous avons formulés.
Pourquoi avons-nous tendance à chercher le fautif où qu’il se niche ? La recherche a montré que ce penchant est un simple moyen de nous soulager du malaise, un exutoire à la colère, à l’énergie négative. Et nous allons même jusqu’à préférer nous blâmer nous-mêmes plutôt que de ne trouver aucun fautif, parce pointer du doigt nous donne un sentiment de contrôle censé contrebalancer ce malaise.
Mais dans les deux cas, c’est le contraire qui se produit, car au final, c’est un piège relationnel, autant dans la relation à soi qu’à l’autre : la recherche du fautif déforme la réalité, nous dévalorise, nous dépouille de notre empathie, nous coupe de l’autre et de la possibilité de nourrir notre courage, le courage de nous regarder en face. Nous finissons par reprocher aux autres nos manquements et par nous blâmer nous-mêmes de problèmes des autres.
Ajoutons à cela qu’entre pointage du doigt et mise à l’index, il n’y a qu’un pas, franchi parfois avec force médisance et jugement péremptoire, qu’il y a des bouc-émissaires faciles et qu’on finit rapidement par distribuer des pommes de discordes plutôt que le meilleur de soi. Et que tout cela manque considérablement de panache relationnel!
Le courage de la responsabilité
Ceux qui ont tendance à abuser du reproche, constate la scientifique, ont rarement le courage de réellement demander des comptes à ceux qu’ils tiennent pour responsables, parce qu’ils dilapident leur énergie dans l’expression de leur colère et la recherche du fautif.
La responsabilité, par définition, rend vulnérable. Elle consiste à reconnaître nos propres manquements, limités et erreurs. Elle nous expose aux jugements des autres et à leur reprochardise. Et c’est bien en cela qu’elle est courageuse et démontre – autant qu’elle nécessite – une solide estime de soi. C’est elle qui va nous permettre d’assumer réellement note part de responsabilité et elle aussi qui nous encourage à dire ce que nous avons vraiment à dire au lieu de chercher le fautif, de lui dire « je me suis senti très mal dans cette situation » puis d’en parler, au lieu de l’agonir de reproches, de désapprobation et d’admonestation.
Chercher le fautif pourrit les relations et entrave l’empathie : lorsque nous entendons une histoire, nous n‘écoutons pas, notre esprit se précipite sur les liens de causes à effets qui pourraient déterminer l’origine de la faute, pointer du doigt cet autre qui servira aussi à détourner l’attention de nous. Car à force de chercher les fautifs, nous pensons aussi que les autres cherchent systématiquement les imparfaits, les responsables, les coupables et qu’ils pourraient bien nous désigner nous. Aaah, cercle vicieux, quand tu nous tiens !
Cesser de chercher le fautif et favoriser le lien à la place
Le site Psychcentral propose une méthode intéressante pour dépasser notre tendance à chercher le fautif.
- Repérer nos moments reprochards : qu’ils soient focalisés sur autrui ou sur nous-mêmes et observer comment ils nous servent à évacuer l’énergie négative suscitée par la situation. Comment vous sentez-vous juste après ? Etes-vous réellement soulagés ? D’autres énergies négatives s’immiscent-elles en vous ?
- Repérer les moments reprochards des autres : remarquez-vous le malaise qui les précède ?
- Ce repérage, qu’en retirez-vous ? Que remarquez-vous ?
J’y rajoute quelques éléments issus de la lecture émotionnelle, qui m’est chère, tant il peut être libérateur d’écouter ses émotions au lieu de chercher par tous les moyens à s’en débarrasser. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’énergie négative dont nous croyons nous soulager, ce sont des émotions qui génèrent un inconfort moral et physique que nous n’avons pas appris traiter. Nous cherchons donc des exutoires. Pourtant, tant que l’émotion indicatrice d’un besoin mal comblé n’est pas entendue et traitée, elle reviendra dans toutes les situations similaires. Alors plutôt que de mettre le terme “stress” dessus, recours facile et vague qui nous éloigne de nos sentiments mieux vaut:
- Ecouter l’émotion : ce sentiment qui vous pousse à pointer du doigt, s’agit-il d’agacement, d’énervement (lutte), d’inquiétude, d’angoisse (fuite), de tristesse, de découragement (repli)?
- En déduire les besoins à combler : en fonction de l’état de défense, identifier ce dont nous avons vraiment besoin pour traiter le problème.
- Les transformer en action à mener : il peut d’agir d’une demande à faire, d’une information à aller chercher, d’anticiper des solutions, de partager un ressenti etc.
Ce qui peut donner quelque chose de l’ordre de:
- si vous êtes en lutte, vous avez peut-être besoin de clarifier les résultats précis que vous voulez obtenir et le cas échéant, trouver des moyens non violents de l’exprimer.
- Si vous êtes en fuite, vous avez peut-être besoin d’identifier des options possibles, d’établir les étapes vers ce que vous voulez.
- Si vous êtes en repli, vous avez peut-être besoin de comprendre ce qui s’est passé pour déterminer la direction à suivre.
En s’appuyant sur la communication non violente et les demandes assertives, nous pouvons ainsi aller vers une jolie triplette prosociale nous débarrasser d’éléments corrosifs de la relation et exprimer sereinement ce qui nous tient vraiment à cœur. Il suffit d’avoir le courage de parler de soi au lieu de pointer du doigt 😉
*Je sais, la mode est à la soumission au Globish dominant par l’adoption de tout terme nouveau issu d’une langue que Shakespeare ne reconnaîtrait pas. Je préfère emprunter à la linguistique de la Perfide Albion sa propension à l’invention sémantique et à la transcrire dans ce bon vieux français pour lequel j’ai de l’affection.
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