Ratés de la communication: compliments & quand-mêmisations

Sylvaine Pascual – Publié dans Mieux communiquer

 

 

Vous l’avez sans doute remarqué, nos discours sont constellés de mots et d’expressions qui, l’air de rien, les polluent de galettes de mazout négatives, dévalorisantes, fatigantes.  Je vous propose aujourd’hui un texte futé, plein d’humour et de bon sens, en forme de coup de gueule rigolard, que m’a envoyé une ancienne cliente interpellée par le “quand même”, expression bien placée au hit parade des formulations dénuées de sens, mais qui ont l’art de minimiser ce qui a été dit.


 

 

Le quand même qui vient tuer le complimentConsultante dans un grand groupe d’audit/conseil, Chrystel est venue me voir pour identifier une voie de reconversion professionnelle. Au fil de notre travail, elle s’est passionnée pour la valeur des mots, question centrale dans le coaching. En effet, nos choix de mots ne sont pas anodins; ils sont le reflet de nos certitudes, de nos mécanismes internes, de nos perceptions du monde qui nous entoure.

Chrystel s’intéresse de près aux ratés de la communication, qu’elle s’amuse à repérer aussi bien dans ses propres discours que dans ceux des autres et l’impact que nos expressions et tics de langage peuvent avoir sur nous-mêmes et sur nos interlocuteurs.
Cet intérêt pour les choix de mots dont nous nous rendons pas toujours compte l’a poussée à s’intéresser aux mécanismes inconscients mis en œuvre dans la communication et plus généralement au rôle de l’inconscient dans nos vies. Elle a décidé de se former au coaching et d’en faire son métier.

 

 

 

« Quand même…. »

 

“Vous avez remarqué comme quelques fois, vous, vos amis, collègues, supérieurs hiérarchiques utilisent cette expression qui vous laisse un petit goût de je ne sais quoi pas très agréable sur le retour alors que tout avait pourtant bien commencé? Deux exemples pour illustrer :

 

  • Vous vous baladez avec une amie et vous discutez de votre dernière soirée ensemble. Vous n’avez laissé personne indifférent avec votre nouvelle petite robe. Durant la conversation, elle vous lâche un « tu étais belle quand même! »
  • Vous intervenez devant vos clients (une bonne trentaine de personnes) pour présenter le fruit d’un mois de travail sur le terrain. La réunion se passe bien, les clients sont contents. A la pause déjeuner, votre collègue vous dit gentiment « t’as assuré quand même! »

Je ne sais pas vous, mais moi, le  « quand même », il a le pouvoir magique de toujours effacer le compliment qui se trouve avant. Parce que c’est souvent comme cela que ça fonctionne. Vient le compliment, puis le « quand même ». Comme si le compliment brûlant les lèvres de celui qui le faisait devait être vite éteint par la glace du « quand même ».

 

C’est comme si, devant l’évidence des choses on ne pouvait pas ne pas faire de compliment, mais qu’on ne souhaitait pas faire l’entièreté de ce cadeau à l’autre de peur de… je ne sais pas:

 

  • Se sentir inférieur?
  • Montrer trop d’importance à l’autre ?
  • Reconnaître à l’autre des qualités/talents que l’on a pas?
  • Se priver de quelque chose ?

 

 

Quand même,  qu’on m’aime!

 

Il me semble que le « quand-mêmisant»  reconnaît l’autre, l’apprécie pour toutes ses qualités, lui dit, mais ne reconnaît pas les siennes. En « quand-mêmisant » il va tenter de se rassurer.. Atténuer son compliment lui permet de garder la face. Il me semble que le « quand même » résonne très fort avec « qu’on m’aime»…

 

Cependant, vous savez, comme vous et moi, que c’est une stratégie d’échec à long terme. Au jeu du quand même, tout le monde sort perdant.

 

Un  compliment est plein de lui même. Il se suffit à lui même. Il est source de plaisir pour soi et pour l’autre. Il est généreux. Il donne confiance à celui qui le donne et celui qui le reçoit.

 

Le prochaine fois que vous échappez  un « quand même », réfléchissez à ce qu’il cache :

De quoi ai-je peur?

De quoi ai-je besoin pour me rassurer?

Quelles limites ai-je éventuellement besoin de dépasser?”

 

 

 

Mini coaching: limiter les fatigantes quand-mêmisations

 

Comme le souligne Chrystel, ce “quand même” est un excellent moyen de minimiser le compliment. Il reprend d’une main ce qu’il vient de donner de l’autre, conférant à l’échange un goût amer de frustration qui signifie, qu’au fond, le compliment n’est peut-être pas mérité. Il existe plein d’autres façons linguistiques de minimiser un compliment, et ce sont tous des coups de tatane dans l’estime de soi de celui qui le fait comme de celui qui le reçoit. Nous avons bien davantage besoin de bienveillantes vitamines mentales que de moulinettes à valorisations!

 

Chrystel pose la question de la comparaison à soi dans ces fatigantes quand-mêmisations: est-ce un moyen de se rassurer face à l’autre en minimisant sa performance? Il est tout à fait possible qu’elles soient le reflet des doutes, des manques de celui qui les émet, auquel cas, l’abus du terme peut être l’occasion d’aller travailler sur ses propres inquiétudes dans la relation.

 

Une autre explication peut être l’héritage culturel qui nous pousse tellement à croire que se valoriser, c’est avoir la grosse tête, les chevilles qui enflent, l’égocentrisme chevillé au corps et tout un tas d’horreurs dans le genre. C’est la peur de la survalorisation qui nous fait aussi accepter avec une soumission toute volontaire de vivre en mode dévalorisation. Et de le faire aussi pour les autres. Auquel cas, l’abus peut être l’occasion de se questionner sur les certitudes qui génèrent le discours, et de voir si elles correspondent réellement à ses valeurs.

 

Dans les deux cas, les questions de Chrystel sont judicieuses, j’y rajoute les miennes. Si vous vous chopez en flagrant délit de quand-mêmisation:

 

Qu’est-ce qui vous empêche de faire un compliment simple, direct?

Sur quelles croyances s’appuie votre façon de faire?

Que craignez-vous, si vous faites un compliment simple à la place?

Qu’est-ce que ça vous dit sur vous-même?

De quoi avez-vous besoin pour vous rassurer? Pour être à même de faire un compliment simple et direct, sans le minimiser?

 

La minimisation du compliment qu’on nous fait peut aussi venir… de nous. Si nous avons tendance à nous dévaloriser systématiquement, alors nous n’encourageons pas nos interlocuteurs à nous faire un joli compliment, puisque nous allons nous empresser de le transformer en éloge excessif, en boniment de foire ou en flatterie imméritée. Dans ce cas, à nous de nous questionner sur nos propres craintes face aux compliments qui nous sont faits et qui peuvent nous pousser vers une autre forme de quand-mêmisation: “Oh, quand même, tu exagères, je n’y suis pas pour grand chose”.

 

Comment réagissez-vous aux compliments?

Dans quelle mesure les acceptez-vous complètement et avec plaisir?

Dans quelle mesure les minimisez-vous?

Que craignez-vous, si vous les acceptez avec plaisir?
De quoi avez-vous besoin, pour les accepter avec plaisir?

 

Enfin, si Mémé Huguette ou votre boss manie la quand-mêmisation comme un dentiste la fraise et au point de vous faire sortir de vos gonds, c’est sans doute l’occasion d’aller pratiquer vos compétences relationnelles en faisant une demande assertive.

 

 

 

Voir aussi

 

De la dévalorisation au regard bienveillant

Ratés de la communications: les interprétations abusives

Ratés de la communication: le verbiage

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Aller plus loin

 

Vous voulez construire une communication claire qui vous permettra d’entendre et d’être endendu(e) et entretenir ainsi des relations saines et dénouées de jeux de pouvoir? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual au 01 39 54 77 32.

 

 

 

 

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