Dans un monde toujours en quête de performance et d’efficacité, tout ce qui est du domaine du rêve est soit une aspiration à transformer illico presto en réalisation concrète, soit relégué au rang de perte de temps inutile et oiseuse. Halte au rêve, soyons pragmatiques et pratiques, soyons dans l’action réaliste, donnez-nous du consistant, du matériel, du palpable, du tangible. Laissons l’irréel et l’éthéré aux mous du bulbe et du genou qui le méritent. Et continuons à creuser nos tombes?
Réhabiliter la rêverie
Nous avons vu récemment comment mettre un peu de rêve dans nos objectifs, voyons aujourd’hui l’intérêt de se laisser aller à rêvasser. Et pourquoi pas, profitons de nos moments de glandouille pour laisser notre esprit s’évader et musarder tout son soûl.
Nous avons entendu depuis notre enfance qu’il faut “arrêter de rêvasser”. Se laisser aller à une absence de concentration est souvent associé à de la paresse, de la distraction, de l’inattention, du désintérêt. Estampillée infantile et du domaine de la névrose par Freud, elle n’a jamais connu son heure de gloire. Pourtant l’Homme étant capable de rêverie, on peut partir du principe qu’elle a une utilité, et peut-être même, pourquoi pas, soyons fous, des vertus.
Il se trouve qu’elle en a plein. Etre dans les nuages, s’abandonner au songe, laisser son esprit s’évader, c’est un peu comme prendre de la hauteur, de la distance. En changeant de perspective, en cessant de se concentrer, le cerveau libéré travaille vachement mieux. Et c’est sans doute la raison pour laquelle notre esprit vagabonderait environ 30% du temps.
Selon des études récentes*, rêvasser stimule l’activité cérébrale, permet de résoudre des problèmes complexes en faisant appel à un panel remarquablement étendu de ressources cérébrales qui s’activent en même temps. La rêverie stimule l’utilisation de fonctions cognitives comme le langage, la mémoire, le raisonnement et les fonctions exécutives. Nous réfléchissons sans le savoir à des questions importantes de toutes sortes, comme
– Trouver une solution à un problème professionnel
– Élaborer une transition de carrière
– Régler un conflit interpersonnel
Il semblerait même que rêvasser soit bien plus efficace dans le traitement de problèmes complexes que la concentration. Débarrassés des sollicitations parasites de celle-ci, ainsi que des croyances sur comment nous devrions penser, le cerveau la bride sur le cou se met à fonctionner à toute vapeur comme il l’entend, ce qui lui permet de laisser libre cours à sa créativité. Bref, nos escapades mentales sont une composantes essentielles de notre efficacité professionnelle.
Un temps pour la rêverie, un temps pour la concentration
A l’évidence, rêvasser en lisant un rapport financier ne facilite pas sa compréhension. Pourtant, nous avons probablement tous fait l’expérience de la lecture d’un document ou d’un livre, rendue impossible par notre esprit qui s’en va vagabonder sur autre chose, nous obligeant à relire trois fois la même page. Et se loge peut-être là un utilisation efficace de la rêverie: lorsqu’elle se fait si insistante, il est peut-être temps de prendre une pause et de lui céder un peu. Elle peut être l’indicateur que le cerveau en surchauffe a besoin de fonctionner à sa manière à lui, plutôt qu’à notre manière consciente.
D’autre part, se ménager des temps pour rêvasser est un façon de s’autoriser à s’extraire de l’environnement immédiat, parfois plus générateur d’inconfort et de parasitage que de réflexion sereine, et de laisser notre matière grise nous emmener là où ses préoccupations se portent. Et si elle ne vous entraîne pas directement sur l’élaboration de solutions intelligentes pour le dossier Tartempion, ou l’identification d’une voie de reconversion professionnelle, il est probable qu’elle vous amènera à régler d’autres problèmes et vous libérera suffisamment d’espace mental pour y réfléchir sans être pollué par tout un tas de parasites pénibles. Et se concentrer dessus;)
Autorisons-nous donc la rêverie, laissons notre esprit nous entraîner là où il le souhaite, et observons avec curiosité où cela nous mène… la sérendipité passant par là, nous pourrions y faire des découvertes essentielles à notre plaisir de travailler.
*Sources:
Rêvasser stimule l’activité cérébrale
Futura-sciences
Etude de Kalina Christoff (en anglais)
Edit de 2017: les études continuent de faire avancer les connaissances sur le mode “cerveau par défaut” et la rêverie. La dernière en date confirme son efficacité lors des pauses au travail:
Une pause au travail? Oui, mais pas n’importe laquelle – The Conversation
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je dois avoir une sacrée activité cérébrale, je suis né en rêvant moi, ceci dit le rêve a des vertus immenses comme le pouvoir de te rendre libre même enfermé et ça je l’ai vécu, rêvasser ou rêver éveillé se pratique quant on le veut, finalement je peux dire que d’un côté ton précédent article relève d’un certain mode de vie voire d’une philosophie et rêvasser est bien dans la continuité . Pour terminer, je dirais que ces deux concepts m’ont franchement sauvé la vie et tous les jours je m’y tiens…
Bisous darling
C’est marrant, mais je faisant déjà ça un peu avant d’avoir lu ton article (c’est sans prétention) et c’est d’ailleurs pour cela que je l’ai lu.
Et d’ailleurs, le résultat de l’étude ne m’étonne pas ! 😉
Ciao.
Ah la rêverie! C’est elle qui nous fait aller de l’avant et qui nous apporte nos petits bonheurs quotidiens!
Belle journée à toi @Sylvaine! 😉
Le pire, c’est quand ça m’arrive au volant..Alors là, viiite, oooops, l’instinct de survie reprend le dessus pour me rappeler à l’ordre!
Edgar Poe a écrit : «Ceux qui rêvent éveillés ont conscience de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent qu’endormis.» (Eleonora) alors je m’exécute 🙂
Bonsoir Sylvaine.
Excellent article ! Les rêveurs vont enfin arrêter de culpabiliser.
Laisser mon esprit vagabonder est l’une de mes activités favorites, surtout parce que ces moments sont devenus trop rares. Par contre, pas au volant, n’est-ce pas Michèle ? 😀
Enfin, il les rêves de la nuit de sommeil… Et ceux-là, personne ne peut nous les voler.
Bonne nuit. 😉 Dieurdieuf
Bonsoir Sylvaine,
Quel magnifique article!
Un anonyme a dit: “Au lieu de rêver ta vie, vis ton rêve!”
Belle et douce nuit,
Cédric
Merci Cédric!
Effectivement, beaucoup de nos r^ves sont potentiellement transformables en réalité, pour peu qu’on se retrousse les manches et qu’on les fasse vivre;)
Dans notre société et nos vies hyper actives, prendre le temps de rêvasser est devenu un luxe de temps, mais mettre la rêverie dans son planning quotidien permettrai de ressourcer le mental et c’est souvent en vacances quand on déconnecte que l’on peut le mieux s’abandonner à la rêverie.
C’est exactement ça, et d’ailleurs la raison pour laquelle la réflexion sur le projet professionnel se fait très bien l’été: en mode plus relax, le cerveau ressourcé a des choses intéressantes à dire;)