Que faire lorsque nous ne disposons pas des bocaux à con appropriés? Nous avons vu ce qui se passe lorsque nous sommes à court de pots, voyons voir maintenant le cas de l’auto-embocalaison. Manque de bol suprême, elle consiste à avoir son auto-bocal en forme de tonneau des Danaïdes, un puits sans fond dans lequel enfermer l’étendue incommensurable de sa propre connerie, en mode dévalorisation, dans un formol qui a l’inconvénient de la conserver intacte.
Auto-bocal et dévalorisation
Se mettre soi-même dans un bocal à con, c’est se mettre la tête à l’envers à force d’estimer, en vrac, que nous sommes nuls, pas à la hauteur, incapables de ceci ou de cela, ces choses que, par ailleurs, les autres semblent parfaitement en mesure de faire.
La dévalorisation a ceci de sournois que pour beaucoup d’entre nous, emberlificotés dans notre héritage judéo-chrétien, elle se confond avec l’humilité, et nous l’avons apprise très tôt. Mais si la modestie – qui consiste simplement à ne pas la ramener avec ses accomplissements – est une jolie qualité, la dévalorisation qui consiste à ne pas reconnaître les dits accomplissements ou à minimiser à loisir notre responsabilité dans nos réussites, nous empêche de capitaliser sur nos talents et compétences et de pouvoir les mettre à profit dans d’autres situations.
Ce qui est bien dommage, car au passage nous évitons soigneusement de gagner en confiance en nous, c’est-à-dire en sentiment d’être en capacité de faire face à nombre de situations, puisque l’expérience ne nous accorde pas le développement des ressources internes. Par exemple, nous évitons ainsi d’apprendre à parler de nous-même avec aisance et fluidité, ce qui est pourtant bien pratique dans la vie professionnelle.
C’est cher payé puisque se valoriser est un simple mécanisme intérieur et personnel qui permet de renforcer nos ressources et ne nécessite pas un auditoire ébahi devant l’étendue de votre magnificence. Bref, il faudrait l’avoir bien saumâtre vis-à-vis de soi-même pour avoir envie de mariner dans un bocal auto-attribué, avec toutes les conséquences négatives que cela présente…
Auto-bocal et conséquences relationnelles
Cette propension à s’auto prendre pour un con pourrait être sans conséquence majeure, si nous étions des animaux moins grégaires, capables de vivre retirés du monde. Cependant, nos interactions constantes avec d’autres bipèdes sont profondément impactées par la dévalorisation. Et pas dans le bon sens.
Dévalorisation et tribu de victimes
Manque de bol: lorsque la dévalorisation s’exprime en mode victime, elle s’apprécie et se reconnaît en mode victime. C’est comme ça que les auto-rabaissés peuvent finir en club de dévalorisés, nageant en banc dans la dépréciation. Ca nourrit peut-être le sentiment d’appartenance, mais pas tellement l’estime de soi, car quand les dévalorisés parlent au dévalorisés, ils tournent en circuit fermé et en cercle vicieux, se cherchent sans fin des sauveurs et tombent trop souvent sur des persécuteurs. Et toute la tribu entretient sa mise en bocal.
Auto-bocal et corvéabilité
Manque de bol: la dévalorisation peut vous valoir des tentatives régulières d’embocalaisons, car à minimiser de la sorte vos accomplissements, les autres vous ont pris au mot, qui finissent par vous donner raison en vous prenant pour un con. Et pas n’importe quel con: un pauvre con incompétent et placardisable, un abruti corvéable à merci, victimisable jusqu’à la lie (l’allali ?).
Et vous voilà donc la proie de tous les persécuteurs du monde (rappelons que le comportement persécuteur est ordinaire et est à distinguer du harcèlement), qui vont s’empresser de jouer avec vous la valse des rôles relationnels, sous forme de petits jeux de pouvoir bien fatigants.
Auto dépréciation et opportunités ratées
Manque de bol: de la même manière, croire que les autres vont reconnaître notre valeur professionnelle à notre place, alors qu’on se traite soi-même de tous les noms, croire que se déprécier est une marque d’humilité qui sera remarquée, voilà deux illusions assez dommageables. Elles donnent lieu à tout un tas d’opportunités ratées, à l’origine de bien des frustrations et des déceptions:
- Une promotion qui vous passe sous le nez parce que vous avez très peu fait valoir votre candidature et que Tartempion, lui ne s’est pas gêné.
- Un positionnement en retrait qui fait que Tartempion remporte tous les lauriers de la réussite du dossier Duschmoll, alors que vous vous êtes démené. Associé parfois au sentiment de s’être fait piquer son travail.
- Une posture peu affirmée et peu valorisante qui donne aux recruteurs le sentiment que vous êtes une carne de foire plutôt qu’un pur sang de course.
Sortie de bocal : valorisation et estime de soi
Lorsque nous avons tendance à nous auto-enfermer plus souvent qu’à notre tour dans un bocal à con de grande taille, nous avons tendance à le faire en comparaison avec le reste du monde, forcément considéré comme meilleur, moins ci, plus ça, bref, plein de belles qualités là où nous en sommes fort dépourvus.
La comparaison ascendante qui nous amoindrit face à autrui qui est problématique, car pratiquée avec constance, elle ruine l’estime de soi avec autant d’efficacité que l’huile de vidange pollue la mare aux canards.
Tous ces manques de pot peuvent conduire à une certaine souffrance, alors plutôt que d’espérer sortir un jour tout neuf et tout changé de son bocal, autant se pencher sur la cause du problème. Car ce n’est pas tant la faute à pas de chance qu’une estime de soi fragile, faible ou incomplète qui est en cause. Or, renforcer l’estime de soi par la valorisation permet:
– De gagner en aisance relationnelle (puisque nous avons moins peur de l’autre et de son regard qui tue).
– D’avoir davantage conscience de ses propres mécanismes de réussite et de les transposer à d’autres situations.
– D’avoir davantage conscience de ses qualités, capacités, talents et ressources et de s’appuyer dessus dans des situations nouvelles.
Rappelons à toutes fins utiles – autre pas de bol pour les pressés – l’excès rend la résolution difficile. Elle commence, comme toujours, par une bonne dose d’auto-observation pour mesurer l’ampleur du manque de pot et déterminer la meilleure marche à suivre. Rappelons que, si une estime de soi ou une confiance en soi fluctuantes peuvent être renforcées en coaching, le traitement des causes de la très faible estime de soi passera sans doute le plus souvent par un travail thérapeutique que seul le psy est habilité à faire.
Mini coaching: sortir de l’auto bocal par la valorisation
La valorisation s’apprend, petit à petit, au travers d’une gymnastique mentale concrète qui passe par davantage d’acceptation de soi, d’introspection, de bienveillance vis à vis de soi-même, d’objectivation de nos accomplissements. C’est le plus souvent un travail de longue haleine, qui commence par une évaluation de l’ampleur de la situation :
Et vous, dans quelle mesure avez-vous tendance à vous dévaloriser ?
A vous juger durement vous-même, de préférence en vous traitant de tout un tas de noms d’oiseaux peu engageants ?
A minimiser vos réussites, à les attribuer à la chance ou à la facilité ?
A vous auto-critiquer pendant des heures pour votre manque d’à-propos, de répartie, de compétence, de ceci, de cela ?
A ruminer vos erreurs en mode « je suis nul, je n’y arriverai jamais » pendant des heures ?
Rappelons aussi qu’il n’y a pas d’outils universels, voici donc, en vrac, quelques ressources pour vous aider à mettre un pied curieux dans la valorisation. A vous de voir ceux qui vous conviennent, en expérimentant avec curiosité: cette sortie d’auto-bocal pourrait vous réserver des surprises de taille.
1- Explorer les mécanismes de valorisation et dévalorisation
Comprendre comment ils fonctionnent pour identifier les siens propres, dans quelles situations et avec qui ils s’expriment. Avant de les remplacer par une valorisation systématique, histoire de tirer les leçons de nos expériences.
2- Renouer avec ses talents naturels
Pour nous appuyer davantage sur nos mécanismes de réussite et apprendre à reconnaître l’expression de nos qualités.
3- Identifier ses valeurs motrices
Pour puiser aux sources de sa motivation intrinsèque des mise en action cohérentes avec nous-mêmes, fluides et réjouissantes.
4- Se parler à soi-même comme un voudrait qu’on nous parle
Histoire de commencer à se traiter soi-même un peu moins comme un con, mais au contraire avec un peu plus de bienveillance et d’acceptation de soi.
5- Combler ses besoins et se faire plaisir
Parce qu’une fois satisfaits, ils augmentent le sentiment d’être heureux et l’estime de soi. En effet, une personne qui entend et écoute ses propres besoins prend soin d’elle-même et peut aussi prendre soin des autres. Se faire plaisir participe du même mécanisme, le plaisir étant l’émotion chapeau de toutes les émotions positives. Se faire plaisir n’est pas nécessairement onéreux ou compliqué, pensez aux vitamines mentales😉
6- Développer ses compétences relationnelles
L’amélioration des relations peut être un moyen de renforcer l’estime de soi, en particulier au travers de la satisfaction des besoins d’appartenance et de reconnaissance.
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3 clés pour augmenter la confiance en soi
Aller plus loin
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J’ai l’habitude de dire que “Confiance en soi” et “Estime de soi” sont deux vases communicants et reliés par un tube.
Si le tube est troué, alors l’estime de soi ne croîtra pas malgré la croissance de la confiance en soi alimentée par la succession d’expériences réussies.
A lire votre article, ce trou pourrait s’appeler “Dévalorisation de soi”.
J’aime les images! La dévalorisation, ce trou dans le pipeline qui fait perdre une sacré quantité d’energie vitale… merci Robert;)
Bonjour, je vous suis depuis quelques temps sur Twitter mais je n’ai eu que récemment l’opportunité de venir visiter le site que je trouve très intéressant. A priori sceptique envers toutes les propositions de coaching qui fleurissent ces dernières années, je dois reconnaître que votre site est très bien fait et vos articles bien écrits et même drôles. Merci à vous pour partager vos compétences avec cette générosité. Même quand on est est “au dessus de tout ça”, une petite piqûre de rappel ne fais jamais de mal 😉
En ce qui concerne la faible estime de soi malheureusement, aussi intéressant soit-il, un article ne pourra rien changer sauf à inciter la personne concernée à engager un travail thérapeutique qui peut être long, couteux et difficile…mais tellement libérateur 🙂
Merci pour ce retour encourageant!
Pour travailler l’estime de soi, on peut effectivement donner des pistes de réflexion destinées à montrer le type de travail ou d’exercices qui peuvent être faits, le but étant de permettre au lecteur de comprendre comment je travaille – par exemple, je ne les envoie pas brailler dans un porte-voix sur une péniche! – cependant effectivement, lire ne suffit pas et l’application faite seul(e) des exemples donnés est souvent insuffisante, en raison de la difficulté de l’objectivation et du recul sur soi. C’est la raison pour laquelle ces articles sont essentiellement informatifs et ne prétendent pas à donner des recettes miracles;)