Ce billet est le dernier volet de mes réflexions de Bastogne. Parfois, les épreuves du passé nous hantent et nous pèsent parce que, sans nous en rendre compte, nous nous y accrochons et entretenons les émotions négatives qui les ont accompagnées. Comment laisser s’effacer les traces du passé?
Quand la mémoire nous empoisonne
A mesure que les parcelles du Bois Jacques sont régénérées, les derniers foxholes vont disparaître et leur souvenir ne sera plus entretenu qu’à coups de pelle par des admirateurs de la 101ème aéroportée, qui viennent de temps en temps jouer à la guerre en costume d’époque. Avec cette observation, c’est l’éternelle question de l’entretien de la mémoire qui se pose. Faut-il laisser la nature effacer lentement les cicatrices du conflit qui s’est joué ici, ou bien faut-il conserver des traces visibles du prix que des hommes ont payé pour la liberté?
S’il est important d’entretenir la mémoire collective à travers la conservation des vestiges du passé, la tendance à le faire aussi au niveau individuel est probablement bien coûteuse. Quand nous nous accrochons aux conséquences d’une tragédie personnelle, nous continuons à en porter les stigmates. Pourtant, ces situations enfuies appartiennent au passé, et en conserver les cicatrices nous empêche d’avancer, nous immobilise dans des foxholes invisibles et nous force à revivre, même atténuées, les émotions de l’époque.
Un peu comme nous entretenons le feu sous la marmite: nous finissons par nous nourrir de ces émotions négatives. Et elles finissent par nous empoisonner. Elles deviennent familières, elles deviennent notre quotidien, notre lot, ce à quoi nous nous attendons. Elles participent du pessimisme, de la dévalorisation, de l’auto victimisation et de la négativité. Et comme je ne me lasse pas de le répéter, le cerveau s’attache à faire en sorte que la réalité corresponde à ce à quoi il s’attend. Et nous voilà qui plongeons tête baissée dans les cercles vicieux. Tout un programme!
Je force à peine le trait, car tout cela se passe lentement, sans que nous nous en rendions compte. Aussi, peut-être avons nous tout à gagner à rendre les traces du passé au passé pour retrouver un peu de paix intérieure, un peu comme ce bois rendu à la nature est redevenu serein.
Mini coaching: laisser s’effacer les traces du passé
Les épreuves dont nous portons les cicatrices font partie intrinsèque de qui nous sommes et ont participé à notre construction. Et c’est probablement pour cela que nous nous y accrochons, parce qu’elles sont autant de preuves de notre existence, de nos expériences. Malheureusement, nous nous accrochons davantage à ce qu’elles ont eu de négatif, de douloureux, et beaucoup moins, voire pas du tout, à ce que nous en avons appris, comment elles ont contribué à façonner les personnes formidables que nous sommes (voir les dossiers à fermer).
Laisser s’effacer les traces du passé… l’expression me fait irrésistiblement penser aux bateaux en feuilles de roseaux de mon enfance, que nous déposions sur le canal, derrière chez ma grand-mère, et que nous regardions s’en aller lentement au fil de l’eau. Et puis il y a les trous du Bois Jacques, dans les contours s’estompent et dans lesquels, d’année en année, la terre s’accumule, jusqu’au jour où ils auront disparu.
Et vous, quelle image vous vient à l’esprit, si vous pensez aux traces du passé qui s’effacent?
Qu’avez-vous traversé, dont vous portez encore les stigmates?
Chacun de ces événements, comment a-t-il participé à la construction de la personne que vous êtes?
Qu’est-ce qu’ils vous coûtent aujourd’hui?
De quoi avez-vous besoin pour accepter de les laisser s’évanouir au fil de l’eau?
Voir aussi
Tirer les leçons de nos expériences
Garder le moral dans la tourmente
Appartenance et résilience collective
Principes de rugby pour se relever quand la montagne nous a renversés
Quand la tragédie frappe à la porte de l’entreprise
Attention, une souffrance trop vive vis-à-vis d’une épreuve du passée peut nécessiter un accompagnement psy.
Bel article, qui remue pas mal de choses en moi 😉
J’ai pris conscience il n’y a pas si longtemps que mes cicatrices se réouvraient fréquemment et “polluaient” malheureusement tout ce que je vivais et tous ceux qui m’approchaient, pourtant je croyais avoir “fermé les dossiers”.
Evidemment je ne peux pas m’empêcher de culpabiliser pour ça, mais s’en rendre compte, c’est déjà un premier pas..
Belle journée à toi !
“un peu comme ce bois rendu à la nature est redevenu serein.”
Oui, il faut que l’oubli vienne, il ne faut pas l’empêcher de venir, il doit s’accomplir comme s’est accompli le présent. Une mémoire qui ne s’efface pas progressivement n’est pas humaine.
“ces situations enfuies” : Un lapsus qui exprime bien ce que tu voulais dire : il faut laisser s’enfuir ces mauvais souvenirs 🙂
Je me fais la réflexion que ce qui me revient parfois comme un effet boomerang signifie que je n’ai pas réglé. Ce qui est réglé cicatrice aisement me semble-t-il.
Effectivement: le passé doit rester à sa place, c’est l’ordre naturel des choses. Encore un article très pertinent, merci.
Coucou, votre site me semble très enrichissant.
Merci:)