A l’évidence, oser la mobilité à l’ère de l’incertitude et de l’insécurité professionnelle nécessite un brin de confiance en soi, pour oser se lancer, prendre des décisions avec assurance et conserver une estime de soi stable malgré les éventuelles embûches. Mais les ponts coupés entre RH et salariés ne facilitent pas la mobilité et cette confiance en soi gagnerait à s’associer d’une confiance en l’entreprise, en sa capacité et sa volonté d’accompagner la transition professionnelle.
Mobilité, confiance en soi, confiance en l’entreprise
Cette année encore, 4 cadres sur 10 disent vouloir quitter leur entreprise* et seuls 7% vont le faire**, si l’on s’en tient aux statistiques de mobilité. Qu’est-ce qui empêche les autres de se lancer ? Un défaut de confiance bien entendu :
- Confiance en soi, en la pertinence de son projet, en sa capacité à mener à bien un tel projet.
- Confiance en l’autre, ce recruteur qui, aux dires des publications emploi, nage dans les paradoxes et les préjugés discriminants
- Confiance en l’entreprise : ses réactions négatives face au projet, la placardisation possible, les bâtons dans les roues.
Ce triple déficit de confiance a de multiples causes: la conjoncture sans doute, les craintes entretenues par les médias, la dévalorisation chronique de bon nombre de salariés, mais aussi la méfiance mutuelle entre ceux-ci et les RH.
La rupture entre RH et salariés n’est pas une surprise
La rupture entre RH et salariés n’est pas exactement une surprise. Révélée de façon assez spectaculaire dans notre enquête sur la mobilité vue par les salariés, elle a ensuite été confirmée par une étude d’ADP intitulée RH et salariés, une relation à reconstruire, puis par une enquête de l’APEC, rapportée par exemple par l’Express sous le titre édifiant Mobilité des cadres, mais que font les RH ?. Lorsqu’on travaille avec des personnes en désir d’ailleurs professionnels, qu’il s’agisse de reconversion, de création d’entreprise ou de simple transition, on en voit de toutes les couleurs, du rose, du bleu comme toutes les nuances brunâtres et boueuses d’eaux marécageuses, en ce qui concerne les relations avec les RH.
Sur les 12 derniers mois, 8 de mes clients qui ont demandé une rupture conventionnelle, certains pour passer à leur projet de reconversion, d’autres au bord du burnout. Six d’entre eux se sont retrouvés dans des situations aussi absurdes qu’injustifiables :
- Des refus catégoriques légitimés par de la pommade inutile « mais enfin, tu donnes totalement satisfaction, il n’est pas question de te laisser partir », agrémentés ensuite de propos culpabilisant « tu te rends compte, ce que ça nous coûterait » puis associés à des suggestions de démission, présentées comme « la meilleure solution ». Ils ont tous fini par obtenir ces ruptures, au prix de bras de fer coûteux en énergie et générateurs de ressentiment. L’une d’entre eux s’est retrouvée très vite placardisée et un autre, suite à sa demande initiale, s’est vu l’objet d’un traitement inique, proche du harcèlement (ce qui lui a d’ailleurs servi de levier pour obtenir la rupture, au final).
Inversement, deux de mes clients se sont retrouvés face à des RH ouverts et compréhensifs:
- Accueil, écoute et accompagnement : passé l’étonnement face à la démarche de salariés qui donnent toute satisfaction et n’ont pas l’air démotivés, ces entreprises ont même proposé avec beaucoup de panache de les accompagner dans leur désir de transition professionnelle et de participer à son financement.
Face ces réalités, nombreux sont les salariés qui préfèrent rester dans la clandestinité, mener leur transition professionnelle seuls. Ainsi, beaucoup de mes clients qui viennent explorer leur désir de reconversion financent leur coaching eux-mêmes, à l’écart des RH qui seront mis devant le fait accompli une fois la transition définie. Et c’est sans doute dommage puisqu’on constate aussi une évolution de leur côté et lorsque les salariés osent évoquer ce désir de bifurcation professionnelle, nombreuses sont les entreprises qui sont favorables à un accompagnement.
Ces vieux pots-là ne feront pas de meilleures soupes
« Disons le tout net : les remèdes classiques et les modèles existants ont largement épuisé leurs pouvoirs pseudo-fédérateurs ! Des solutions sont donc à concevoir pour définir et réorganiser une fonction RH qui permette à nouveau une véritable connexion avec les collaborateurs. » affirme la Harvard Business Review, qui juge les RH trop déconnectés des salariés.
Au-delà de l’indispensable évaluation que chaque entreprise devra faire de son propre fossé entre RH et salariés, il s’agit de réfléchir à de nouvelles solutions, ce qu’ADP propose dans son projet RH reconnect, de façon participative, comme l’explique Sophie Galoo, directrice de la communication et de l’écosystème du groupe ADP France sur le site Parlons RH.
De façon générale, le déficit de confiance, qui peut se traduire autant par le manque (ou l’excès) d’aplomb que par la méfiance, est largement entretenu par la façon dont les désirs de mobilité sont accueillis dans l’entreprise et les idées reçues très ancrées qu’elle a créé. Cette cassure entre RH et salariés est évidemment dévaforable à la mobilité, mais elle n’est pas une fatalité et les RH ont certainement une belle carte à jouer pour reconstruire les ponts coupés avec les salariés.
Les RH ont certainement une belle carte à jouer
Evidemment, pris au piège de leurs propres injonctions paradoxales, entre fausse guerre des talents (et vraie guerre des clones) et peur du recrutement raté, les RH ont tendance à s’enfermer dans une vision soupçonneuse du salarié qui lui est bien rendue par celui-ci. Pourtant l’entreprise a tout intérêt à jouer la carte de la confiance et de l’accompagnement au recyclage du salarié, pour reprendre l’expression chère à Vincent Rostaing. Ne serait-ce que pour envoyer aux collaborateurs un signe de reconnaissance fort, au bénéfice de l’image de l’entreprise et donc de l’attraction des talents (que je déteste ce terme;). Mais aussi justement pour faciliter sa transition et fluidifier la relation RH/Salarié lorsqu’elle fait face à une nécessité de mobilité et lui éviter de s’envenimer.
Les RH pourraient ainsi cesser de s’engluer dans le blabla marque employeur, dont le décalage avec la réalité fait au mieux ironiser le salarié, au pire rompt toute confiance. Cette carte à jouer peut passer, en autres par deux options:
1- Permettre le développement de la confiance en soi et par ricochet, en l’autre.
Pascale Denantes Parlier nous avait parlé de pouvoir d’agir du salarié, et Anne Cirio de libération de la parole. Si les deux sont indispensables à la fluidification des mobilités, ils sont plus simples à mentionner qu’à mettre en pratique et nécessitent tous les deux le renforcement d’une confiance en soi qui donne l’assurance sereine dans l’action comme dans l’affirmation de ses désirs professionnels. Renforcer confiance en soi et confiance en l’autre, c’est renforcer l’employabilité de chaque salarié pour deux raisons:
- Il sera à même d’être acteur de sa mobilité : la confiance est un puissant moteur de l’action.
- Il aura développé une posture relationnelle élégante et affirmée, aux facettes multiples qui sont autant de ces compétences transverses tellement recherchées aujourd’hui.
D’autre part, la confiance en soi du salarié a de multiple vertus, y compris pour l’entreprise:
- Le renforcement d’une estime de soi qui limite les jeux de pouvoir et l’expression d’un égo anti-collaboratif et donc sa performance et sa posture au sein même de l’entreprise (voir: L’égo, frein majeur à l’intelligence collaborative)
- La facilitation du dialogue serein avec les RH sur une éventuelle incompatibilité avec un poste ou une équipe et sur les redéploiements possibles, avec sérénité et dans un esprit de collaboration mutuelle. Pour peu, bien entendu, que l’organisation ne cherche pas à l’empapaouter.
Pour oser la mobilité et renforcer leur employabilité, pour oser la confiance en les RH, les salariés ont avant tout besoin de renouer avec une confiance en eux sereine (ni écrasante ou arrogante) qui leur donnera de l’assurance pour se lancer, pour prendre des décisions fortes et courageuses, qui minimisera leurs craintes des difficultés et libérera plus d’espace dans leur tête pour l’anticipation et la résolution de ces difficultés, qui leur permettra des interactions équilibrées et agréables. Cette confiance en soi va bien au delà de la simple connaissance de ses compétences/valeurs et s’articule autour de plusieurs dimensions :
- Une connaissance solide de ses ressources, des talents naturels sur lesquels ils peuvent s’appuyer, des capacités qu’ils ont pu démontrer autant dans leurs vies personnelles que professionnelles (Dévalorisation et survalorisation sont les deux faces d’une même pièce, celle du manque de confiance qui se traduit par un manque d’objectivation de soi et des comportements parfois peu appropriés : mise en retrait ou étalage d’un égo surdimensionné, recours aux rôles relationnels n’aident pas la mobilité.)
- Une estime de soi suffisamment stable pour éviter de s’écrouler au premier écueil.
- Une compréhension de leurs propres émotions et du rôle qu’elles jouent dans leurs interactions, leurs comportements et leurs décisions.
- Une réappropriation de leurs désirs professionnels, de leurs aspirations et de leur légitimité, de la façon dont elles s’inscrivent dans leur projet.
- Une acceptation de soi globale, autant dans la reconnaissance de ses propres qualités, compétences et appétences que dans celles de ses limites, de ses incompétences, de ses inappétences.
- Une aptitude à communiquer mieux, de façon plus juste et plus claire, plus assurée et plus élégante, tout en redonnant sa place à l’émotion (et non pas à l’affect).
Le (re)développement de la confiance en soi peut faire l’objet de formation ou être travaillé en groupes de pairs ou encore dans le cadre d’un accompagnement à la transition professionnelle.
2- Dépoussiérer l’accompagnement aux transitions professionnelles
Au travers de dispositifs visibles et accessibles, ce peut être un moyen de démontrer la prise en compte des désirs d’évolution. Vous allez me dire que les dispositifs d’accompagnement aux transitions existent déjà, ainsi le très accessible bilan de compétences. Mais si son inefficacité était encore à prouver, l’enquête de l’Apec de juin 2015 montre que seuls 4% des mobilités internes se sont produites suite à un bilan de compétences.
Vous avez bien lu : 4% !
Vous le savez, lecteurs fidèles, je suis en croisade contre le bilan de compétences dans le cadre d’une reconversion, cependant je pensais qu’il avait peut-être encore une vague utilité dans les simples transitions. Mais non : le soit-disant graal de l’évolution professionnelle n’a rien d’un calice miraculeux, c’est un gobelet en plastique vide.
Il est donc indispensable de dépoussiérer les accompagnements aux transitions professionnelles, de les sortir de la désolante vétusté de processus qui ne prennent en compte ni la dimension humaine de la réussite du projet (confiance en soi, assurance, motivation), si l’évolution fulgurante du monde professionnel (métiers émergents, invention de nouveaux métiers, réinventions d’anciens métiers).
Et de proposer aux salariés désireux d’explorer les possibilités de mobilité des accompagnements qui ouvrent le champ, qui définissent leur singularité au lieu de les enfermer dans des cases et qui la mettent au service d’un projet plutôt que de les faire rentrer dans les cases excessivement limitées d’un bilan de compétences ou excessivement onéreuses d’un outplacement qui cherchera avant tout à les recaser le plus rapidement possible, au mépris parfois de leurs aspirations. Voir aussi:
*Le Figaro – 4 cadres sur 10 disent vouloir quitter leur entreprise
**Cadreo – 7% des cadres ont changé d’entreprise l’an dernier
Voir aussi
Ithaque, 1er influenceur français sur la reconversion professionnelle
3 manières simples et légères de renforcer l’estime de soi
3 clés pour renforcer la confiance en soi
Confiance en soi: la raison et les tripes
Recherche d’emploi: reconstruire la confiance et l’estime de soi
Reconversion professionnelle et leadership de soi
Aller plus loin
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