Nous avons une facilité déconcertante à culpabiliser de ne pas être en permanence à la hauteur des attentes que nous avons vis-à-vis de nous-mêmes. Et comme il n’est pas toujours évident de savoir en amont si ces attentes sont justes et justifiées, voici un petit outil lorsque nous nous retrouvons mécontents de nous, à charger notre mulet intérieur de l’ampleur de notre vilaine culpabilité.
Engagements et culpabilisation
Prendre une décision ou un engagement ne signifie pas toujours que nous sommes en mesure de nous y tenir. Ahmed est juriste et il prépare le concours de la magistrature. Il est par nature bosseur, discipliné et exigeant vis-à-vis de lui-même et nous avons élaboré un emploi du temps censé lui permettre de concilier son boulot et la préparation au concours, qui comprend une plage de travail le soir après le dîner.
Il est a priori satisfait de cet agenda et s’en va la tester pendant une quinzaine de jours, histoire de voir si, effectivement, il lui convient vraiment ou s’il nécessite des ajustements. Il revient deux semaines plus tard très en colère contre lui-même : la plupart du temps, il n’a pas réussi à se mettre à travailler après le dîner, il a passé du temps avec ses enfants. Il s’en veut, lui habituellement si rigoureux, il a le sentiment d’avoir procrastiné, d’avoir fait preuve d’une absence totale de discipline, bref, il culpabilise à fond et s’accuse de torts sans nuance.
Lorsque les choix que nous faisons, les décisions que nous prenons impliquent des renoncements, nous nous retrouvons parfois à ne pas les tenir et à nous sentir coupables, voire à nous dévaloriser puisque nous nous sentons alors pas du tout à la hauteur de nos attentes vis-à-vis de nous-mêmes. Mêlée d’idéalisation de ce que nous devrions être et d’impuissance à être parfaits, la culpabilité peut aussi venir de décisions que nous ne prenons pas, de l’invalidation de nos aspirations. Elles n’impliquent alors pas de renoncements, elles sont des renoncements.
Nous pouvons avoir deux façons de réagir à ce sentiment de culpabilité et les deux nous chargent le mulet intérieur d’exigences excessives, de jugements durs et d’émotions négatives dont il se passerait bien (colère contre soi, impuissance, inquiétude, découragement etc):
- Avec des cohortes des ruminations pénibles, voire de l’auto-dévalorisation et un regard sur soi pas exactement bienveillant, qui nous font entrer dans des cercles vicieux assez éloignés de la satisfaction du travail bien fait, du sentiment de performance et d’efficacité. Et qui ne risquent pas d’endiguer la culpabilité.
- En ayant recours aux bonnes excuses et aux justifications (je n’ai pas le choix, pas le temps etc). A moins d’être un adepte de l’auto-complaisance décomplexée ou une Victime patentée, ces petits arrangements avec nous-mêmes suffisent rarement à diminuer le sentiment de culpabilité, car au fond, nous savons bien qu’il s’agit d’un choix, et que ce sont ses conséquences que nous avons du mal à assumer.
Voici donc une alternative pour soulager le sentiment de culpabilité.
La technique du pourquoi
Nous avions déjà évoqué cette technique qui permet de remonter le fil d’un problème jusqu’à sa source. Ici, elle va nous donner la possibilité de remonter en douceur à la véritable raison pour laquelle nous avons fait ce choix (par exemple celui de ne pas tenir un engagement), qui est parfois bien différente des jugements que nous passons un peu trop vite sur notre comportement. Dans le cas d’Ahmed, ça a donné ceci :
– Pourquoi n’as-tu pas travaillé le soir ?
– Parce que je n’en avais pas envie.
– Pourquoi n’en avais-tu pas envie ?
– Parce que j’avais envie d’être avec mes enfants.
– Pourquoi avais-tu envie d’être avec mes enfants ?
– Parce que c’est important de passer du temps avec eux.
– Pourquoi c’est important de passer du temps avec eux ?
– Parce que c’est maintenant, à leur âge, qu’ils ont besoin de ma présence.
A ce moment-là, Ahmed s’exclame : son comportement n’a rien à voir avec de la paresse, il est cohérent avec sa valeur motrice principale, la famille, qui place le bien-être de ses enfants au cœur de ses motivations. Son sentiment de culpabilité s’envole : son choix était logique et cohérent et la résolution du blocage passe par un ajustement à faire dans son emploi du temps, sûrement pas par l’auto-imposition d’une discipline qui va à l’encontre de ce qui est important pour lui. Nous réarrangeons ses plages de travail en fonction des horaires de coucher de ses enfants.
Ahmed aurait pu découvrir tout autre chose: que c’est une plage horaire pendant laquelle il est improductif, qu’après une journée très active, il est épuisé etc. Là aussi, il aurait compris que cette forme de procrastination n’était pas de la paresse, mais bien un moyen inconscient de ne pas charger un mulet déjà fatigué. D’ailleurs, le mulet en question, lui, n’aurait aucune hésitation à s’arrêter sur le bas-côté et à dire “stop, c’en est assez”. Ahmed aurait alors pu:
1- Se réjouir d’avoir appris quelque chose sur lui-même et sur son fonctionnement (n’oublions jamais de nous valoriser, de faire preuve de bienveillance envers nous-mêmes).
2- Ajuster son emploi du temps de façon à prendre en compte cette nouvelle information et relancer une seconde phase de test.
Inversement, il aurait aussi pu réussir à travailler dans les plages horaires définies et culpabiliser justement parce qu’il négligeait ses enfants. Là aussi, il aurait appris quelque chose sur ses valeurs et aurait pu modifier son emploi du temps. Dans tous les cas de figure, agir sur l’origine de son sentiment de culpabilité lui permet de le minimiser.
L’expérimentation
La probabilité pour qu’une décision ou qu’une stratégie ne soit pas “la bonne” existe, malgré notre obsession de l’éviter, aussi préférons tester, expérimenter et nous laisser cette possibilité d’en évaluer l’efficacité en fonction de nos propres critères et de procéder aux ajustements que nous estimons nécessaires.
C’est une façon de ne pas persister en mode tête de mule dans des stratégies contre productives et génératrices d’émotions négatives: ici de la culpabilité, là d’autres sentiments tout aussi pesants. Qui pourraient d’ailleurs finir en mule du pape décochant son coup de pied à retardement, que de Pampérigouste on en verrait la fumée! Une auto-rancune ecclésiastique, en somme, qui se traduirait par des débordements émotionnels déclencheurs de stress. Voir:
C’est enfin un moyen de minimiser le sentiment d’échec, d’impuissance, de ne pas être à la hauteur puisqu’alors nous évaluons l’efficacité d’une méthode, pas notre propre valeur. L’autre bénéfice est d’éviter la dévalorisation qui pousse, justement, au renoncement, au découragement et à l’inaction. Nous restons ainsi aux commandes du projet pour lequel nous œuvrons et regagnons en plaisir au travail. Voir
Crédit photo : harvardgradartist
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