Les ratés de la reconversion sont le plus souvent le fruit de projets inaboutis, de réflexion tronquée et/ou de grands sauts trop rapides. Car il ne suffit pas d’avoir identifié une chouette activité professionnelle qui fait vibrer pour avoir la garantie qu’il s’agit là d’un projet pertinent, qui répond à tous vos besoins, que vous allez pouvoir crafter à votre aise et que vous êtes pleinement en mesure de mener à bien. Voici 4 façon d’éviter le plantage et inversement de construire une voie royale.
Reconversion et risques de se planter
L’échec est en passe de redorer son blason et c’est tant mieux car ce qui compte, ce n’est pas tant de réussir tout ce que nous entreprenons, ce serait un pari bien hasardeux, mais bien notre capacité à rebondir face à l’adversité et aux aléas de la vie.
Cependant, il est aussi tout à fait compréhensible d’avoir de sacrés freins à changer de métier par peur de l’échec, car les enjeux d’une bifurcation professionnelle, avec ce qu’elle implique d’investissement, sont suffisants pour ralentir les plus valeureux, en particulier lorsqu’ils ont des obligations personnelles, financières et/ou familiales:
– L’erreur d’aiguillage, le choix d’un métier dont, au final, le contenu ne donne pas le plaisir qu’on attendait. Ce qui est souvent le fruit du sentiment d’urgence: un métier identifié vite fait, potentiellement mal connu, mal perçu.
– Le plantage financier : ne pas parvenir à vivre de son nouveau métier, générer des revenus insuffisants. La raison peut en être un projet mal ficelé ou l’accent mis sur le seul choix du métier, sans faire de sa réalité financière un critère essentiel.
– L’échec lié à un projet mal ficelé : qui tourne vinaigre parce qu’élaboré trop vite, sans grande connaissance de soi, sans avoir évalué ses propres besoins, sans avoir développé les aptitudes nécessaires. Le risque est alors de ne pas parvenir à trouver un emploi, d’exercer le métier dans des conditions peu agréables, ou d’y retrouver des situations déjà vécues et peu appréciées sur le plan relationnel ou organisationnel, par exemple.
Seulement voilà: on ne peut pas tout anticiper, et formuler des “et si… ?” à l’envi tue l’envie, car les possibles, qu’ils soient positifs ou négatifs, sont légions. On ne peut pas tout anticiper, tout prévoir et tout savoir en amont. Une vie d’explorations n’y suffirait pas et ce n’est pas le pied dans la tombe que nous allons changer nos vies.
Inversement, on peut toujours y aller dans toutes les déclinaisons très dans l’air du temps de “oser”, verbe tellement remis sur le métier qu’on a fini par l’user au point de voir à travers. L’injonction d’oser est finement manipulatrice, qui lui associe que si vous osez vous êtes audacieux et si vous n’osez pas vous êtes un vilain loser immobiliste et passif. Le hic, c’est qu’à l’arrivée, “oser” malgré soi est un excellent moyen de prendre de mauvaises décisions.
En revanche, il est possible de minimiser les probabilités de plantages, voire de mettre toutes les chances de son côté, de s’éviter bien des déconvenues et de se tailler une vie professionnelle sur mesure.
Alors voici 4 conseils pour mettre toutes les chances de votre côté, que je vous ai résumés en infographie (tout en bas;)
1- Cesser de parler de reconversion (et penser vie professionnelle)
Voilà un truc tout simple de l’ordre de la sémantique. Les mots que nous utilisons pour décrire une situation ont un impact sur la perception que nous en avons. Changer de terme, c’est parfois très libérateur.
La confusion reconversion/réflexion: un moyen sûr de se planter
Il est dommage de présenter la reconversion comme indissociable d’un changement de métier à 180° et volontaire là où, statistiquement parlant, le terme recouvre une réalité bien plus vaste: entreprendre dans son métier d’origine, changer de secteur ou d’entreprise y compris involontairement sont statistiquement considérés comme des reconversions au même titre qu’un changement de métier.
Dommage et dommageable, parce que se considérer “en reconversion” et le dire, même lorsqu’on est en phase de réflexion sans avoir encore identifié de projet de vie professionnelle, c’est, l’air de rien, s’imposer l’obligation de changer de métier et figer sa réflexion dans ce cadre restreint, même si, au final, ce n’est pas la meilleure solution. Par ricochet, la pression induite peut pousser à se lancer dans un projet pas totalement pertinent, ou trop vite.
D’autre part, “être en reconversion” implique “métier d’avant” et “métier d’après”. Ce qui suggère une définition immuable des métiers et qui exclue, toujours l’air de rien:
– Les possibilités d’hybridation, de slashing, de pluriactivité dont l’un des leviers est de conserver une partie de l’activité professionnelle actuelle, et qui sont l’avenir des métiers
- Carrière, reconversion: évolution des métiers et hybridations nécessaires
– Les expérimentations en forme de micro-projets qui viennent se greffer à la vie professionnelle actuelle et qui permettent, dans bien des cas, les mini bifurcations et les vies professionnelles qui se construisent pas à pas ou au fur et à mesure.
– La possibilité de renoncer qui devrait être inhérente à la réflexion pour s’autoriser toutes les options possibles.
Trop penser reconversion finit souvent par pousser les candidats à d’autres vies professionnelles à se jeter dans des projets inaboutis ou mal explorés, des métiers insuffisamment connus qu’on va exercer en prenant les habitudes qui lui sont associées pour des contraintes.
Bref, c’est un excellent moyen de se planter en beauté.
Réfléchir à sa vie professionnelle pour faire germer de beaux projets
A l’inverse, distinguer la reconversion de la réflexion va permettre de diminuer la pression en vous autorisant à vous lancer au moment où c’est le moment, c’est à dire quand le “Quoi? Pourquoi? Comment?” de votre projet fait tomber toutes les barrières mentales:
- Un principe et trois questions pour réussir sa reconversion (avec une infographie dedans)
Car vous allez alors pouvoir:
– Mettre de la souplesse et de la décontraction dans l’exploration et l’élaboration (y compris renoncer, changer d’idée, hybrider etc.)
– Prendre le temps de l’exploration, d’élargir le champ, de faire émerger des idées, de tirer les enseignements de celles qui sont trop farfelues à vos yeux.
– Prendre le temps d’expérimenter, d’aller au bout de vos idées, de vérifie vos hypothèses, de construire autour d’elles et de laisser partir celles qui finalement, à vos yeux, ne seront pas pour vous.
– En faire une opportunité réjouissante d’en apprendre beaucoup sur vous-même, de gagner en acceptation et en estime de vous.
– De concrétiser, dans une seconde phase rendue plus évidente par le soigneux débroussaillage, les pistes qui vous paraissent à la fois pertinentes, jubilatoires et réalisables. Y compris s’il s’agit simplement de mener un job crafting futé de sa vie professionnelle d’aujourd’hui.
Finalement, plutôt que de céder à la pseudo-analyse des chiffres de la reconversion et à la tendance obligation de bifurcation comme le conte de fée professionnel ultime, optons pour la reconversion heureuse, celle d’un choix par logique de trajectoire personnelle, uniquement lorsqu’elle correspond à l’option la plus bénéfique.
- #Reconversion : les statistiques c’est fantastique
- Renoncer à un désir de reconversion professionnelle
D’autre part, la phase de réflexion ne se limite pas à des plages d’introspection hors sol, c’est une alternance de temps d’analyse, de développement de la connaissance de soi, des compétences informelles transversales (relationnelles, émotionnelles, organisationnelles etc.) et de démarches concrètes (recherche d’informations, rencontres, apprentissages etc.)
2- Prendre le temps de l’exploration (pour se planter en amont)
Plantez-vous en beauté, vous ferez au passage germer de nouvelles idées et vous en apprendrez beaucoup sur vous-mêmes et vos besoins. Mais ne vous plantez pas n’importe comment, n’importe où et n’importe quand. Plantez-vous en amont.
Portez un regard heureux sur la réflexion autour de la place que prend le travail dans nos vies, des moteurs qui nous poussent dans une direction professionnelle ou une autre, sur l’exploration des possibles et des impossibles comme un voyage au pays de la connaissance de soi et des décisions tranquilles.
Un regard décontracté aussi, car si la reconversion est une option comme une autre, elle est aussi à explorer dès que le désir pointe le bout de son nez, parce qu’il est toujours a minima, reflet d’insatisfaction professionnelles auxquelles vous n’êtes pas condamnés.
Un regard décomplexé enfin, regard de celui ou celle qui est prêt(e) à expérimenter, histoire de frotter ses désirs professionnels à la vraie vie. Expérimenter les idées qui émergent dans le but de décider en connaissance de cause de fuir à toutes jambes ce qui est hasardeux et de prendre en compte ce qui est heureux. En d’autres termes, tester des micro-projets (Faire un MOOC, un stage, une formation courte, une immersion, un engagement associatif, s’essayer sur des missions courtes etc.) permet de s’orienter au fur et à mesure, en fonction de ce que l’on découvre.
Car ce sont ces plantages-là dont on se relève facilement d’une part (ils n’ont pas de conséquence autre que de nous avoir appris ce que nous avions besoin de savoir) et qui apprennent à rebondir d’autre part (si telle option n’est pas pour moi, alors je vais regarder telle autre).
Une exploration solide, qui prend son temps, qui se fond dans votre temps plutôt que dans l’urgence et l’immédiateté, car ces deux-là sont les mamelles qui nourrissent les projets tronqués. Le temps et la mesure, la nuance, l’élaboration d’équilibres favorables, assurés et flexibles, qui savent s’adapter à tout ce qu’on rencontre sur le chemin: évolutions du marché, nouvelles façons de travailler, besoins, désirs et appétences qui évoluent, etc.
Prendre le temps de l’exploration, c’est se donner une chance de construire autre chose que des châteaux de sable, des châteaux en Espagne: François-Xavier Demaison, célèbre fiscaliste reconverti dans le one man show, insiste aussi sur la dimension temporelle de cette expérience : « On met cinq ans pour réussir du jour au lendemain ! »
3- Ecoutez vos peurs
Conseil contre-intuitif par excellence à une époque où l’injonction d’oser pousserait les plus intrépides à l’inconséquence en leur faisant croire qu’il s’agit de hardiesse ou de bravoure, alors qu’il s’agit parfois simplement de plonger dans l’océan alors qu’on ne sait pas nager.
Seulement voilà: ignorer les peurs, ça ne marche pas très bien. Souvenez-vous de votre enfance, des monstres sous le lit ou dans le placard, et de tout ce qui a poussé nos parents à nous dire “il n’y a pas de raison d’avoir peur”, qui n’a jamais généré le résultat escompté, mais plutôt le sentiment de ne pas être entendu ou compris.
La capacité à oser, l’audace sont des vertus évidentes, mais pour beaucoup d’entre nous, l’aisance et l’assurance ne sont pas des qualités innées, mais des aptitudes qui viennent avec la confiance en soi et le sentiment d’avancer le pied sûr.
Ne soyez donc pas trop prompt à estampiller vos craintes “irrationnelles” et à les rejeter sous prétexte que Bichtouille et Tartempion ont dit que la peur, c’est un truc de fillettes et de mous du genou: elles sont porteuses d’enseignements essentiels et les peurs ignorées ont l’art de se transformer, tôt ou tard, en obstacle insurmontable, bien plus difficile à franchir ou à contourner au débotté.
Ecouter vos peurs vous permet de traiter en amont nombre de problèmes qui peuvent être anticipés et qui, inversement, génèrent beaucoup de pression lorsqu’ils déboulent sans crier gare. Beaucoup de plantages sont liés à manque d’attention à son “éviter de ” au profit de “l’aller vers” présenté comme tellement plus glamour. Rappelons-nous que “everything is going to be ok”… “until it’s not”. Et heureux aussi ceux qui auront eu le nez creux.
Chacune de vos peurs vous indique un point à traiter, à anticiper, une solution à trouver, une capacité à développer. Vos peurs ne sont pas vos ennemies, elles sont les indicatrices du cadre dans lequel vous êtes en mesure d’agir en liberté parce que vous vous sentez en sécurité. Ce cadre peut être très variable selon les personnes, mais pour toutes, chercher à l’ignorer en s’exhortant soi-même à “sortir de sa zone de confort”, c’est prendre le risque de s’ignorer soi-même. Et la machine est bien faite qui, lorsqu’il manque de l’huile dans ses rouages, va finir par coincer et vous poussez à procrastiner, voire à abandonner, faute d’avoir anticipé les solutions nécessaires.
Les peurs se manifestent souvent sous forme de questions sans réponse, formulées sur le mode “et si…?” ou “Est-ce que…?”. Transformez-les en “comment je m’y prends pour…” de façon à inventer des solutions et ne pas vous embourber dans l’incertitude, vecteur courant de procrastination.
Il y a aussi une probabilité très forte pour que vos inquiétudes, craintes et angoisses vis-à-vis de votre éventuel changement de métier soit les révélateurs de besoins à combler. Ainsi par exemple, la peur assez fréquente de se retrouver face à des interlocuteurs professionnels Perséctueurs ou manipulateurs, lorsqu’on a été harcelé ou que les relations pourries nous ont épuisées, peuvent pousser à croire qu’il suffit de se mettre à son compte. Or, le réel besoin est d’apprendre à s’affirmer et à se positionner face à nos abrutis de boulot. Entreprendre redevient alors une option possible et non une obligation.
4- Savoir évaluer vos besoins
Les besoins professionnels, lorsqu’ils sont nourris, génèrent la satisfaction, le bien-être, le sentiment d’avoir plaisir à travailler. Insatisfaits, ils se manifestent à nous sous forme d’émotions désagréables (frustration, agacement, crainte, angoisse, lassitude etc.)
Or, sous l’impulsion d’études, beaucoup sont tentés de croire qu’il y a des métiers qui rendent plus heureux que d’autres par nature. Ainsi cet article qui titre “les 15 métiers qui rendent le plus heureux” en parlant du “sérieux” d’une étude de la Dares qui s’est en réalité intéressée aux métiers dans lesquels les gens sont le plus heureux pour comprendre les facteurs favorables au bien-être. Croire qu’un métier rend heureux par nature est une erreur extrêmement dommageable, cause de beaucoup de reconversions ratées parce qu’elles n’ont jamais débouché sur le plaisir au travail escompté.
La méconnaissance des besoins professionnels est responsables de ces nombreux échecs en aval de la reconversion, lorsque sur les candidats à des vies professionnelles libérées de tout un tas de pressions et lourdeurs possibles se retrouvent à vivre leur nouveau métier de façon incompatible avec leurs aspirations ou à l’encontre de leur bien-être, simplement parce qu’ils cèdent aux confusions des simples habitudes d’exercice prises pour des impératifs.
Pour limiter le risque de se retrouver dans une situation professionnelle qui soit une reproduction de la précédente, malgré le changement de métier et dans toutes ses dimensions désagréables, ou qui se retrouve en échec annoncé du fait de son inadéquation avec vos sources de satisfaction, malgré un métier dont vous avez rêvé.
Evaluer les besoins
Vos besoins, c’est ce qui fait qu’une situation professionnelle (métier, fonction, façon d’exercer) vous convient ou non. Les besoins sont universels et se déclinent individuellement en désirs et aspirations. S’ils sont satisfaits, votre vie professionnelle se situera quelques part entre agréable et géniale. Si certains ne le sont pas, ils vont rapidement se transformer en source de déplaisir et peut-être de stress, voire d’impasse. Vous avez beau avoir opté pour un métier qui vous fait vibrer, s’il s’avère que vous ne serez pas en mesure d’en tirer un revenu suffisant – qui correspond a minima à vos besoins financiers – vous n’allez pas trouver que c’est un job de rêve très longtemps. Il va donc s’agir d’évaluer et de mesurer, pour vous-même et en fonction de vous-même, de votre situation personnelle et familiale, de ce qui vous tient à coeur, de ce qui est important pour vous, quels sont, précisément, ces besoins. Vous pourrez alors vous appuyer dessus de deux façon:
– pour évaluer la faisabilité d’une piste pour vous-même et éventuellement renoncer en connaissance de cause, si vous ne trouvez pas de moyens de satisfaire vos besoins dans le métier ou la vie professionnelle que vous explorez.
– pour poser le cadre du job crafting nécessaire pour vous assurer un plaisir pérenne et renouvelable dans votre vie professionnelle future.
Il y a différentes approches pour y réfléchir, en voici une qui s’articule autour de 8 dimensions du plaisir de travailler :
- L’environnement (les conditions de travail)
- Les actions et tâches (le contenu du travail)
- Les talents et compétences (vos appétences)
- Les relations professionnelles et la communication
- Vos valeurs et convictions (comment elles s’expriment)
- La rémunération (le minimum nécessaire pour vivre de façon agréable)
- La reconnaissance, l’appartenance, l’épanouissement
- Le sens (le sentiment de contribuer à quelque chose d’utile et d’important)
Il va s’agir, pour chacune de ces dimensions, de déterminer avec précision ce dont vous avez besoin pour vous sentir bien. Toutes les explications sont disponibles ici:
Et en bonus, le résumé en infographie
Un conseil pour sa reconversion est de ne pas se precipiter.
Vous ne voulez pas faire l’erreur d’aller trop vite et ainsi de faire le mauvais choix.
Je plussoie! 🙂
La franchise offre également un fort potentiel pour une reconversion. C’est de entrepreneuriat encadré.
Effectivement, j’en avais parlé là:
Reconversion : 21 bonnes raisons de regarder du côté de la franchise
Je suis en pleine “réflexion” et non encore en “reconversion”, je suis impressionné par votre blog, hyper riche d’enseignements, bravo et merci.
Merci à vous! Je vous souhaite un bel itinéraire et j’espère que ces billets vous seront utiles:)