Où je vous invite à une cueillette aux champignons, parce qu’elle a bien des points communs avec l’identification d’une voie de reconversion. A vos bottes et vos paniers : nous partons en exploration des sous-bois pour vous aider à changer de métier. Démonstration mycologique.
Reconversion professionnelle et principe du champignon: arrêter de chercher ce que tout le monde cherche!
Quand on arpente régulièrement les sous-bois en quête mycologique, on remarque assez vite ce que les chercheurs de champignons ramassent et ce qu’ils délaissent. De ce point de vue, l’année 2014 a été particulièrement intéressante.
Elle ne pourra pas se targuer d’avoir été une année à cèpes. Du moins dans les forêts Yvelinoises, où le Bordeaux a joué à l’Arlésienne et s’est fait désirer tout l’automne. Cependant, les bois n’étaient pas totalement dépourvus de champignons et faute de grive on mange des merles, l’amateur aurait pu se rabattre sur les quantités de nonnettes, de lacaires améthystes, de coprins, de coulemelles, de pieds-rouges ou de pieds-bleus qui ont décoré les sous-bois. Et bien non. Par ignorance ou par crainte, il s’est contenté de bolets médiocres et a largement méprisé les alternatives savoureuses qui ont pourtant poussé à profusion.
Par méconnaissance sans doute, les ramasseurs de champignons n’ont pas profité de cette année bizarre pour élargir le champ de leurs connaissances et sont restés dans le doute, la méfiance. Comme me l’a expliqué cette chercheuse avec trois bolets orangés trop mûrs au fond de son panier :
- Si c’est bleu ou ça bleuit, ça doit sûrement être toxique.
- Si ça ressemble à une amanite, autant ne pas y toucher.
- Si ça a un chapeau gluant, ça ne doit pas être très agréable.
Bref, le chercheur de champignon a peut-être trop tendance à rester sur ses préjugés. Il en va de même pour l’identification d’une voie de reconversion professionnelle : l’ignorance du vaste monde du travail le pousse à chercher ce que tout le monde cherche, à courir les sentiers battus, à cheminer à partir des idées préconçues. Et le fait ainsi passer à côté de tout un tas d’alternatives, de pistes intéressantes, de secteurs dynamiques, d’opportunités inattendues.
Voici donc quatre principes d’exploration mycologique pour élargir le champ et explorer des possibilités bien plus vastes et ainsi multiplier les chances de sérendipité, de découvertes jubilatoires, d’horizons nouveaux.
1- Curiosité et ouverture d’esprit
Bien entendu, quand on a jamais ramassé de lépiote élevée, mieux vaut s’assurer qu’on est pas tombé sur sa cousine de Josserand, beaucoup plus wicked witch of the west, dans son genre.. Mais en même temps, souvenons-nous que si le pire n’est jamais sûr, le meilleur non plus ! Ce n’est pas parce qu’un champignon a des lamelles qu’on est obligés de le laisser de côté!
Au gré de vos explorations, un secteur, un métier, une piste vous titille, suscite en vous des émotions positives, de l’envie ? Plutôt que de remiser trop vite cette possibilité dans un tiroir à idées soigneusement fermé à clé pour cause de jugements hâtifs (infaisable, ridicule, trop long etc.), faite confiance à votre curiosité et aller y regarder de plus près, histoire de voir. Peut-être qu’il s’agit effectivement d’un champignon toxique, peut-être qu’il s’agit d’une coulemelle qui vous ravira le palais. Peut-être qu’il s’agit d’une idée parfaitement irréalisable, peut-être qu’il s’agit d’une idée en or à laquelle nous n’auriez jamais pensé. Mais dans tous les cas, vous aurez appris quelque chose sur ce qui est important pour vous dans la vie professionnelle, en termes de valeurs et d’aspirations.
Observez donc en quoi ce métier vous parle, ce qu’il vous renvoie en termes de sens au travail, d’intérêt, de contribution, de satisfaction possible. Car même s’il n’est pas une piste (en effet, pilote de chasse, c’est peu accessible aux quinquas presbytes), tous les métiers qui trouvent un écho au fond de vous vous en apprendront sur vos motivations et vos valeurs. Ils sont donc, a minima, un outil de connaissance de soi. Voir:
- Déterminer s’il est temps de changer de métier
- Reconversion professionnelle: sortir l’idée de son tiroir
2- S’appuyer sur les connaisseurs
Comme pour les coulemelles, avant de se jeter sur un pied-rouge, mieux vaut s’assurer qu’on est pas tombé sur un bolet satan. De même, avant de décider qu’un métier est une voie de reconversion, autant vérifier qu’elle est pertinente, comestible, voire même savoureuse. Et pour cela, rien de tel que de se tourner vers les connaisseurs.
Et c’est peut-être là qu’il convient le plus de se méfier: le champignon est sans doute moins dangereux que le connaisseur auto-proclamé! Or nous vivons une époque formidable où les superlatifs roulent à l’ordinaire et il suffit de donner un coup de pied dans un réverbère pour se rendre compte que les experts sont devenus les généraux d’hier.
Disons-le tout net: les connaisseurs d’un secteur ne sont ni les consultants en outplacement, ni les intervenants d’un cabinet de recrutement, ni les coachs. Le monde du travail est bien trop étendu pour qu’une seule personne puisse être spécialiste de tous les secteurs et de tous les métiers. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils soulèvent plus souvent qu’à leur tour un sourcil réprobateur lorsqu’un cadre leur fait part d’une envie de se reconvertir dans la menuiserie ou s’empressent d’affirmer que tel ou tel secteur est en perdition et vous donnent du “mauvaise pioche, essaie encore” en veux-tu en voilà, jusqu’à vous convaincre que si vous êtes un ramasseur de cèpes, restez-le, il y a trop grand danger à explorer une reconversion dans le coprin chevelu (ce capricieux qui noircit trop vite).
Dès lors qu’un secteur attise votre curiosité, mieux vaut s’adresser à Dieu qu’à ses wannabe saints et aller à la rencontre de ceux qui y exercent, qui le vivent au quotidien: les professionnels, les fédérations et associations actives sur le domaine, les études spécifiques, les formateurs. Avec discernement toujours, en fonction de l’intérêt que la personne a à vous peindre un tableau paradisiaque (ou au contraire dramatisé) du métier. Je pense entre autres aux formateurs, en particulier lorsque l’offre de formation est essentiellement privée. (Un exemple: peu nombreuses sont les écoles de coaching qui expliquent en amont à ceux qui s’intéressent à ce métier que seuls 2% des coachs n’ont aucune autre activité et 50% réalisent moins de 10 contrats par an**. Ce n’est pas un critère définitif, mais il est bon d’être au courant pour le prendre en compte)
Et de la même manière qu’il vaut mieux apprendre à reconnaître les champignons sur les sites mycologiques, qui offrent des descriptions plus détaillées et plus d’images que la publication « Reconnaître les champignons » annuelle sur un site généraliste, préférez les sites spécialisés à la presse, dont les articles ont souvent un format trop court pour offrir des renseignements suffisamment approfondis. Ainsi par exemple on parle beaucoup actuellement des métiers voués à disparaître, mais dans beaucoup de cas, les métiers ne vont pas tant tomber aux oubliettes qu’évoluer et se transformer en particulier au gré des progrès technologiques. Aussi avant de vendre la peau d’un boulot, autant aller y regarder de près. Voir:
- Chronique d’une reconversion annoncée
- Reconversion professionnelle: l’enquête métier
- Reconversion professionnelle: vous avez demandé la Lune… ne quittez pas…
3- L’inévitable passage à la casserole
Ramasser des Pieds-bleus parce que vous êtes tombés sur un rond de sorcières au détour du bois ne signifie pas obligatoirement qu’on va les apprécier : à chacun sons palais et les champignons seront bien mangés. Il est donc inévitable de les goûter afin de décider si on continue à les cueillir ou si on leur préfère définitivement une alternative au goût moins douçâtre. De la même manière, ce n’est pas parce qu’un métier a attiré votre attention qu’il va vous convenir. Dès lors qu’il vous intéresse et pourrait être une piste de reconversion, il est temps de le faire passer à la casserole de vos besoins professionnels en menant une enquête métier solide pour voir si effectivement il est un mets de choix ou s’il risque de vous laisser un goût amer dans la bouche.
Si ratisser large permet de plus belles récoltes et offre des opportunités sérendipitesques*, c’est la confrontation à la réalité du métier qui vous permettra de valider ou d’invalider cette possibilité de changer de métier. Il va donc s’agir de conjuguer connaissance de soi (de ses besoins professionnels, aspirations, valeurs, sources de motivation, talents naturels etc.) et connaissance du métier avant de prendre une décision dans un sens ou un autre: déterminer si ce métier fera bien de votre reconversion une affaire de tripes ou si vous préférez y renoncer. Cette étape est sans doute la plus longue, car Rome ne s’est pas connue elle-même en un jour. C’est un travaille qui demande du temps, ne serait-ce que pour prendre une décision éclairée plutôt qu’hâtive.
4- Je vous en fait une omelette, un velouté ou vous les préférez en persillade?
Les champignons peuvent se préparer de bien des façons et les amateurs les cuisinent selon leurs envies personnelles. Encore une fois, c’est pareil lorsque vous avez déniché la girolle professionnelle, le graal du boulot: il vaut mieux l’accommoder à vos goûts, vos aspirations et vos besoins que de laisser “la réalité du marché” (qui n’engage que ceux qui la décrivent) vous imposer une façon de vivre votre métier bien formatée.
Des rigides de la cuisine mycologique m’expliquaient récemment que le cèpe “ça se fait à la poêle et que c’est un crime de béotien ignorant que de le manger en omelette ou de tout autre manière”. C’est un point de vue, mais il se trouve que, personnellement j’aime bien en faire des mini tartelettes poireau-cèpes qui connaissent à chaque fois un sacré succès. Autrement dit, libre à eux de passer à côté de solutions tout aussi fameuses, mais ce n’est pas une obligation.
Il y a mille manières d’exercer un métier, autant en termes de méthodes que d’environnement de travail, de tâches, d’organisation quotidienne etc. Par exemple, non, un entrepreneur n’est pas obligé d’être joignable à chaque seconde des heures ouvrées, il peut répartir son travail différemment si ça lui permet de gagner en efficacité. Je rabâche et je serine en toute décontraction: le job idéal ne se trouve pas sous les sabots d’un bourrin compatissant, il est une réalité à inventer, à construire, à façonner et à entretenir. Faute de quoi, le métier qui vous faisait tant rêver risque de rapidement tourner à la contrainte et la routine. Voir:
- Le boulot idéal: une réalité à inventer
- Job crafting: devenir l’artisan de son propre plaisir au travail
- Réinventer son métier pour se libérer
* Il m’a plu de l’inventer, celui-là^^
** Source: Baromètre de la pratique du coaching en France – Société française de coaching
Crédit photo: Borch3kawki, Annabel, Fil22plm
Aller plus loin
Vous avez un désir de reconversion professionnelle et voulez en explorer la pertinence et la faisabilité? Voulez construire et entretenir l’estime de vous, les relations et l’état d’esprit qui vous permettront de mener à bien vos projets professionnels? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual
il peut être bon aussi d’aller cueillir l’inspiration dans les forêts de nos voisins…
(ainsi, parmi les grands classiques de nos amis transalpins on trouve le risotto aux cèpes 🙂
Ah ben voilà: l’inspiration est partout et à en parler n en trouve d’autres sources! Merci Laulette;)