L’équipe de France de ski alpin nous l’a montré, simplicité, fermeté et décontraction sont des clés intéressantes pour un management soucieux d’un esprit d’équipe garant de l’engagement et de la performance. Il s’agit de règles simples et valables pour tous, appliquées avec constance de façon à être lisibles et acceptables pour chacun, indépendamment de son statut. En voici quelques exemples.
L’esprit d’équipe: le bon sens des hommes qui connaissent les hommes
Dans le billet Management et esprit d’équipe: petite leçon handisport, nous avons vu que pour Christian Fémy, directeur sportif de l’équipe de France paralympique, l’esprit d’équipe est indispensable à la gestion de “ce sport individuel qui se pratique en équipe”. D’autant que le cadre est complexe, en termes d’organisation et de logistique. Et pour Chrisitan Fémy: « c’est pas compliqué, on fixe des règles strictes et on s’y tient. Pour le reste, on est plus relax. »
On a le sentiment que dans cette équipe paralympique, les choses sont simples. Nul besoin de profils type ou de tableaux de bord ce pour gérer des individus. Le bons sens des hommes qui connaissent les hommes remplacera toujours avantageusement le management à coups de théories relationnelles alambiquées.
Surtout qu’à Chamonix, cette période de préparation avant les Jeux était exigeante, le rythme soutenu, les journées longues. Déjà à pied d’œuvre à 6h30 le matin, lorsque nous avons laissé les skieurs, vers 22h, après les deux entraînements quotidiens dont un nocturne, ils étaient occupés à la préparation du matériel avec les techniciens pour l’entraînement du lendemain et à la visualisation des vidéos des descentes du jour avec leurs entraîneurs. Pour tenir le rythme et faire face à la fatigue, il est nécessaire que l’atmosphère soit saine et sereine au sein de l’équipe. Alors la question devient : quelles règles fixer pour favoriser un savoir-vivre générateur de savoir-travailler en équipe ?
8 règles simples de savoir-vivre et travailler en équipe
Puisque Christian Fémy ne nous a pas divulgué ses secrets de management d’équipe, je vous propose en vrac quelques pistes de réflexion. Celles-ci sont les bases d’une élégance relationnelle qui tend à donner ce qu’on souhaite recevoir, à poser le cadre d’un respect et d’une confiance mutuelle qui participent de la satisfaction des besoins de reconnaissance et d’appartenance.
1- Equité et règles valables pour tout le monde
Les règles sont les mêmes pour tout le monde : les passe-droit, les chouchous, tous ceux qui bénéficient d’un traitement de faveur génèrent une double capacité de nuisance :
- la perte de respect envers le manager à chouchous
- l’augmentation potentielle de la jalousie, de l’envie et du ressentiment, l’exacerbation de l’égo au détriment de l’esprit d’équipe et de la collaboration
Les règles qui sont les mêmes pour tous n’empêchent pas un traitement au cas par cas de certaines situations, l’adaptation à des spécificités (comme le handicap, tiens) à partir du moment où elle est équitable et se fait au profit du bien-être et de la performance individuels et collectifs, non pas par favoritisme.
A chacun d’entre nous d’évaluer régulièrement dans quelle mesure nos comportements s’inscrivent dans le respect de ces règles collectives, et d’agir pour rétablir l’équilibre en cas de dérapage. Et lorsqu’un membre de l’équipe dépasse les bornes en termes de règles de vie/travail en équipe, il revient au manager de faire appliquer ses règles en le recadrant avec bienveillance et fermeté, et de voir avec lui les solutions possibles pour y remédier. Et rappelons-nous qu’un salarié déstabilisé émotionnellement aura plus de mal à évaluer ses propres faux pas.
2- L’égalité d’importance
Une équipe est un tout, le rôle de chacun est crucial, aussi l’on peut exiger de chaque membre qu’il se comporte de la même manière avec tous. En d’autres termes, la hiérarchie comportementale est une aberration. Depuis le simple bonjour-au revoir jusqu’à la posture relationnelle au quotidien, ni déférence envers les uns ni condescendance envers les autres mais au contraire, une égalité comportementale qui implique la même amabilité avec tout le monde. Sans l’expertise du technicien qui prépare les skis de l’athlète, pas de performance et il est essentiel que chacun s’en souvienne : ceux qui ont des fonctions peu visibles comme ceux qui tiennent le devant de la scène.
Cela n’exclut évidemment pas des degrés différents de proximité relationnelle, voire d’amitié et d’intimité, donc de familiarité, en fonction des affinités et du temps passé ensemble. L’essentiel étant de se positionner d’égal à égal en tant qu’êtres humains, indépendamment de la hiérarchie et d’offrir à tous une posture qui traduit une même importance accordée à chacun. Ni paon, ni hérisson ni paillasson, au profit de la relation;)
3- L’humilité
Dès qu’on parle de “champion”, Christian Fémy réagit « ce ne sont pas des champions, ce sont des athlètes de haut niveau ». La nuance est intéressante : athlète est une fonction, un métier. Champion est un jugement de valeur en forme de piédestal. Le terme peut flatter l’égo et creuser un fossé pas forcément très sain entre les uns et les autres: pendant que d’aucuns se gargarisent, d’autres se dévalorisent, au détriment de l’ambiance de travail. D’autre part, lorsqu’on questionne Christian Fémy sur son rôle dans la réussite sportive de ses athlètes, il temporise « ce n’est pas moi qui suis sur les skis ». L’humilité au sens d’une modestie qui évite de tirer la couverture à soi ou de se repaître des spotlights encourage des relations équitables et la reconnaissance mutuelle.
Cette humilité n’a rien à voir avec la négation de l’accomplissement ou la dévalorisation. Cest une véritable forme d’élégance relationnelle qui évite de se prendre trop au sérieux, de tomber dans l’auto-complaisance, dans le sentiment de supériorité et par extension de cloisonner à l’intérieur de l’équipe. C’est cette humilité qui permet à Marie Bochet, après sa chute sur le slalom, alors que tous commençaient à parler de grand chelem pour elle, d’écarter l’excuse des conditions difficiles et de déclarer “Les bons skieurs skient dans toutes les conditions, aujourd’hui je n’étais pas au niveau” (la vidéo de Blog Handicap). Ca a de la gueule. Voir:
4- La polyvalence et l’entraide
Parce que l’équipe de France de ski alpin handisport ne dispose pas d’un budget colossal, elle se retrouve a faire le maximum avec peu, tout comme en entreprise il s’agit de plus en plus de faire mieux avec moins. Du coup, entraide et polyvalence sont de mise pour assurer le bon fonctionnement du collectif à l’entraînement. Quelques exemples :
- Le staff n’assure pas que l’entraînement, il s’occupe aussi de logistique, travail énorme dont on peine parfois à se rendre compte (préparer une piste pour un entraînement, ce n’est pas exactement une promenade en télésiège).
- Les skieurs participent au lissage de la piste avec le staff « c’est pas ce qu’on préfère, mais on le fait » nous dira l’un d’entre eux.
- Lorsque Marie Bochet ou Vincent Gauthier (pour ne citer qu’eux, parce que je les ai vu faire) terminent leur entraînement, ils proposent spontanément d’aller chercher les fauteuils de leurs co-équipiers assis.
Bien entendu, entraide ne signifie pas corvéable à merci et la polyvalence s’arrête là où commence l’incompétence. Il ne s’agit pas de descendre la piste à la place d’un autre skieur, pas plus que de prendre en charge l’intégralité d’un dossier à la place d’un collègue.
L’entraide, ce sont parfois des tous petits riens qui facilitent la vie et le travail des uns et des autres et qui donnent le sentiment d’être utile au delà de soi. Pour celui qui en bénéficie, elle donne le sentiment d’exister. Les deux participent de la construction des sentiments d’appartenance et de reconnaissance, de la confiance mutuelle et de l’envie de collaborer. Voir:
5- L’amabilité
le BA-ba de la politesse est le socle sur lequel se construit une atmosphère agréable et conviviale. Entre lieu commun et évidence, l’amabilité peine pourtant à s’ancrer et trouve facilement une bonne excuse pour ne pas s’exprimer : je ne vais quand même pas dire bonjour à Dupond-Durand, puisque lui ne s’embarrasse pas de politesse et ignore tout le monde. Ben si, justement. Car la courtoisie est le pilier de la reconnaissance mutuelle, la première marque d’existence aux yeux de l’autre et que nous ne pouvons pas exiger d’autrui ce que nous n’exigeons pas de nous-mêmes. D’autre part, nous ne pouvons jamais savoir ce qui se passe dans la tête de celui qui n’a pas dit bonjour, aussi autant en prendre l’initiative, d’autant que les comportements pro-sociaux encouragent et suscitent les comportements pro-sociaux.
Rajoutons à la politesse un brin d’amabilité et nous tenons un cocktail relationnel propice à un environnement de travail plus chaleureux et plus nourrissant. La définition de la politesse et de l’amabilité étant aussi volatiles que les cours de la bourse en temps de crise, quelques fondamentaux devraient nous mettre d’accord :
- bonjour/au revoir
- s’il te plaît/merci
- Sourire
- Avoir un mot gentil de temps en temps (par exemple en faisant un compliment ou en reconnaissant la valeur des accomplissements d’autrui)
- Laisser l’autre finir ses phrases
auxquels je rajoute le plus difficile art de présenter des excuses lorsqu’on a heurté un co-équipier sans le vouloir. Voir:
6- L’égo au vestiaire
Dans un sport ou la performance individuelle est l’objectif, les égos peuvent être assez costauds. Chrisitan Fémy souligne que la logistique nécessaire à la préparation du matériel, de la piste, à la sécurisation de celle-ci etc. est exigente et par conséquent, tout le monde s’entraîne en même temps sur la même piste, sur des temps assez limités. Il n’y a donc pas de place pour le caprice de star, chacun doit trouver son espace tout en laissant de l’espace aux autres.
S’il est évident que l’esprit d’équipe doit laisser la place à l’expression des émotions, des doutes, des difficultés individuels, de façon à ce que chacun puisse trouver le soutien voire le réconfort dont il a besoin (en cas de sentiment d’échec, par exemple). Il n’y a en revanche pas de place pour les expressions pénibles de l’égo: les jérémiades, le dénigrement, les récriminations par derrière, les prises à parti. Si conflit ou problème il y a, autant le régler entre parties concernées plutôt qu’en public, de manière directe et franche, en exprimant ce qui nous pose problème et en faisant des demandes élégantes plutôt que des reproches virulents. En d’autres termes, on est priés de laisser son égo au vestiaire avant de rentrer et de chercher l’affirmation de soi plutôt que de quémander de l’attention en cherchant à prendre trop de place ou au contraire de s’effacer en espérant recevoir ce qui nous est du. Voir:
7- La ponctutalité
c’est fou comme ils sont nombreux ceux qui ont peu de scrupules à faire perdre leur temps à des gens qui les attendent. On imagine, si le directeur sportif de l’équipe de France fixe une réunion à 7h, que s’il faut attendre que chacun descende de sa chambre à l’heure qui lui convient, c’est tout l’entraînement du matin qui est compromis.
Je ne parle pas ici du fait de partir à 3h du matin les jours de grève de transports. Je parle plutôt de la ponctualité à l’intérieur de ses journées de travail. Arriver à l’heure aux rendez-vous, entretiens et réunions, histoire de ne pas imposer une perte de temps aux autres, à son propre bénéfice. L’absence de ponctualité à une manière insidieuse d’insinuer que le temps de l’autre a moins de valeur que celui du retardataire. Inversement, la ponctualité est une forme de respect importante qui alimente la reconnaissance mutuelle et l’appartenance.
8- Fiabilité et exemplarité
L’exemplarité, c’est se comporter et travailler en accord avec les valeurs que l’on prône, et ce avant de les attendre des autres, faire ce qu’on dit, dire ce qu’on fait, tenir nos engagements, de façon à offrir à nos collègues, managers et collaborateurs une lisibilité accrue sur ce que nous sommes, sur notre façon de travailler et, par extension, sur ce qu’on peut attendre de nous… ou pas. C’est aussi une forme de transparence rassurante, de fiabilité, puisqu’alors chacun sait qu’il peut compter sur nous et ce que nous disons. Tenir ses engagements signifie aussi ne pas prendre d’engagement à la légère, de manière à être en capacité de mener au bout les actions nécessaires. Il s’agit donc aussi de savoir dire non, de fixer des limites claires et de savoir estimer le temps nécessaire à la réalisation d’une tâche – et de l’exprimer.
Et merci à toute cette équipe qui nous a tant fait vibrer à Sotchi et nous a ramené un beau palmarès!
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