Sylvaine Pascual et Pascale Denantes Parlier – Publié dans – Vie professionnelle
Suite à notre enquête sur les mobilités professionnelles vues par les salariés, il est apparu évident que le dialogue est rompu entre salariés et RH. Nous avons donc décidé de nous intéresser au biais par lesquels la relation entre les deux pourrait être restaurée, réenchantée, au bénéfice de toutes les parties… et en trois partie. Ce premier épisode, co-écrit avec Pascale Denantes Parlier, propose d’explorer les facteurs du pouvoir d’agir des salariés.
Frilosité ambiante face à la mobilité
Travailler c’est non seulement subvenir à des besoins économiques mais c’est aussi agir pour créer de la valeur pour l’entreprise, pour les autres et pour se faire plaisir d’une façon ou d’une autre : en prenant des risques, en suivant les consignes, en déployant des trésors d’ingéniosité pour réussir malgré les contraintes . L’identité professionnelle se construit- quand le travail est source d’apprentissage face à des situations qui posent problèmes. C’est tout l’enjeu de la mobilité que de maintenir cette motivation à progresser par l’action et l’innovation.
Cependant, la période de ralentissement économique renforce une forme de frilosité des salariés face aux intentions de mobilité professionnelle, salariés qui restent captifs de leurs entreprises et de leurs postes. Ils n’osent plus s’aventurer ni même exprimer un désir d’ailleurs.
- Comment parvenir à progresser dans une période de tension économique où le débat public met au premier plan les questions d’emploi ?
- Comment maintenir cette envie de progresser par l’action et l’initiative, dans un environnement professionnel qui offre peu de repères stables,?
- Comment peut-on ramifier dans les organisations une culture de la mobilité et du développement de l’employabilité dans un contexte de pénurie d’emplois ?
- Qui sont ces aventuriers des temps modernes qui prennent le risque de la mobilité, qu’elle soit interne ou externe, pour ne pas s’ennuyer ou pour continuer à progresser ou simplement apprendre ?
L’enquête Ma Mobilité professionnelle et moi, réalisée par Nuances Conseil et Ithaque Coaching entre juin et septembre 2014 répond partiellement à ces questions.
Mobilité : l’ingéniosité personnelle et clandestine
Elle lève le voile sur cette forme de défi qui pousse les individus à agir de façon très individuelle pour « faire pousser des odyssées professionnelles ».
En entreprise, les salariés mobiles se débrouillent essentiellement par eux-mêmes pour progresser et changer de job et s’appuient sur une forme d’ingéniosité personnelle et parfois clandestine qui les pousse à agir discrètement plutôt que de mettre leur désir de mobilité sur la table des RH:
- Activer des contacts
- Trouver l’information confidentielle
- Rencontrer les opérationnels qui exercent l’activité
Qualités entrepreneuriales et autonomie sont au cœur de ces démarches personnelles où l’on tente d’aller plus loin face à soi-même.
D’une façon générale, plus les individus sont à l’initiative de leur mobilité, plus ils en sont moteurs et plus la mobilité est source de plaisir : parfois sans carte et sans boussole mais toujours avec l’envie d’entreprendre, avec des contacts, des appuis et une information maximale sur ce qu’il faut savoir , ce qu’il faut montrer pour être crédible et légitime sur un poste.
Les RH au cœur du pouvoir d’agir (ou de l’absence d’agir)
Or, tout se passe comme si les DRH, acteurs majeurs de l’emploi et de l’employabilité, ignoraient cette envie d’aller plus loin, de découvrir au final de progresser.
Les RH, s’appuient sur la loi et le dialogue social, pour créer des outils et des dispositifs finalement peu utilisés par les salariés qui s’en méfient ou les ignorent, comme si ces dispositifs pouvaient les desservir : solliciter un entretien avec son RH, c’est marquer une forme d’insatisfaction, demander une VAE ou tout autre forme d’accompagnement à la mobilité est considéré comme une prise de risque. Comme si les questions de mobilité, se réglaient ailleurs que sur le terrain des réglementations RH.
Et pourtant, en matière de mobilité professionnelle, les DRH pourraient jouer un rôle majeur comme aiguillon ou source d’inspiration pour augmenter le pouvoir d’initiative des salariés :, en leur donnant des cartes à jouer.
Car c’est aussi dans les collectifs de travail et au contact des autres, que naissent les désirs de reconfigurer son poste, d’inter-agir différemment, d’acquérir de nouvelles compétences bref d’entrer dans projet et d’évolution professionnelle. Les organisations syndicales pourraient s’emparer de ce nouvel enjeu pour sortir des logiques de postures idéologique et entrer dans le dialogue sur la mobilité interne ou externe. Les dispositifs managériaux de co-développement ou d’analyse de pratiques sont à cet égard très instructifs tant ils développent les apprentissages sur soi-même et permettent à chacun de disposer de repères pour agir.
Ils pourraient ainsi reconstruire une confiance indispensable au dialogue et au pouvoir d’agir.
Le pouvoir d’agir : confiance en soi, confiance en l’autre
Changer d’emploi ou d’entreprise c’est redoubler d’énergie et de confiance en soi pour trouver la force de ne pas renoncer et arriver à bon port.
La connaissance de soi permet aux individus de se réapproprier le fil de leur cheminement professionnel. L’accompagnement par des professionnels de la mobilité aide à s’y retrouver et à favoriser le passage à l’action. Ce pouvoir d’agir, cher à Yves Clot, est porté par une double confiance : confiance en soi et confiance dans l’environnement professionnel. C’est bien dans cette boucle vertueuse que se construisent les opportunités professionnelles. Le candidat a confiance parce que l’environnement réagit à ses actions. Il défriche son chemin professionnel et pose des balises d’informations de plus en plus précises. Plus il interagit plus la voie s’éclaircit et plus le candidat gagne en confiance.
Le sens de la mobilité professionnelle se révèle au-delà de l’introspection, dans l’action et la rencontre et un accompagnement professionnel loyal* permet aussi d’éclairer les embuches des chemins et d’étayer les choix réalisés. Et en trois mots : d’oser la mobilité.
Les deux piliers de la mobilité professionnelle
C’est donc bien au cœur de la confiance que se situe la capacité à évoluer dans les méandres de carrières de plus en plus morcelées et sinueuses. Cette confiance est le pivot sur lequel s’articulent les deux dimensions des transitions de carrières :
- La connaissance de soi, qui permettra de faire des choix éclairés en fonctions de ses besoins et aspirations réels, plutôt que ceux calqués sur nous par la société
- La capacité à agir, à aller chercher de l’information sur les secteurs d’activité, les postes etc bref, à mener une enquête méticuleuse, à faire jouer son réseau, à poser toutes sortes d’actions pour réaliser son désir de transition.
Et cette confiance se construit autour de deux piliers sur lesquels vont venir s’appuyer la mise en œuvre des mobilités, les deux chaussures sans lesquelles il est impossible d’avancer et qui donnent confiance en son projet :
- La confiance en soi
- La confiance en l’autre (et donc aussi en l’entreprise)
Ce sera l’objet du second article de cette trilogie sur la mobilité
*Par loyal nous entendons : neutre, c’est-à-dire qui n’est pas au service d’une entreprise qui cherche à se débarrasser d’un collaborateur, ou à expédier sa réorientation, mais au service des aspirations et des besoins du salarié en question et donc au service d’un projet pertinent et réalisable et par ricochet des deux parties.
Voir aussi
Ithaque, 1er influenceur sur la reconversion professionnelle
Mobilité et employabilité vues par les salariés
Transitions professionnelles: la réflexion n’est pas une prise de risque
Carrière: la reconversion des seniors en interne
Seconde partie de carrière: exploration et orientation
Aller plus loinVous avez un désir d’évolution professionnelle et voulez en explorer la pertinence et la faisabilité? Vous voulez construire et entretenir l’estime de vous et l’état d’esprit qui vous permettront de mener à bien vos projets professionnels? Pensez au coaching. Pour tous renseignements, contactez Sylvaine Pascual au 01 39 54 77 32 |