Ou je vous raconte l’histoire assez triste de l’abandon hâtif d’un projet parce que face aux désir au aux idées de reconversion, il y aura toujours quelqu’un prêt à flinguer vos ambitions « pour votre bien ». Et qu’il vaut mieux ne jamais laisser autrui décider pour nous de notre avenir! Qu’il s’agisse de se lancer ou de renoncer, mieux vaut prendre la décision nous-mêmes.
Le jugement couperet d’un projet
Les beaux projets de reconversion, ça ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval? Peut-être que si. Vous vous souvenez de mon Bourrin Basque, petite boule d’énergie pleine d’enseignements ? Il y a quelques années, aux écuries où il était en pension, j’avais sympathisé avec la propriétaire d’un autre bourrin malin, une jeune femme futée et débrouillarde qui m’avait fait part d’une idée d’entreprise qui lui trottait dans la tête depuis un moment. Appelons-là Isabelle.
Elle avait découvert que l’huile de cade avait des tas de vertus pour les chevaux et elle voulait en commercialiser. Ces vertus étant multiples, il y avait a possibilité de décliner en toute une gamme de produits. Manquant de confiance en elle, elle voulait se faire accompagner dans cette démarche. Je lui avais donc proposé de rencontrer une collègue, nouvellement installée dans le coin et qui cherchait à se faire une clientèle.
Peu de temps après, je retrouvai un matin Isabelle déconfite. Elle m’expliqua que lors de la première séance, la coach avait estimé son idée bien trop risquée et qu’il valait mieux pour elle faire quelques séances d’analyse transactionnelle et retourner postuler dans son métier d’origine, même si elle n’en voulait plus. Une vraie machine à pondre des résultats de bilan de compétences sans même passer par les fastidieux tests de personnalité, un vrai gain de temps.
Aveu d’incapacité, éthique douteuse, croyances personnelles frileuses ou discours mal interprété, il est difficile de le savoir mais quoi qu’il en soit, le message tel qu’Isabelle l’avait compris est tombé comme un couperet qui a tranché net la tête de son projet d’entreprise.
Cette jeune femme pleine de ressources, mais qui manquait de confiance en elle, a abandonné son idée dans l’instant, sans rien explorer de sa pertinence et de sa faisabilité. La mort dans l’âme et l’estime de soi dans les chaussettes « pourtant j’aimais bien cette idée » me dit-elle avant d’ajouter « qu’est-ce que j’ai été stupide de croire que je pouvais avoir une bonne idée ».
Reconnaître les signes d’un projet à explorer
Pourtant nous en avions beaucoup parlé et a minima, elle tenait une idée à creuser. Le milieu équestre se prête à l’innovation dans les produits et à l’époque, l’intérêt pour des alternatives naturelles se manifestait déjà dans de nombreux secteurs. Nous avions même évoqué comment faire de l’odeur épouvantable de l’huile de cade un atout marketing. Elle m’avait convaincue de tester sur les fourchettes abîmées de mon vieux BB, et les résultats avaient été tels que je serai devenue sa première cliente et elle avait déjà converti plusieurs autres propriétaires à son utilisation.
Pourtant il lui tenait à cœur, ce projet. Elle s’animait dès qu’elle en parlait parce qu’elle y voyait une activité pleine de sens (utile aux chevaux), éthique (un produit artisanal et naturel, vendu à un prix plus juste que de nombreux produits pour chevaux) et dans laquelle elle pouvait à la fois prendre du plaisir et s’appuyer sur une part de ses compétences.
Assistante de direction dans plusieurs PME, elle avait touché à beaucoup de choses et son porte-feuille de compétences aurait peut-être pu lui permettre de faire vivre son projet :
– Admin
– Gestion et comptabilité
– Organisation
– Relations clients et fournisseurs
– RH (recrutement, paie)
Entre ses compétences transférables, sa connaissance du monde équestre et sa motivation, il y avait bien plus de signes qu’il s’agissait là d’une idée qui méritait d’être explorée que dans la plupart des désirs de reconversion qui finissent par aboutir ! Mais malheureusement, il a suffi d’une personne se posant en figure d’autorité pour flinguer les jarrets de son estime d’elle-même déjà fragilisée par des expériences professionnelles désagréables et anéantir toute velléité d’explorer son projet. Même sachant que
Quand l’estime de soi fragile rend influençable
Evidemment il y aura toujours des quidams tentés de dire qu’à partir du moment où elle a renoncé si facilement, c’est qu’elle n’y tenait pas tant que ça, à son projet, mais ce n’est pas toujours vrai. L’abandon d’un désir de reconversion face aux objections est même assez fréquent, pour différentes raisons:
– Le jugement d’un interlocuteur en position de sachant venant confirmer l’idée négative liée à la peur ou à la mésestime de soi que le candidat à la reconversion se fait de lui-même ou de son projet, il peut alors se l’approprier sans se rendre compte qu’il parle de freins de l’autre et non pas des ses propres capacités.
– Le rejet but en blanc de l’idée peut aussi déclencher toutes sortes d’émotions désagréables dont l’auteur de l’idée se protège et se débarrasse en la rejetant à son tour. En bloc de préférence, pour passer à autre chose vite fait et s’épargner les doutes et questionnements que le jugement de l’autre a pu faire surgir. Dans ces cas-là, l’adoption du rejet est souvent associée au fait de ne plus jamais évoquer le projet.
Evidemment, il y aura toujours d’autres quidams (ou les mêmes, d’ailleurs) pour dire que ça fait gagner du temps à la personne, qu’ouvrir les yeux à quelqu’un qui se fourvoie est salutaire, mais là, comment dans beaucoup de cas, en l’occurrence, qui pouvait juger de la faisabilité ou de l’irréalisme de son projet sans l’avoir exploré ? Explorer par soi-même est aussi :
– L’ occasion de renforcer et d’entretenir l’estime de soi en parvenant à prendre des décisions, y compris renoncer, par soi-même.
– L’assurance de ne pas avoir de ces regrets tenaces qui poursuivent tout au long de la vie.
– La garantie de ne pas passer à côté d’une réelle opportunité.
Le droit à décider par soi-même
Et voilà que cette semaine, je découvre sur le site Classe équine… que l’huile de cade fait aujourd’hui partie de la pharmacie équine et qu’une distillerie cévenole commercialise d’une manière peu éloignée de l’idée qu’elle avait eue.
Ca m’a désolée.
Je ne sais pas du tout si Isabelle aurait réussi dans cette entreprise.
Ce que je sais, c’est qu’elle avait le droit de réfléchir à son projet, le droit de décider par elle-même de la meilleure marche à suivre. Ce que je sais, c’est que l’abandon brutal lui a valu beaucoup d’amertume et que reprendre un job à la direction d’une PME ne lui a apporté aucun plaisir, même si elle a rapidement obtenu des responsabilité importantes aux finances, au regard de ses compétences. Ensuite, Isabelle a changé d’écurie et nous nous sommes perdues de vue, j’ignore ce qu’elle fait aujourd’hui mais j’espère qu’elle aura eu l’opportunité d’explorer d’autres options de carrière en toute liberté.
Ce que je sais, c’est que si le renoncement est un droit, il est essentiel qu’il soit le fait du candidat à la reconversion et non du à l’influence d’autrui.
Décider par soi-même
Je me suis souvenue d’une anecdote lorsque je me suis installée en tant que coach. Via mon réseau, j’avais eu l’occasion de rencontrer un coach déjà très installé à l’époque, qui m’avait reçue aimablement, avait écouté mon projet – qui à l’époque était essentiellement axé sur les relations – avant de me dire sans ambages qu’en tant qu’ex prof, je n’avais aucune chance. Peut-être un peu de crédibilité auprès des élèves de Prépa, mais guère plus. Sauf que quand quelque chose me tient à cœur, je n’aime pas qu’on vienne jouer les trouble-fêtes et comme j’ai l’esprit de contradiction, a j’ai fait avec lui exactement comme j’avais fait lorsque mes médecins m’avaient dit que je ne remarcherais jamais sans béquilles : je suis sortie de là avec une détermination en acier trempé dans mon côté -il-connait-pas-Raoul. C’est ce qui m’a motivée à chercher une alternative à des démarches commerciales classiques et d’attirer à moi une clientèle intéressée par ce que je propose via Internet.
Mais tout le monde ne réagit pas comme ça, que tout le monde n’est pas câblé comme ça et il serait parfaitement crétin de déclarer qu’il suffit de réagir comme ça pour réussir. C’est la raison pour laquelle il est essentiel, en tant qu’accompagnant, de ne pas juger le projet de reconversion du client, et d’amener celui-ci à l’explorer suffisamment, à se questionner sur toutes ses dimensions, y compris celles qui peuvent chiffonner un poil, pour qu’il puisse se faire une idée de sa propre capacité à le mener à bien ou au contraire de l’importance de renoncer. D’autant que les ressources de chacun peuvent être surprenantes !
C’est aussi la raison pour laquelle je préfère parier sur la capacité de chacun à réfléchir, à expérimenter et à décider s’il se fourvoie et devrait renoncer ou bien s’il poursuit et je lui propose des « outils » pour le faire, pour se confronter suffisamment à son projet.
6 façons de ne pas laisser les autres décider à votre place
Il y a plusieurs leçons à tirer de cette sinistre histoire de façon à aller chercher par nous-mêmes les informations nécessaires pour comprendre si ce projet de reconversion qui nous fait rêver est une façon de se bercer d’illusion ou si nous tenons là la clé d’une vie professionnelle future agréable.
Et comme il n’est pas toujours facile de faire face aux objections et jugements de ceux-qui-savent, voici 5 façons de ne pas laisser les autres décider à notre place:
Lorsque vous vous trouvez confronté(e) aux conclusions péremptoires de vos contemporains quant à votre projet de reconversion, voici 6 façons d’y réfléchir pour déterminer par vous-même le bien-fondé de votre projet:
1- Questionnez l’intention
Méfiez-vous de tous ces gens qui vous veulent du bien ! Questionnez toujours les raisons pour lesquelles une personne vous dit ce qu’elle vous dit, c’est un premier tri qui vous permettra de voir si votre interlocuteur se parle à lui-même de ses propres craintes, ne voit que par le prisme de sa propre expérience ou a touché du doigt un élément important à prendre en compte. Dans tout les cas, c’est une façon de mettre de la distance entre le discours de la personne et les émotions qu’il déclenche.
2- Explorez votre projet
Comme si vous étiez décidé(e) à vous lancer. C’est ce qui vous permettra de voir sir vous tenez une affaire pertinente et si vous vous sentez de la concrétiser. Il y a de nombreux bénéfices à le faire:
3- Mettez la frilosité des autres à votre service
Il y aura toujours quelqu’un pour dégommer vos ambitions. Et les craintes, jugements et opinions des autres, justifiés ou non, ne correspondent pas forcément aux vôtres. Alors plutôt que de les laisser saboter votre projet, utilisez-les : questionnez-les, enquêtez, explorez, pour déterminer par vous-même leur fiabilité. Leurs objections deviendront un moyen d’en apprendre beaucoup sur ce que vous avez besoin de savoir ! Là où il y a des obstacles et comment les franchir ou les contourner, les stratégies alternatives à tester etc. Peut-être que pour chacune de leurs objections, vous trouverez une solution. Peut-être pas.
4- Appuyez-vous sur vos ressources
Votre interlocuteur ne sait peut-être pas de quel bois vous vous chauffez, ne les laissez pas vous pousser à vous sous-estimer. Allez chercher dans vos ressources la façon dont elles pourraient servir votre projet:
5- Exploitez les craintes
Ses propos décourageants vous ont miné le moral et ont fait naître des incertitudes et des craintes que vous n’aviez pas jusqu’ici. Tant mieux: toute crainte qui émerge pendant la réflexion est un point à traiter pour limiter les risques de se planter.
6- Travaillez l’estime de vous et la confiance en vous
a minima lorsque les aléas de la vie la malmène, au mieux régulièrement, de façon ne pas vous laisser influencer par des préjugés. Il reste difficile de prendre des décisions lorsqu’on manque de confiance en soi.
Il me reste à vous souhaiter bonne route!
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Aller plus loin
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Bonjour Sylvaine 🙂
Merci pour cet bel article sur la reconversion. Les proches, souvent parce qu’ils aiment, peuvent parfois, en voulant protéger, freiner dans les projets et instaurer le doute sur le bien-fondé des décisions. Ils le font en toute bienveillance mais génèrent chez certains des incertitudes, des peurs, des blocages… Mais comme vous l’avez dit le renoncement est un droit et ne doit pas se faire sous l’influence d’autrui !
Belle journée,
Célia
Bonjour Célia!
La bienveillance peut être assez relative dans ce cas, lorqu’on cherche à déclencher des doutes chez l’autre, on le fait surtout pour soi:)