Changer de métier au profit d’une vie plus génératrice de plaisir au travail et de sens, c’est évidemment assez réjouissant. Mais pour être pertinente, cette nouvelle vie nécessite de répondre à toute une série de besoins professionnels dont, bien entendu, le revenu. Voici pourquoi et comment en faire un critère déterminant dans l’évaluation de la pertinence d’un projet de reconversion.
En lecture ou en podcast
Le revenu, nerf du projet professionnel
Reconversion, création d’entreprise, transition, les bifurcations professionnelles de toute nature ont un point commun : la nécessité de pouvoir en vivre. Pour éviter une entorse au zytomatique, à force de rire jaune d’avoir un projet parfait, qui coche toute les cases sauf celle, élémentaire, de la rémunération, autant en faire un critère d’emblée, ça évitera bien des désillusions.
Je suis toujours surprise quand des clients me disent « un projet qui me fait plaisir c’est bien, mais il faut qu’il me permette de vivre ».
Pourquoi, il y a des endroits où on pond du projet professionnel sans se préoccuper du revenu ?
Il semble que oui. Pourtant, pouvoir vivre d’un métier est pourtant une condition sine qua non du bien fondé d’un projet, au même titre que le plaisir qu’on va y prendre. Car bien entendu, la rémunération est le nerf de la vie professionnelle et si elle est insuffisante, elle a vite fait de taper sur les nerfs.
La rémunération, condition de la réussite d’une reconversion
Lorsqu’on a traversé les limbes pas très dorées de l’épuisement, de l’ennui mortel ou de l’absence de sens au travail, il y a trois conditions à la réussite de la reconversion :
– Une activité professionnelle qui a du sens : c’est-à-dire qui permet de contribuer à sa manière à quelque chose d’important à nos yeux.
– Une activité professionnelle agréable : dont l’environnement, les conditions et le contenu du travail procurent suffisamment de plaisir.
– Une activité professionnelle dont on va pouvoir vivre comme on le souhaite, c’est-à-dire financièrement compatibles avec nos aspirations et nos besoins.
Si cela semble tomber sous le sens, il n’en reste pas moins qu’à partir du moment des clients expriment ce besoin, c’est qu’ils ont le sentiment qu’on pourrait les encourager dans une voie sans trop se préoccuper du revenu, du moment que c’est « leur voie », leur job idéal, le métier pour lequel il sont fait.
Le corollaire, c’est que certains sont persuadés qu’un métier dans lequel on se fait plaisir est par essence peu rémunérateur. Car c’est bien connu, quand on se fait plaisir, on travaille pour la beauté du geste. Est-ce l’avènement du bien mignon « trouver sa voie » qui oblitère une réalité bien terre à terre : on bosse aussi pour bouffer ?
Voilà encore un sujet dont on parle peu quand on évoque les bifurcations professionnelles, qui sont aujourd’hui beaucoup plus présentées sous l’angle de la quête de sens et d’une meilleure articulation des temps de vie. Pourtant, si on néglige la question de la rémunération, elle devient un facteur majeur des échecs de reconversions.
Vouloir un travail qui a du sens et qui procure du plaisir et de l’enthousiasme ne signifie pas être obligé(e) de s’asseoir sur la rémunération. Ca n’aurait pas de sens ! En revanche, vivre d’un métier ne signifie qu’une seule chose: vivre décemment, confortablement, ou tout simplement comme on a envie de vivre. En d’autre termes, à l’aise avec le pèze.
Je vous ai mis la cafetière à l’envers à pinailler sur les picaillons ? Le flou dans le flouze ça fout les jetons, ça peut générer beaucoup de procrastination qui, rappelez-vous, vous protège alors de foncer dans le brouillard, au risque de vous embourber dans les marécages de l’hiver financier.
Et quand au contraire on s’y engouffre sans trop de préparation et qu’à l’arrivée le grisbi n’est pas folichon, vous voilà ayant troqué la proie pour l’ombre, avec un stress que vous n’aviez pas envisagé, ajouté à la difficulté de renoncer, parce que vous aimez votre nouveau métier d’une part et parce que vous avez honte à l’idée de devoir expliquer à votre entourage les raisons de votre marche arrière. Parmi les ratés de la reconversion, le défaut de revenu engendre les sentiments d’échec les plus cuisants.
Le prix du bien-être
Il est très fréquent, après une reconversion qui apporte une vie professionnelle plus agréable et porteuse de sens, que l’aspect financier passe au second plan et que le gain en qualité de vie compense largement un revenu moindre. Sauf quand la rémunération est si faible qu’elle implique trop de renoncements, qu’elle oblige à vivre dans des conditions précaires ou qu’elle donne un sentiment d’échec financier.
Bien entendu, on constate que le bien-être a un prix. Travailler moins au profit de sa vie personnelle est souvent synonyme de réduction de la rémunération et on devient rarement riche en bossant 4 heures par semaine, n’en déplaise au très marketing miroir aux alouettes de la semaine de 4h qui omet soigneusement de préciser qu’il faut aussi en passer ensuite 72 à faire valoir le fruit de ce travail ou à bosser sur ce que la visibilité rapporte.
Ce qui fait de la question du revenu un critère d’élaboration et de validation (ou d’invalidation) d’un projet qui sera utile dans :
– L’exploration de pistes et la validation de leur pertinence : il n’est probablement pas utile d’explorer très longtemps le métier de prof des écoles si on a besoin d’un revenu de 4000€ par mois
– L’élaboration de stratégies pour vivre de son projet comme on souhaite en vivre.
Rémunération, financement et préparation
Il existe de très nombreuses publications intitulées « financer sa reconversion » qui traitent essentiellement des aides au financement d’une formation. Mais la question du revenu dans la vie professionnelle future est plus large et plus complexe. Car dans l’océan des besoins financiers, la financement de la formation est presque une goutte d’eau, au sens où des dispositifs existent et il suffit de les explorer pour déterminer si l’un d’entre nous correspond ou pas.
En revanche, l’évaluation des fourchettes de rémunération possibles, des moyens pour les atteindre et des besoins financiers est un travail de fond dont le degré de préparation va dépendre de la personnalité de chacun : la relation au risque (ou au sentiment de risque), la capacité à rebondir, le degré d’anxiété etc.
Le critère d’un bon degré de préparation relevant à la fois du:
– Degré d’objectivation : pour être sûr(e) de ne pas s’aveugler sur la réalité financière d’un métier juste par ce qu’on a vraiment envie de l’exercer.
– Sentiment de sécurité : un projet suffisamment ficelé procure de l’assurance et lève les inquiétudes financières.
Donner une vision financière à son projet
Que la rémunération soit un critère prédominant ne veut pas dire renoncer à tout, tout de suite et pour toujours ! Un projet de bifurcation peut aussi se budgétiser sur plusieurs années pour couvrir la période de formation et les débuts dans le nouveau métier, avec la conscience claire que les premières années vont probablement être moins rémunératrices. L’essentiel étant alors d’avoir aussi les idées claires sur la façon dont on va s’y prendre pour :
– Evaluer la durée de la période de vaches maigres et son ampleur financière (qui est rarement dramatique !)
– Réduire ses dépenses et budgéter toute la période
– Déterminer comment les revenus vont augmenter au fur et à mesure en définissant les stratégies nécessaires
– Vérifier que ces stratégies soient à la fois faisables et pertinentes (non, les flyers sur les voitures quand on s’installe comme sophrologue ne suffisent pas à construire une clientèle pérenne )
– Savoir ajuster au fur et à mesure en fonction de la façon dont la situation évolue. Inutile par exemple de continuer à poster la même chose de la même manière sur les réseaux sociaux en espérant générer du « buzz » alors que depuis 6 mois qu’on est dessus on n’a pas dépassé les 37 abonnés.
Tout cela ne signifie pas non plus qu’il faut absolument s’orienter vers des bifurcations légères et raisonnées-raisonnables alors qu’on rêve de virage à 180°, bien au contraire, car ces dernières sont elles aussi source de déconfiture redoutablement efficace.
Ca signifie simplement qu’il est temps de retrousser les manches de votre machine à calcul et de soigneusement mesurer vos besoins et évaluer comment faire correspondre la rémunération future avec ces besoins, pour éviter que le printemps professionnel ne devienne hiver financier:
Intégrer la rémunération dans la construction du projet se fait en 4 étapes, que nous verrons dans la seconde partie de ce billet et… à vous veaux vaches, cochons!
Voir aussi
10 points indispensables pour réussir sa reconversion
Reconversion: réhabiliter la peur et la transformer en moteur
Reconversion : est-ce vraiment un pari risqué?
Reconversion: 4 moyens de limiter les risques de se planter
Un principe et trois questions pour réussir sa reconversion
Reconversion : 21 bonnes raisons de regarder du côté de la franchise
Reconversion: le portage salarial pour entreprendre… sans créer d’entreprise
Aller plus loin
Vous voulez élaborer un projet de bifurcation professionnelle en accord avec vos besoins, vos aspirations, vos désirs et appétences? Ithaque vous propose son accompagnement unique et iconoclaste Heureux qui comme Ulysse. Pour tout renseignement, contactez Sylvaine Pascual.
3 Comments