La question de la part du rêve revient régulièrement en reconversion. Faut-il rêver ou pas ? Aller au bout de ses rêves, rêver les pieds sur terre la tête dans les étoiles, rêve ta vie, vis tes rêves, fais de ta vie un rêve, et d’un rêve une réalité, on peut y mettre tous les clichés, même les plus tartignolles qu’on veut, rêver a des connotation multiples qui peuvent favoriser autant qu’elles peuvent entraver la reconversion. Alors rêver sa reconversion ou pas, tout dépend de ce que vous allez mettre sur ce terme un brin trop connoté.
La part du rêve
En septembre, j’ai participé à l’émission On est fait pour s’entendre, sur RTL et sur le thème de la reconversion. Lors d’une page de pub, pendant nos échanges entre intervenants, la question de rêver ou ne pas rêver s’est invitée dans la discussion, avec des avis partagés. Et c’est bien compréhensible, parce qu’il n’y a pas de réponse à cette question !
Car le rêve n’est ni bon, ni mauvais en soi, tout dépend de ce qu’on met dessus, des connotations dans lesquelles on le drape : chimère ? Imagination ? Action optimiste ? Champ des possibles ? Exploration ? Illusion ? Aveuglement béat ? Château en Espagne ? Ambition ? Aspirations ? Fantasme ? Fiction ? Désir ? Espoir passif ? Source de motivation ? Selon les acceptions acceptables à nos oreilles ou pas, il peut y avoir là un terrain mouvant qui va nous embourber plutôt que de nous envoyer dans les étoiles… ou l’inverse.
Dans les années 2000, quand j’ai commencé à accompagner la reconversion professionnelle, Internet n’était pas encombré de « citations inspirantes » servies comme des grandes vérités qu’on partage en hochant de la carafe d’un air entendu. Changer de métier était essentiellement considéré comme une option à risque qu’il valait mieux remiser dans le carton à fausses bonnes idées. Il était alors nécessaire, pour la rêveuse entreprenante que je suis, d’encourager tout ce qui pouvait permettre à ceux qui se sentaient à l’étroit dans leur vie professionnelle, peu à leur place, lassés d’une vie dépourvue de sens, de s’autoriser à explorer autre chose. Il était donc utile de les encourager à rêver, ce que j’ai fait, dans le sens de laisser leur imagination les aider à entrevoir les contours d’autres vies professionnelles possibles et inversement ne pas sacrifier leurs rêves sur l’autel d’un pragmatisme étroit:
Rêver ou pas : sortir du jugement de valeur… et des citations inspirantes
Cependant, depuis quelques années, le vent à changé. Les brises marines d’ailleurs professionnels vendues comme des îles paradisiaques se sont emparées du sujet et sont venues souffler à nos narines avides le parfum de monts et de merveilles parfois un poil trop merveilleux et enveloppés dans le joli papier cadeau de tout un tas de dictons et citations. De la méfiance, on est passés en quelques années à un enthousiasme débordant qui ne vaut pas mieux que sa sœur aînée. Statistiques fantasmagoriques à la clé, on voudrait nous faire croire que tout est possible, que nous pouvons tout faire, du moment que nous en rêvons.
Ainsi « Si vous pouvez le rêver, vous pouvez le faire » affirmait Disney. Ouais, c’est super beau, mais c’est faux. Je prends, en pur mode auto-centré, mon propre exemple: j’ai une jambe handicapée. Dans mes rêves, je ne boîte pas et pourtant je ne peux physiquement plus faire de la montagne comme j’aimais. Je peux le rêver, je ne peux pas le faire. Il serait donc plus juste de dire “Si vous pouvez le rêver, vous pouvez peut-être le faire, mais peut-être pas ». Ce qui évidemment, ressemble autant à une citation inspirante qu’un corbeau à un gai pinson.
Et en guise de reconversion, le conte de fée est de mise dans toutes les injonctions, à tort plus qu’à raison. « Le futur appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves » aurait dit la désormais incontournable Eleanor Roosevelt et oui, c’est beau, mais c’est aussi bien beau : ça veut dire quoi et on en fait quoi, concrètement? De quels rêves parle-t-on ? Les rêves sont-ils fait pour devenir réalité ou pour rêver ? Les rêveurs se bercent-ils d’illusion ?
A toutes ces questions, il n’y a qu’une seule réponse : ptête ben qu’oui, ptête ben que non. Ou peut-être deux: ça dépend ça dépasse.
Alors ne laissez personne vous dire s’il « faut » rêver ou non votre reconversion, ne laissez personne faire peser sur vos épaules une obligation à rêver faute de quoi vous êtes un vilain cerveau gauche. Ne laissez personne vous obliger à un réalisme de bon aloi, étriqué et pessimiste comme il se doit, dénué d’aspirations et de désirs. Sortons du jugement de valeur version le rêve c’est bien ou pas bien et regardez, dans le cadre de votre reconversion, dans quelle mesure rêver vous convient, de quelle manière et pour quels bénéfices. Et tant pis pour les idées reçues!
Le rêve peut-il devenir réalité ?
Disons plutôt que si nos rêves doivent voir le jour, nous avons surtout intérêt à les confronter à notre réalité. A la nôtre, pas à la réalité tout court, qui fait l’objet de bien des raccourcis et de préjugés. Notre réalité, c’est à la fois nos systèmes de convictions et l’ensemble de nos traits de personnalité et la façon dont nous pouvons les mettre au service d’un projet… ou pas. Parfois, elle révèle notre aptitude à mener un ou des projets qui paraîtraient parfaitement farfelu au commun des mortels, parfois elle met en lumière que nous ne sommes pas faits du tout pour un projet pourtant généralement considéré comme raisonnable.
D’autre part, nos rêves sont un révélateur intéressant à explorer de nos sources de motivation, de nos valeurs, de nos aspirations et en cela, ils méritent sans doute qu’on fasse un détour par leurs étranges contrées, elles ont du sens, elles ont un sens qui peut échapper à tout autre que vous, mais tant pis pour eux.
8 façons de rêver un projet de reconversion et leurs conséquences
Je vous livre ici en vrac 8 façon de concevoir le fait de rêver en reconversion et les conséquences que cela peut avoir sur votre projet.
1- Rêver / Echappée belle dans un monde plus chouette que la réalité
Les rêves doivent-ils nécessairement être réalisés pour avoir le sentiment de réussir sa vie ? Parfois ils sont une simple échappatoire à un réalité imparfaite. Car pouvons-nous vraiment être en accord total avec nos aspirations et en harmonie complète avec toutes les dimensions de notre propre existence ? Pas sûr. Pas sûr non plus qu’il soit nécessaire et indispensable de transformer tous nos rêves en réalité et surtout tous nos rêves en métier ! Plus jeune, j’aimais voyager pardessus tout! Je rêve encore d’Angkor, d’Ispahan ou de la Route de la soie. Et je ne les verrai pas: je n’ai plus envie de voyager.
Et vous, à quoi rêvez-vous que vous n’avez pourtant pas envie de faire maintenant, mais qui est une jolie échappatoire ou une aspiration pour plus tard ?
3- Rêver / Explorer ses rêves pour se connaître mieux
Revisiter vos rêves est pour vous un moyen de questionner vos motivations, vos appétences, ce qui a du sens à vos yeux ? Alors allez-y ! Vous tenez là des apprentissages à intégrer dans un projet ! Je vous ai dis que plus jeune j’ai beaucoup voyagé. J’aimais arpenter, découvrir, explorer, comprendre ce que je ne connaissais pas. C’est une part majeure de mon activité d’aujourd’hui.
Ce dont vous rêvez, qu’est-ce qui vous pousse à en rêver ? Qu’aimez-vous dedans ? Quels en seraient les bénéfices ?
4- Rêver / Espérer des futurs sans agir
Si rêver veut dire imaginer des futurs possibles sans agir pour les valider ou les invalider, sans les confronter à votre propre capacité à les faire vivre, alors l’inaction inhérente au fait de rêver devient un aller simple pour la frustration, le regret et l’incapacité à s’orienter. Ou peut-être qu’il y a là un indicateur de peu d’envie de changer de métier ou de ne pas savoir comment s’y prendre.
Ces futurs possibles que vous imaginez, qu’est-ce qui vous empêche de les explorer concrètement ?
4- Rêver / Prendre une voie sans l’explorer
Si rêver signifie imaginer des futurs possibles et suivre celui qui génère l’enthousiasme sans l’explorer concrètement, alors il y a là un chemin qui pourrait avoir deux conséquences :
- Mener à la réussite : c’était ce que vous vouliez faire et vous avez en route développé des trésors de débrouillardise pour y parvenir, parce que c’est votre personnalité.
- Mener tout droit à la déception et au sentiment d’échec – métier idéalisé, incompatible avec certains aspects de vous, vie professionnelle non adaptée à vos propres besoins, les risques de plantage sont énormes, et s’en sortirons ceux qui ont une capacité très développée à rebondir rapidement, à s’adapter, à se débrouiller
Le besoin d’exploration est très variable selon les uns et les autres. Ne laissez personne vous dire quel est « le bon niveau » d’information, cherchez celui qui vous va bien et qui vous permet d’avancer sereinement.
Quel est le vôtre ? Dans quelle mesure avez-vous besoin de baliser le projet pour être à l’aise avec ? Pour ne pas l’idéaliser ?
5- Rêver / Explorer les futurs possibles dont on rêve
Vous avez des idées de reconversion, mais… « Tu rêves » vous disent les épouvantails, y compris cette petite voix intérieure de la dévalorisation?
Si rêver signifie s’autoriser à explorer une piste de reconversion possible parce qu’elle nous paraît être une option plein de promesses, alors rêvons ! Explorer de façon à déterminer sa faisabilité en termes de ce qu’on est en mesure de faire pour faire vivre ce projet, sa pertinence en termes d’adéquation entre ce métier et nos besoins, nos valeurs et aspirations, alors rêvons !
De quoi avez-vous besoin pour déterminer si vous êtes en mesure de mener un projet défini ?
Pour mesurer s’il est fait pour vous ?
- Reconversion professionnelle: sortir l’idée de son tiroir
- Reconversion: comment savoir si une idée est la bonne?
- Reconversion professionnelle : évaluer la pertinence et la faisabilité d’un projet
6- Rêver / Attendre la Lune de son projet
l’envie d’un boulot qui se rapproche de l’idéal se répand et c’est tant mieux, car le job « de vos rêves » est certainement une réalité à inventer en pratiquant un job crafting culotté et décomplexé. Comme per exemple Daniel le boulanger :
Cependant, si cette envie se répand parfois comme les iris qui étendent joliment leur territoire au jardin, parfois c’est comme une marée noire d’illusions et d’attentes excessives. Dans le second cas, le risque est de l’attendre longtemps, cette Lune qui n’arrive pas…
Un exemple est le désir de se mettre à son compte pour ne plus avoir à supporter des cons. Ou d’aller bosser dans une association parce que forcément, tout le monde a la même préoccupation. Ou encore espérer une vie professionnelle limpide sans jamais le moindre conflit. Ou croire que vous trouverez dans un métier donné un bonheur permanent…
Votre projet : quelles sont vos attentes vis-à-vis de lui ? Dans quelles mesures sont-elles du domaine de l’atteignable ?
7- Rêver / Explorer les rêves d’enfants
La part du rêve, c’est aussi, potentiellement, explorer nos rêves d’enfants, une vieille tarte à la crème qui peut être savoureuse et pleine d’enseignements comme elle peut ne plus du tout être d’actualité.
Car nos rêves d’enfants peuvent être révélateurs d’aspirations, de valeurs, de centres d’intérêts oubliés, oblitérés, négligés, mis de côté et qui ne demandent qu’à trouver où s’exprimer. Vous ne deviendrez peut-être pas vétérinaire, pompier ou infirmière, star de foot ou artiste, mais il y a là des révélateurs de sources de motivation et non pas frocément de voies possibles : je rêvais d’être alpiniste ou exploratrice parce que j’aime… explorer et découvrir. Or voilà des verbes qui font aujourd’hui partie de mes tâches professionnelles au quotidien. L’application n’a pas toujours besoin d’être directe, elle peut être symbolique.
Attention seulement à ce que les ambitions de l’enfance qui rêve grand ne deviennent pas source de dévalorisation, quand l’écart avec notre réalité est tellement grand qu’il devient vecteur d’auto-flagellation. Dans ce cas, autant laisser ces rêves-là sur les étagères à souvenirs où nous les avons rangés 🙂
Que vouliez-vous faire quand vous étiez enfant? Pour quelles raisons, qu’est-ce qui vous plaisait dedans?
8- Rêver / Mettre la rêverie au service d’un projet
Voilà une autre acception de rêver qui m’est particulièrement chère : rêvasser. Encore plus mal vue que le rêve, la rêverie, qui correspond à une réalité précise, a pourtant des bienfaits multiples qui méritent d’être intégrés dans une réflexion sur la reconversion, pour peu que vous aimiez rêvasser ou ayez une tendance à le faire:
- 4 façons de mettre la rêverie au service d’une reconversion professionnelle
- Mettre la rêverie au service de la reconversion: infographie et podcast
Comme souvent, il n’y a donc pas lieu de présenter quoi que ce soit comme une solution miracle ou de condamner une pratique sans appel, mais plutôt de proposer des possibilité tout en montrant leurs répercussions possibles, pour que chacun puisse naviguer dedans comme il l’entend et comme ça lui convient.
Attrapez donc vos rêves au passage, regardez de quoi ils sont faits, et confrontez-les à votre monde, vos besoins, vos aspirations, vos appétences, vos contraintes, vos aptitudes, vos limites, vos traits de personnalité, vos valeurs pour déterminer leur faisabilité et leur pertinence. Vous laisserez ainsi certains rêves s’envoler, ils ne sont pas vraiment les vôtres et vous laisserez à d’autres la possibilité de devenir réalité, parce que vous le pouvez, parce que vous le voulez et parce qu’ils vous vont bien.
Bonne route!
Aller plus loin
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