Sylvaine Pascual – Publié dans: Brèves du stress
A lire absolument, cet article passionnant sur le livre de Michela Marzano, Extension du domaine de manipulation, qui dénonce le développement des techniques manipulatoires dans les méthodes managériales.Si elle reconnaît que le travail participe de la satisfaction du besoin de reconnaissance ou de la construction de l’identité, la philosophe estime que la réalité pénible du travail suffit à légitimer les revendications syndicales. PLutôt rafraîchissant, à une époque où on nous assène plutôt le contraire… La manipulation réside par exemple dans l’appropriation et l’utilisation abusive d’un vocabulaire que l’on pourrait qualifier d’humaniste. |
Ce élément m’a interpelée parce que lors d’échanges par mail, Valérie, commentatrice régulière sur le blog d’Ithaque, qui est cadre dans un grand groupe, avait identifié l’utilisation détestable de termes socialement corrects et mensongers comme un moyen de pression. A l’évidence, les managers, s’ils sont impuissants contre la machine, ne sont pas dupes de ces mécanismes. Et si ce détournement de sens n’est pas nouveau, il est grand temps de le dénoncer…
Et c’est ce que fait Michela Marzano :
« Brosser les subjectivités dans le sens du poil, créer une dépendance supposée de nature entre l’épaisseur de l’être et l’investissement au travail est pour le management le meilleur moyen de persuader le salarié qu’il fait ce qu’il veut, ce qu’il désire et qu’il réalise ce qu’il est, alors qu’il ne ploie qu’à l’unique intérêt du groupe et de l’entreprise. »
Je continue à citer, car le résumé parle de lui-même :
« à l’obligation par le bâton s’est ainsi substituée l’intériorisation des responsabilités, à la force et la contrainte l’art de persuader, au mensonge la flatterie sournoise. Les conséquences n’en sont pas moins dramatiques et profondes pour la santé psychologique de l’employé. Nulle raison de forcer quand il est préférable de manipuler. Le patron n’a plus le sourcil froncé et la réprimande sévère ; le salarié ne souffre plus d’ecchymoses ni d’inhumanités flagrantes. Mais le dessein que cache le costume cintré, le sourire ultra-bright du manager et les “chartes éthiques”, si fièrement exposées, n’en sont pas moins cyniques et mercantiles (productivité, rendement, etc.). Et à l’auteur de dénoncer cette escroquerie morale, économiquement fiable, qui culpabilise et transforme le salarié, poussé par le groupe, en son propre tyran. »
Tout ceci vient compléter le propos de Michel Le Moal, que nous avions vu dans la brève du stress la nécessité du traitement des causes. C’est bien la nature des facteurs de stress qui a évolué, et peut-être même qu’au final, ils sont plus dangereux qu’auparavent car plus sournois, plus insidieux. Ca fait froid dans le dos…
Voir aussi
Brèves du stress
Les dossiers d’Ithaque: Stress, la coexistence pacifique
Une grande entreprise avait comme slogan de publicité : ‘ce n’est pas ceux qui en parlent le plus qui en mangent le plus”
c’est bien valable en interne pour tout le langage éthique
il y a 15 ans on a eu la mode de l’entreprise citoyenne (parce qu’elle prenait une ou deux personne en contrat emploi solidarité !) mais en fait ces mêmes entreprises détruisent le lien social en interne
la convivialité a été gommée pour être remplacée par une “convivialité imposée” “maison” et “malheur” à qui n’accepte pas de tourner un clip “marrant” sur une chanson à la mode, qu’on mettra sur dailymotion
et le pire en effet c’est que tout cela est petit à petit intégré, cela s’appelle la soumission
et tout le système a été mis en place depuis la fin de la guerre pour amener à cette précarité qui permet de renforcer cette soumission
et je lisais sur un autre blog cette phrase :
« L’élément tragique pour l’homme moderne, ce n’est pas qu’il ignore le sens de sa vie, mais que ça le dérange de moins en moins. » Vaclav Havel
Le stress au travail est monnaie courante… et ce, quelque soit l’entreprise!
Evidemment il varie en fonction de l’entreprise et du secteur d’activité.
Généralement dans les PME, il n’y a pas forcément de moyens de pression…
Il faut souvent prendre son mal enpatience dans la mesure du possible ou trouver une parade pour sortir de l’engrenage!
Ce n’est pas toujours simple de savoir quoi faire : continuer à subir ou trouver une solution échappatoire!
Bonne fin de week-end à toi @Sylvaine! 😉
J’adore la remarque de Fredheas ! Ma pararde perso, c’est la distanciation, et aussi d’avoir plein d’activités extra professionnelle ou on ne vit l’engrenage que tu décris. Mais il faut bien reconnaître que ça ne suffit pas toujours …
Bon dimanche à tous
Bonsoir,
que dire de plus face un constat totalement objectif.
Je croise de nombreux managers qui servent cette notion de marketing interne.
J’entends par là que tout est apparence. La manipulation revêt une fausse image de convivialité si bien que beaucoup de manipulés semblent plongés dans un doux rêve aux figures imposées. Quand le rideau tombe, attention les dégâts!
Nous manageons des hommes, pas des chiffres. Les résultats sont une conséquence. Le respect de chacun doit demeurer au centre de nos préoccupations. (j’aborde ce sujet ici)
Bravo pour l’ensemble du blog.
Bien sûr je ne peux qu’adhérer à ces propos ! Il faut avoir les nerfs solides pour résister à la schizophrénie d’être cadre d’un statut intermédiaire d’une entrepirse, obligée de relayer le discours officiel en étant capable d’en détecter le contenu manipulateur…
Très très bon sujet (le billet et l’article connexe)
Cela m’évoque Jean-Léon Bauvois : “Qu’est-ce qui différencie une société libérale d’une société qui ne l’est pas ?
C’est la façon dont l’exercice du pouvoir, assortit l’obéissance, de la création de mentalités d’obéissants.”
Nos belles convictions combinées à nos constructions sociales, mettent les gens, sous peine de dissonance cognitive, dans des postures de non remise en cause des structures organisationnelles : ils fonctionnent dedans et en intériorisent, au risque de se perdre, la “rationalité”.
La conviction d’être “libre” (répétée à coup d’apprentissages, de principes et de belles déclarations) amène à rationaliser son comportement (si je suis qq’un de “bien” ET libre de ses choix, alors la façon dont j’agis *doit* avoir un sens) et à internaliser ce sens (j’intériorise comme “la mienne” la valeur que j’opère… alors que dans l’absolu elle ne l’est pas) Jeu de dupes, qui peut entrer violemment en contradiction avec ma propre structure.
Le stress au travail apparait malheureusement dans une majorité d’entreprises. Il faut trouver un moyen de lutter contre cela car le bien-être au travail est aussi une source de performance.